- Musique

Yes "Close to the Edge" : quand le rock progressif des 70’s voulait rivaliser avec Bach et Beethoven

Jean-Christophe Mary - 30 mai 2025
Dans une somptueuse réédition, l’album "Close to the Edge" (1972), pierre angulaire du rock progressif britannique, retrouve tout son éclat. A travers ce coffret, Yes réaffirme son ambition fondatrice : faire du rock une musique sérieuse, ambitieuse, symphonique.

Lorsque Close to the Edge paraît à l’été 1972, la jeunesse britannique et une bonne partie de l’Occident est en quête d’un ailleurs spirituel, artistique, esthétique. Dans les 60's, le psychédélisme a ouvert les portes de la perception, mais les Beatles ne sont plus et le rock cherche une nouvelle voie. Le début des 70’ marque l’âge d’or du rock progressif. Yes, groupe fondé à la fin des années 1960, répond à ce vide par une proposition ambitieuse : un art total, complexe, exigeant, qui emprunte au classique, au jazz, à l’électronique et au folklore européen. Genesis sort Foxtrot, Jethro Tull Thick as a Brick, King Crimson se réinvente avec Larks’ Tongues in Aspic. Mais c’est Yes qui, avec son cinquième album Close to the Edge, signe le plus haut sommet de la décennie pour les amateurs d’ambition et de démesure sonore.

Chacun des musiciens atteint ici
son sommet de créativité

Dès les premières secondes, le ton est donné : pas de single, pas de refrain, pas de format radio. Seulement trois morceaux, dont un de près de 19 minutes. Le prog n’a jamais aussi bien porté son nom. A cette époque, Yes est en état de grâce. Chacun des musiciens atteint ici son sommet de créativité. Jon Anderson, au chant, est l’ange gardien de cette messe païenne. Sa voix claire et haute, sans vibrato, traverse les octaves comme un guide mystique. Steve Howe, guitariste de formation classique impressionne par ses riffs massifs, ses picking acoustiques, son jeu pedal-steel country ou de sitar électrique. Armé de sa Rickenbacker Chris Squire, est bien plus qu’un bassiste. Par sa présence magnétique et son jeu inventif il impose ses lignes mélodiques comme une voix parallèle. Il est l’ossature du son Yes. Rick Wakeman, flamboyant dans son costume à paillettes, orchestre lui tout un arsenal de claviers : mellotron, Moog, Hammond, clavecin… Il passe de Bach à Bowie en une mesure. Le batteur Bill Bruford, dont c’est ici le dernier album studio avec Yes, se charge de dynamiter la rythmique. Sa frappe jazz est précise, sèche, mathématique.

Composé de trois structures sonores, l’album offre trois univers bien distincts. Close to the Edge (18 min 41) ouvre le disque sur une structure presque religieuse, inspirée du Siddhartha de Hermann Hesse. Divisé en quatre mouvements, le morceau commence par une jungle sonore, bruits d’eau, oiseaux, avant un déluge de contretemps. The Solid Time of Change vous prend à la gorge, Total Mass Retain resserre les structures, I Get Up I Get Down suspend le temps, et Seasons of Man fait jaillir l’apocalypse. Voila un condensé de pop baroque aussi mystique qu’hallucinant. Entre sons naturels, improvisations contrôlées et envolées contrapuntiques, Yes emmène l'auditeur dans une expérience rock transcendante.

Le témoignage d’une époque où le rock cherchait à égaler Mahler ou Debussy

Le second titre And You and I comprend quatre sections. Mais cette fois, le lyrisme pastoral prend le pas faisant écho aux cycles de la nature. Les guitares acoustiques d’Howe virevoltent, les nappes sacrées de mellotron vous prennent à la gorge. Voix suspendue entre extase et liturgie, Anderson chante comme dans un rêve éveillé. Enfin le dernier titre Siberian Khatru claque comme un manifeste. C’est la partie la plus “rock”, la plus rythmique. Riffs éclatés, tempo bancal, harmonies vocales tordues, ce morceau habité comporte un break instrumental qui flirte avec le funk.

Le vinyle remasterisé rend justice à la dynamique du mix d’époque. Les cinq CD alternent versions stéréo, prises alternatives, live au Rainbow Theatre de Londres (1972), et un mix inédit signé Steven Wilson. Le Blu-ray, avec son Dolby Atmos, permet d’explorer chaque recoin du son — comme si vous étiez dans le studio.

Plus qu’une réédition pour boomers nostalgiques, cet objet est un document historique. Le témoignage d’une époque où le rock cherchait à égaler Mahler ou Debussy. Plus d’un demi-siècle plus tard, cette édition Super Deluxe, pensée comme une plongée exhaustive dans l’univers de l’album, en restitue la profondeur.

Jean-Christophe Mary pour www.micmag.net
"Close to the Edge"
Yes
Édition Deluxe Limitée
CD Edition limitée, 281,81 euros
CD Album Standard 12 euros

  • Facebook
  • Google Bookmarks
  • linkedin
  • Mixx
  • MySpace
  • netvibes
  • Twitter
 

Events

Vintage world (Click on the title)

Quelques tubes qui ont marqué l'année 1968...

« Words » des Bee Gees, « Rain and Tears » des Aphrodite's child ou encore « Congratulations » de Cliff Richard, Micmag vous propose, cette semaine, de découvrir ou redécouvrir quelques uns des tubes qui ont ponctué l'année 1968. Souvenirs, souvenirs, la suite, ici


Going out in Paris


Paris - Jusqu'au 28 septembre 2025
« Le Mur de Berlin. Un Monde divisé »

Cette exposition retrace l’impact de la Guerre froide sur Berlin, une ville déchirée pendant plus de trois décennies. Parmi les pièces exposées, un fragment authentique du Mur de Berlin de plus de 10 mètres et plus de 200 objets originaux issus de 40 institutions internationales illustrent la vie quotidienne en Allemagne de l’Est et de l’Ouest. Une invitation à réfléchir sur les valeurs universelles de liberté, de démocratie et de coexistence. Plus ici.

« Le Mur de Berlin. Un Monde divisé »
jusqu'au 28 septembre 2025
à la Cité de l’architecture et du patrimoine
Paris 16e

News flash

Le buste de Jim Morrison enfin retrouvé !
Trente-sept ans après sa disparition, le buste de Jim Morrison, couvert de graffitis, a été retrouvé dans le cadre d’une autre enquête. Pour en savoir plus, ici.
 
Un biopic sur les Beatles

Paul Mescal (Paul), Barry Keoghan (Ringo), Harris Dickinson (John) et Joseph Quinn (George) incarneront les quatre garçons dans le vent sous la direction de Sam Mende. Un biopic en quatre volets dont le premier sortira en avril 2028.

 
La Finlande, pays le plus heureux du monde

Pour la huitième année consécutive, la Finlande a été désignée comme le pays le plus heureux du monde dans le rapport sur le boheur 2025 publié jeudi. La France est loin derrière, au 33e rang.

 
Le Printemps des Poètes
Le Printemps des Poètes, dont le thème est la poésie volcanique, se tient du 14 au 31 mars 2025, dans toute la France. Plus d'infos, ici.
 
« La France par ses contes »

Grasset lance « La France par ses contes », une collection dédiée aux contes et légendes régionaux. Les premiers paraîtront le 30 avril  et concerneront : la Loire, la Normandie, l’Outre-mer et les Pyrénées. La collection comptera 24 ouvrages.