Paris - portrait

Lenine (chanteur) : "Lula pense être réélu, il se fait des illusions!"

Stephane De Langenhagen - 5 juillet 2012
C'est un chanteur talentueux qui s'exprime sur la politique, la gestion de la planète, les partis, l'évolution galopante de Rio, les écolos. Une autre vision des choses vue par un artiste très respecté au Brésil comme ailleurs. Un Lenine bavard comme vous ne l'avez jamais imaginé !

Interview Micmag

Micmag : Tu n’a pas l’impression que Rio est en train de changer complètement ? Avant tout se mélangeait, pauvres et riches, plantes et béton, alors qu'aujourd’hui Rio est en train de devenir comme toutes les autres villes du monde, non ?

Lenine :  Oui, mais à Rio, à cause de la configuration géographique, il y a toujours autant de promiscuité. C’est impossible de changer Rio. Tu es à Ipanema, au bout il y a une énorme favela. La différence entre les deux, c’est 50 mètres. L’entrée des UPPs (unités de police pacificatrices) a été l’élément décisif. Tu sais, chez les riches, sous le tapis, il y a beaucoup de saleté. La favela, c’était la poussière sous le tapis, et puis il y a quelques années, on a commencé à soulever le tapis. Du coup, ce qui auparavant n’existait pas, s’est mis à exister, y compris comme possibilité réelle de spéculation immobilière. Aujourd’hui, dans les favelas où se sont installées les UPPs, on construit des hôtels de charme, des auberges de jeunesse ! De ce point de vue, tout est en train de changer. Mais la question est de savoir jusqu’où va aller cette spéculation. Regarde le Complexo do Alemão : la partie où l’UPP est entrée, a vraiment changé. Mais c’est suffisamment loin de la zone sud pour qu’il n’y ait pas de spéculation immobilière, contrairement au Morro do Tambá, à Chapeu Mangueira, toutes ces favelas proches de la zone sud. Ils y ont construit de super téléphériques, pour relier les morros entre eux, presque gratuits, c’est formidable ! C’est vrai qu’en enlevant tapis, on a mis à jour de nouveaux problèmes, et les choses ont évolué depuis l’arrivée des UPPs.

"Les bandits par exemple, ne disparaissent pas comme ça, ils changent juste d’endroit".

Les bandits par exemple, ils ne disparaissent pas comme ça, ils changent juste d’endroit. Maintenant c’est au tour de la périphérie de devenir peuplée de grandes favelas, où se retrouvent tous les expulsés des favelas de la zone sud. On n’a fait que déplacer les problèmes. A Paris c’est pareil, et aujourd’hui tout est rouge…. Bon, rose, ok, mais c’est un changement, et un changement significatif : tout le monde était complètement bloqué avec Sarko, non ? Sa défaite a été un symbole. Mais pour moi, le plus incroyable, c’est votre Parti Vert qui a 3 dissidences !

M:  Justement, quelles sont tes relations avec le Parti vert au Brésil ?

L : Je comprends bien l’émergence du Parti Vert en Allemagne, mais au Brésil ??! Le Parti Vert, c’est le parti de Hulk ! Il n’y a pas de Parti de l’Education, ni de la Culture, ni de la Santé, non ??! Comment alors une question aussi importante pour l’humanité aujourd’hui comme celle du milieu ambiant, peut-elle devenir une histoire partisane ? Au Brésil, nous avons un groupe parlementaire de la question rurale, qui a un rôle extrêmement bizarre, à cause du code forestier, et qui n’existe que parce qu’il existe un Parti Vert. En réalité, il y a quelque chose qui leur importe bien plus que le fait d’émettre un véto, en disant, ça non, ce n’est pas possible, car ce qu’ils visent en fait, c’est l’amnistie de leur propre déprédation passée. Leur argument, c’est le petit agriculteur qui va souffrir. Dilma a dit « ah, ok . Le petit, il aura les aides de l’état ».

"Le Parti Vert au Brésil, c’est un anachronisme, ça n’a rien à voir avec rien"

La question des berges des fleuves est au centre du code forestier. On doit faire une calotte végétale pour protéger les fleuves, et le code définissait qu’il fallait replanter. Si tu as tant de terre, tu allais devoir replanter 30m de berges. Plus de terres, 50m. Pour les grands, 100 à 200m, plantés et replantés. Les grands agriculteurs ont utilisé l’argument du petit pour dire ah non, le Brésil doit amnistier ce qui a été fait avant. Et Dilma a répondu : « Le petit, je l’aide à replanter, l’état banque. Mais vous les grands, c’est vous qui allez payer. Et cher ! ». Et le code, qui était entre les mains des sénateurs, a dû être reformulé. Parce qu’il y a une brèche : le Parti Vert. Si la question du vert, de l’écologie, avait été dissociée d’un parti, ça aurait plus facile à résoudre. Le Parti Vert au Brésil, c’est un anachronisme, ça n’a rien à voir avec rien ! La droite parle de ces questions qui devraient les concerner, de la même façon : « on doit préserver, etc… » Du coup, le discours du Parti Vert se dilue entre la droite et la gauche. La Terre entière a pris conscience qu’il est devenu impossible d ‘habiter la planète sans la conscience verte. Cette conscience écologique, cette conscience de la relation de l’homme avec le milieu ambiant. Impossible d’enlever l’homme de ce milieu ambiant, il doit y vivre. "De Carajás à Belém,  2h d’avion. Il y a 15 ans, tout était vert. Aujourd’hui, toute la partie du Maranhão qui jouxte le Pará, Goiás et Tocantins, est dé-vas-tée !!!"Je viens de faire une tournée à l’extrême nord du pays. J’y avais été il y a 15 ans. Je suis retourné cette fois à Carajás, Marabá, et Belém (Pará). Aujourd’hui il n’existe plus rien de ce que j’ai vu il y a 15 ans. De Carajás à Belém, ce sont 2h d’avion. Il y a 15 ans, tout était vert. Aujourd’hui, toute la partie du Maranhão qui jouxte le Pará, Goiás et Tocantins, est dé-vas-tée ! D’abord il y a eu une grande vague de déboiseurs, qui ont tout arraché, puis une vague d’éleveurs de bétail occupant les terres avec leurs troupeaux. Parce que le sol de l’Amazonie n’est pas riche du tout, c’est du calcaire, alimenté par les feuilles, c’est de l’autophagie… J’ai été en Amazonie pendant 2 semaines avec une équipe de chercheurs de SOS Mata Atlântica et de la WWF pour connaître le travail des riverains, et à chaque fois que je pénétrais dans la forêt, je mettais la main dans le sol : 5 à 10 cm de humus, et en dessous, du sable blanc, du calcaire : il ne pousse rien ! C’est fragile, malgré l’exubérance apparente, si on coupe, rien ne va repousser. J’ai pu le constater à maintes reprises. Bien sûr on pourrait faire comme les israéliens qui plantent au milieu du désert, l’homme en est capable. La Tamise était complètement polluée, aujourd’hui on y pêche. Mais pour combien de travail ?! Et à quel prix ?! C’est ça la question principale qui se pose pour revitaliser cette aire, car le sol est calcaire, vieux, pauvre, et la forêt est autophage, elle s’autoalimente par ses feuilles. Tout cela s’est fait au nom de l’église, de la liberté.

M : Les nouveaux évangélistes, ce sont eux les véritables acteurs du changement ?

L : Le Brésil avait une pyramide sociale extrêmement abrupte, maintenant cette partie de l’iceberg, la pointe, misérable, a complètement changé : c’est comme un ballon, un gros ballon. C’est parce qu’une grande couche de la classe moyenne commence à émerger, à consommer, a avoir accès à l’information, à l’éducation, commence à prendre conscience, alors qu’elle était toujours restée en marge des choix du pays, c’est pour ça que tout est en train de changer.

Lula pense qu’il va être réélu, mais il se fait des illusions !

Lula pense qu’il va être réélu, mais il se fait des illusions ! Sa stratégie, c’était de placer Dilma, et de revenir réclamé par le peuple « Reviens ! Reviens ! » On dirait l’histoire de Janos Quadros qui a abandonné le pouvoir de son propre chef dans les années 60 pour mieux revenir, suite au véto du congrès par rapport aux lois qu’il voulait faire passer : le peuple ne l’a pas rappelé ! Dilma est bien meilleure que Lula, elle a réussi à soulever le rideau qui recouvre l’histoire de la dictature, personne avant elle n’avait réussi. Aujourd’hui il existe une commission qui fait des recherches sur tous les cas des disparus. Elle-même a été persécutée, torturée, et c’est cette histoire personnelle qui permet enfin qu’on se pose des questions. Lula était célèbre, elle non, elle parle peu, elle agit. Elle a déjà renvoyé 10 ministres juste pour corruption. Au moindre doute elle sévit. C’est une preuve incontestable qu’elle veut faire avancer les choses. Je suis fan de Dilma, même si elle est apparue grâce à Lula. Lui, c’est grâce à Fernando Henrique Cardoso, qu’il est apparu. La meilleure chose que Lula ait faite, c’est de ne pas changer la politique économique de FHC. D’ailleurs, il n’en avait même pas les moyens. Mais il a fait exploser le parti pour se maintenir au pouvoir, le PT, le parti originel, qui attachait une extrême importance à la conduite. C’est impardonnable. J’étais un militant du PT, mais aujourd’hui je ne crois plus à aucun parti, seulement en les personnes.


Merci à Jacques Denis.

Interview Stéphane de Langenhagen

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