- Portraits

Raul Rodriguez Da Silva : " Le monde s'assombrit [...] perdant jusqu'à son humanité "

Marie Torres - 11 novembre 2020
Rencontre avec l'acteur, pédagogue et directeur de théâtre uruguayen, Raul Rodriguez Da Silva qui, depuis des années, entretient un lien très fort avec la culture russe et notamment avec son théâtre.

Si, très tôt, la vie de Raul Rodriguez Da Silva est liée au théâtre, elle passe aussi par le militantisme. Né en 1943 à Durazno en Uruguay, il est membre du Movimiento de Liberación Nacional —Tupamaros - durant la guérilla de son pays, dans les années 60. Il est emprisonné puis libéré et rejoint alors le Chili où, après le coup d'état de septembre 1973, il est de nouveau arrêté et emprisonné puis libéré. Il rentre en Uruguay pour réorganiser le mouvement Tupamaros. De nouveau arrêté, il passe 10 ans derrière les barreaux avant de bénéficier, en 1985, de l'amnistie postdictaturePlus tard, il quitte son groupe politique et, en 2009, il se présente à la Présidence de la République avant de se retirer de la politique peu de temps après.
Aujourd'hui, il se consacre entièrement au théâtre et à son enseignement via son atelier de Paysandu (Uruguay).

Depuis quand votre vie est-elle liée au théâtre ?

R.RdS. : Pratiquement depuis l'âge de 11 ans, quand j'ai participé à une série de pièces radiophoniques pour enfants. Et à 15 ans je suis parti pour Montevideo, la capitale de mon pays, pour débuter mes études de théâtre.

Que pouvez-vous nous dire sur le théâtre latino-américain ?

R.RdS. : Le théâtre latino-américain a été un théâtre très riche, un théâtre très créatif en général, qui a essayé de porter sur scène les problèmes de notre continent. C'est pour cette raison qu il a été persécuté par les dictatures qui ont dévasté l'Amérique latine notamment dans les années 60/70 alors qu'il atteignait son plus haut niveau de qualité artistique et d'influence sur le public.

Dans les années 90, le néolibéralisme a commencé à s'imposer sur le continent. Les influences de son idéologie et de son esthétisme en ont fait un théâtre postmodernisme. Un théâtre pour élites. Un théâtre pour initiés. Un théâtre dont le code est devenu intraduisible pour les couches populaires qui s'en sont éloignées.

Nous essayons maintenant de sortir de cette influence négative, mais ce n'est pas facile, car cet esthétisme a généralement un soutien officiel et privé.

Vous entretenez depuis longtemps une relation culturelle et théâtrale avec la Russie. Vous avez fait découvrir l'oeuvre de Dostoïevski en Amérique Latine et vous avez été invité à de nombreuses manifestations théâtrales à Moscou, pour présenter des dramaturges russes et uruguayens. Comment expliquez-vous ce lien avec la culture russe ?

R.RdS. : Mon lien avec le théâtre russe est très fort. On peut dire que mes études à l'Institut Russe des Arts du Théâtre, le GITIS à Moscou, ont totalement changé ma vision de l'art théâtral, et en particulier de la formation théâtrale. Ma rencontre avec Konstantín Stanislavski et son système a été fondamentale pour mon travail en Uruguay et dans le reste de l'Amérique latine. en me transformant en un véritable missionnaire. J'ai enseigné au GITIS, mis en scène plusieurs œuvres avec des artistes professionnels de Russie, et aujourd'hui j'ai un studio de théâtre à Moscou au Armen Dzhigarkhanian State Theatre pour étudiants et artistes latino-américains et hispanophones en général, et aussi russes. Cela a aussi été un travail assumé de servir, autant que possible, de lien entre la culture russe et latino-américaine. J'ai mis en scène en Uruguay et en Amérique latine des œuvres classiques de la dramaturgie russe (Tchekhov, Pouchkine, Dostoeivski, Gorki, etc.) et en Russie, des pièces d'Uruguay et d'Amérique latine.

Et depuis septembre 2018, vous faites partie de l'Association des Ecrivains de Russie, et devenez le premier latinoaméricain à recevoir cette haute distinction. Comment le vivez-vous ?

R.RdS. : Je précise d'abord que notre Corporation compte également des dramaturges, des critiques et des directeurs de théâtre parmi ses membres. Le fait d'intégrer cette association comme seul latino-américain, et aussi comme seul non russe, je l'ai vécu comme une récompense pour ma carrière. Cela implique la responsabilité de diffuser la dramaturgie actuelle de Russie sur mon continent, en langue espagnole. La transmettre à mes collègues latino-américains. Par ailleurs, dans mon Studio à Moscou, j'ai donné la priorité aux textes de la dramaturgie russe contemporaine.

En 2021, on commémore le bicentenaire de la naissance de Dostoïevski. Avez-vous un projet pour le célébrer ?

R.RdS. : Oui, pour cette célébration, je travaille déjà sur la relation entre Fiodor Dostoïevski et sa dernière épouse, Anna Grigorievna. Je prévois également de reprendre mon adaptation théâtrale du roman Crime et Châtiment, que j'ai créé en 2011 pour le 190e anniversaire de Dostoïevski. Avec cette adaptation, j'ai eu la chance non seulement de la présenter dans mon pays, même à l'intérieur de l'Uruguay, mais aussi de l'emmener en tournée dans plusieurs pays d'Amérique latine, ainsi qu'en Russie et en République socialiste soviétique de Biélorussie (maintenant Biélorussie).

Au vu de la situation mondiale actuelle, diriez-vous, avec Dostoïevski, que seule la beauté - la culture - peut sauver le monde ?

R.RdS. : Je suis en accord complet avec Dostoïevski. Le monde s'assombrit parfois. Il s'assombrit dans tous les sens, politiquement, idéologiquement, même moralement, perdant jusqu'à son humanité. C'est la culture, et l'art en particulier, qui peut recréer ce monde, en nous le présentant avec la luminosité et la beauté qui le font vivre avec joie, et dire avec notre artiste chilienne, Violeta Parra : Gracias a la vida ! (Merci à la vie)

"Cette vidéo sur YouTube ne reflète pas exactement ce qu'était notre travail avec "Crime et Châtiment". C'était une vidéo réalisée à la hâte lors d'une répétition en raison de la pression d'un festival en Équateur, qui nous a demandé de la faire de toute urgence. Ensuite, il y a eu des changements dans le texte, dans les personnages (et leurs interprètes) ainsi que dans la mise en scène elle-même. C'est avec cette autre version que nous nous sommes rendus en Russie et en Biélorussie en 2012. " Raul Rodriguez

Entretien en espagnol, ici

Propos recueillis par Marie Torres www.micmag.net

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