Décor médiéval et art de vivre à l’Italienne. Nous vous invitons chez la famille Gibelli, grands amateurs de musiques et d’instruments au château de Gropparello, une forteresse mystérieuse du VIIIe siècle qui domine la plaine du Pô à une heure de Parme.
Il faut quitter la riche plaine du Pô et la région de Parme, prendre une petite route sinueuse qui se perd dans les montagnes pour arriver enfin sur un mont rocailleux où se tient dignement érigé le château médiéval de Gropparello. Nous sommes à deux heures de route de Milan et une heure de Parme. Cette forteresse fut d’abord une propriété ecclésiastique qui passa sous la coupe de puissantes familles comme les Pallavicino, les Sforza,, les Attendolo, de la douce et riche région d’Emilie-Romagne. Le château est imposant sur un terrain irrégulier et entouré de bois. C’est sur le pont-levis que nous attend Gianfranco Giorgio Gibelli, 60 ans, l’élégant et cultivé propriétaire de ce vaste château dont les premières pierres furent posées au VIIIe siècle. Il porte au doigt, une bague d’un de ces ancêtres de retour de la campagne d’Egypte auprès de Napoléon. « Le Moyen-Âge est une de mes périodes de prédilection parce qu’il est mystérieux. On a tendance à mêler à cette période, une certaine ignorance et de la souffrance alors que c’est une époque de grande évolution. En tant que Milanais, j’avais toujours ce rêve de château et de retour vers la nature. Même si, à Milan je vivais dans une maison avec jardin » dit Gianfranco qui a entrepris durant des années la restauration et la décoration des différentes pièces du château. Mais notre châtelain, issu d’une grande famille , en joyeux héritier, a récupéré beaucoup de beaux meubles et bibelots de famille lorsqu’il vivait entouré d’antiquités. Et nous voici parti pour une longue visite à travers les différentes pièces. Dans une petite salle à manger, la belle vaisselle est exposée sur un bas de buffet néo gothique de 1800 retrouvé dans l’une des salles du château. Ici la cheminée de Renaissance tardive (fin du XVIe siècle) possède un véritable travail de sculptures et de stucs en parfaite harmonie avec la taille de la pièce. Ce travail est attribué à un grand maître, l’architecte-décorateur et peintre maniériste Giulio Romano (1499-1546), un élève de Raphaël qui a décoré le palais du Te à Mantoue et réalisé des fresques au Vatican. Le plafond est fait d’une suite peu espacée de poutrelles rectangulaires. Passons à la salle d’angle qui domine la vallée au sud pour mieux guetter l’ennemi. Un piano forte français signé Pierre Erard en 1847 occupe une belle partie de ce qui fut une chambre à l’époque baroque. Le compositeur Verdi né tout près d’ici utilisa un piano Erard de 1850 similaire à celui-ci nous fait remarquer Gianfranco. Sur l’arrière, un superbe miroir gênois à facettes renvoie une lumière d'antan. Le dallage fait dans la région est du XVIIe siècle. Vous noterez au plafond des angelots en plâtre autour d’un écusson à la fleur de lys à forte influence maniériste. Le tout n’est qu’une ode au romantisme et une invitation à l’art musical. A Gropparello, l’espace n’est pas un problème et le mobilier est à son aise. Autre imposante pièce par sa taille et son aspect médiéval, voici la salle de réception ou la « salle d’armes ». C’est aussi là qu’on eu lieu tout d’abord, les conciles durant la présence des ecclésiastiques et ensuite les bals du château dans son époque baroque. La vaste salle a été modifiée vers 1700. Les armures sont elles aussi créées autour de cette date, les fauteuils en X nommés ici « sedia savonaroles » en bois foncé du XVIe siècle invitent à la quiétude et vous font entrer dans les légendes de Gropparello. Il en est une qui fascine le propriétaire. C’est l’histoire de la très jeune Rosania Fulgosio qui vers 1200 fut enterrée vivante sous une dalle du château par son mari jaloux, de retour de guerre. Il supposait, qu’en son absence, elle entretenait une relation amoureuse. Gianfranco a même publié un livre sur cette histoire qu’il qualifie d’inquiétante. (1) » Les Fulgioso furent des proches des nobles Visconti (l’un des descendants célèbre fut le metteur en scène Luchino) qui régnèrent en Lombardie du Moyen âge jusqu’à la Renaissance. Les peintures murales datent des restructurations en 1800. Mais le plus spectaculaire est la grande cheminée avec l’écusson de la famille Boselli Bonni, un industriel de Plaisance qui participa à la restauration des lieux avant de le vendre en 1975. Vous remarquerez au sol un dallage d’une manufacture de Plaisance vers 1800 au centre de la pièce et 1500 sur les corniches. Les salles se succèdent et voici la pièce-bureau avec bibliothèque et écritoire Napoléon Ier, son siège Louis-Philippe et un tapis persan. Des belles reliures sur deux thèmes principaux dont un sur la botanique et un autre sur la conquête de l’Amérique. Une petite porte donne sur une terrasse faite pour admirer le fond de la vallée et la ville au loin de Plaisance. Mais le clou de la visite chez les Gibelli est la collection d’instruments de musique qui s’étale à sa guise dans une aile du château . « Je n’aime pas le mot collection pour les instruments… ça a une connotation poussiéreuse, des choses qui ne servent à rien. Car pour moi la musique est extrêmement importante pour vivre. J’aime la musique du Moyen-âge (pour ses percussions), de la Renaissance (pour la danse) et la musique baroque… Je peux écouter Chopin dans la tristesse mais la joie revenue, cela ne me dit rien ! » raconte celui qui aime disposer dans les différentes pièces du château des instruments de musique dont une mandoline napolitaine , une rare vieille à roue, un violoncelle populaire à trois cordes de type médiéval. Il y a même autour d’un grande cheminée, une diversité d’instruments anciens pour les amateurs dans les soirées privées du château. Et les acquisitions ne cessent de croître. Car Gianfranco, sa femme Rita et sa fille Chiara, fréquentent assidûment les salons et les boutiques d’antiquaires du pays et de France. A noter que Chiara (véritable cinéphile comme son père) joue le rôle de sorcière lors d’évènements pour enfants dans les jardins du château. La famille Gibelli semble vivre dans un conte de fées dans un décor somptueux.