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Génocide, le cri du silence d'Antoine Agoudjian

Marie Torres - 24 avril 2015
À l'occasion du centenaire du génocide arménien, qui a fait près de 1,5 million de victimes, le photographe Antoine Agoudjian publie un très bel ouvrage « Le Cri du silence -Traces d'une mémoire arménienne ». Rencontre.

Antoine Agoudjian est photographe. Il est aussi le petit-fils de rescapés du génocide arménien de 1915. Génocide qui, rappelons-le, a fait près de 1,5 million de victimes, soit les deux tiers des Arméniens vivant sur le territoire turc. Et qui, aujourd’hui encore, n’a pas été reconnu par les autorités turques.

Le 7 décembre 1988, l’Arménie est secouée par un tremblement de terre qui dévaste la région de Spitak. Antoine Agoudjian intègre une organisation humanitaire et se rend sur place. Là, un déclic se fait. Sa quête identitaire débute. Qui est ce peuple ? Quelles sont ses origines ? Son histoire ? Son appareil photo en main, il part à la recherche de ce passé qui est aussi le sien. Il visite tous les lieux où les Arméniens ont séjourné. L’Arménie, bien sûr, mais aussi le Caucase, Jérusalem, le Liban, la Syrie, la Turquie, l’Irak, l’Iran… Partout, il immortalise des scènes de vie, des visages, des regards, des sourires. Chacun de ses clichés devient un témoin de plus pour « immortaliser la mémoire afin qu’elle n’appartienne pas qu’au passé ».

Ce 24 avril 2015, alors que s'ouvre la commémoration du 100e anniversaire du génocide, Antoine Agoudjian publie son travail. Vingt-sept années de recherches regroupées dans un très bel ouvrage Le Cri du silence – Traces d’une mémoire arménienne. Un livre, témoin. Un livre pour ne pas oublier.

Le Code pénal turc interdit tout débat sur le génocide

Micmag : Depuis des années , appareil photo en bandoulière, vous parcourez le monde en quête de la « mémoire arménienne ». Vous êtes « obsédé » par ce besoin de transmettre l’héritage de vos aïeux ?

Antoine Agoudjian : Obsédé oui, mais surtout par le poids de mon héritage. La photographie est pour moi une sorte d’exutoire à ce trop-plein.

Micmag : En 2011 et en 2015 , vous avez exposé votre travail en Turquie, pays qui n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans le génocide arménien. Est-ce une « avancée » de la part des politiques, de vous y avoir accueilli?

Antoine Agoudjan : Non, car chaque fois, j'étais invité par une galerie privée. Ce n’est qu’une partie de la société civile, certains intellectuels turcs, ainsi que des représentants de partis kurdes qui sont en faveur de la reconnaissance du génocide. Le gouvernement turc quant à lui reste toujours ancré dans son négationnisme.

Micmag : Qui sont les intellectuels turcs en faveur de la reconnaissance du génocide ?

Atoine Agoudjian : Cengiz Aktar, Ali Bayramoglu, Ahmet Insel, Ayse Gunaysu ...beaucoup d’intellectuels turcs combattent en faveur de la reconnaissance du génocide arménien. Certains l'ont d’ailleurs payé très cher, comme Hrant Dink, qui était rédacteur en chef  de l’hebdomadaire turco-arménien Agos. Il a été assassiné devant son journal, à Istanbul, en 2007. Il y a aussi Ragip Zarakolu, éditeur et cofondateur de l'Association des droits de l'Homme en Turquie, qui a été emprisonné plusieurs fois, notamment pour avoir publié en turc le livre de George Jerjian, The Truth Will Set Us Free (La Vérité nous libérera).

Micmag : Le génocide reste donc toujours un sujet tabou ?

Antoine Agoudjian : On peut en parler, des intellectuels ainsi que la société civile le font. En revanche, il faut savoir que l’article 301 du Code pénal turc condamne tous les individus soupçonnés de porter atteinte à l’identité  ou aux institutions turques et, bien entendu, tous  les débats autour du génocide arménien sont également visés par cet article.

Micmag : Comment a été ressentie la récente déclaration du pape François qui a utilisé le terme de « génocide » pour évoquer le massacre des Arméniens ?

Antoine Agoudjian : Cette déclaration a provoqué la furie  du président turc Recep Tayyip Erdogan qui a déclaré : « Il faut laisser l’Histoire aux historiens » !

Micmag : Quand vous est venue l’idée de réunir vos photos et de les publier dans votre livre Le Cri du silence ?

Antoine Agoudjian  : C’est un projet au long cours que j’ai commencé il y a près de trente ans. Je n’ai fait, dès lors, qu’édifier et poursuivre mon œuvre. Certaines dates cruciales dans l’histoire de l’Arménie ont offert une singulière visibilité à mon travail.

Je raconte une histoire qui débute par le bonheur, puis s’enlise vers le chaos, la tragédie. La fin n’est ni heureuse ni joyeuse, la vie continue, inexorablement.


Marie Torres
« Le cri du silence - Traces d'une mémoire arménienne »
Photographies d'Antoine Agoudjian, préface de Simon Abkarian
Editions Flammarion, 2015
65 euros
Expositions
Jusqu’au 30 Avril 2015
Bibliothèque du Grand Parc
34 rue Pierre-Trébod
33000 Bordeaux

Jusqu’au 23 mai 2015
Galerie « Le bleu du ciel »
12 rue des Fantasques
69000 Lyon

Du 12 mai au 7 juin 2015
Centre d’art Espace Chabrillan
127, rue Pierre-Julien
26200 Montélimar

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