France - Reportages

Sophie Bigogne : « Nous sommes les acteurs de la promotion de la France auprès de nos visiteurs »

Marie Torres - 28 mars 2015
Face à une possible dérèglementation de leur profession et, notamment, à la disparition de leur carte professionnelle, les guides conférenciers sont en colère et ils le font savoir. Comment ? Pourquoi ? Rencontre avec Sophie Bigogne et Florence Hébert.

Dans les salles d’un musée,  sur le parvis d’une cathédrale, dans les galeries d’un château…  Qui ne les a jamais croisés, ces groupes, français ou étrangers, attentifs aux propos de leur accompagnateur (trice) ? Posant des questions ou prenant des notes. Ces accompagnateurs (trices), ces guides-conférenciers (ières), indispensables à la transmission de notre patrimoine et de notre histoire, sont aujourd’hui menacé(e)s : une ordonnance devrait remettre en question leur profession et même supprimer leur carte professionnelle. Pourquoi ? Comment ? Explications de Sophie Bigogne et Florence Hébert, toutes deux guides-conférencières.

Micmag.net : Guide national, régional, conférencier, interprète… Qui est le guide-conférencier ?

Sophie Bigogne : La réforme des métiers du guidage de 2012 a regroupé sous la même appellation les guides nationaux et régionaux, les interprètes régionaux,  les conférenciers nationaux et les conférenciers des villes d'art et d'histoire.  Aujourd'hui, nous sommes tous des guides-conférenciers et avons tous la même carte professionnelle mais on nous a supprimé le badge qui l’accompagne.

M. : C'est important ?

S.B. : Oui, car c’est ce badge qui permet de nous identifier lorsque nous travaillons et qui facilite le contrôle dans les musées.

M. : La carte professionnelle, comment l’obtient-on ?

S.B. : ll y a divers cursus : l'université, les licences professionnelles, les formations du CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) les formations GRETA (Formation continue pour adultes)... En Europe, il existe aussi une directive, heureusement peu utilisée, qui autorise  « la libre prestation de services au sein de la CE ».

M. : C’est-à-dire ?

S.B. : C’est-à-dire qu'un guide d'un autre pays européen, pouvant justifier du diplôme de son pays, a le droit d’exercer en France. Ce qui est aux yeux des guides de tous les pays une aberration : guider dans un pays suppose une formation  spécifique à ce pays. Cela paraît une évidence, non ?

M. : J’imagine que tout ceci vous fait craindre une dérèglementation de votre profession…

S.B. : Oui. Certes, nous sommes sortis la loi Macron mais le danger n’est pas pour autant écarté. La loi de simplification de la vie des entreprises, votée en décembre dernier, donne la possibilité au gouvernement d'agir par simple ordonnance. Et nous savons qu'une ordonnance nous concernant est prévue pour 2015 et qu’elle reprendrait mot pour mot ce qui était dans le projet de loi Macron.

M. : Soit ?

S.B. : Pour être guide, il suffirait de s'inscrire sur un registre dématérialisé. La carte professionnelle disparaitrait. L'idée est de ne pas attendre qu’elle soit délivrée (aujourd'hui par les préfectures) pour commencer l'activité. Ce qui pour nous signifie que chacun pourra s’inscrire puisqu'il n'y aura pas de contrôle et donc il n'y aurait plus de vérification de qui s'inscrit, avec quel diplôme etc...

M. : On pourrait donc « exercer » sans diplôme ?

S.B. : Exactement ! Le texte disait que le haut niveau de qualification est un obstacle à l'emploi !!!  En gros, demander un diplôme empêche à tout un chacun d'être guide....Bref, une baisse de niveau évidente à venir avec un tel système

M. : Avez-vous peur pour vos emplois ?

S.B. : C'est évidemment la première et la plus forte de nos inquiétudes. Il existe un lobbying très organisé des Tours Opérateurs (EATO : European Association of Tour Operators) auprès de l'Europe pour obtenir que les accompagnateurs (ou tours leaders) pour lesquels aucun diplôme n'est demandé, aient le droit de guider.

M. : La raison ?

S.B. : Financière, bien sûr ! Sans diplôme, les accompagnateurs seront payés moins chers et le touriste sera floué sans le savoir. Cette crainte est partagée par les guides de tous les pays et notamment en Italie où la problématique est la même qu’en France. Eux aussi craignent de perdre leur emploi au profit de « guides » ou d'accompagnateurs d’autres pays - où les salaires sont moins élevés -  et voir une présentation dévaluée de leur patrimoine.

M. : Que demandez-vous ?

S.B. : Dans l'immédiat que rien ne soit fait sans concertation. Nous demandons à conserver la carte professionnelle et le badge qui va avec. Nous demandons à ce que cette carte corresponde à un diplôme garantissant le niveau de qualification et nous voulons que ce diplôme soit passé en France. Au moins une partie : une personne ayant un master 2 d'histoire de l'art de son pays ne va pas repasser un diplôme d'histoire de l'art en France mais elle doit avoir une formation spécifique à la connaissance de la France. Du patrimoine français. Nous refusons le principe de l’inscription sur registre car c'est la porte ouverte à l'absence de contrôle des personnes et des diplômes.

M. : Un collectif a été créé « Sauvons la Profession de Guide-Interprète-Conférencier », en quelques mots, quelle est son but ?

S.B. : Défendre la profession contre les attaques du gouvernement et nous faire connaître du grand public, comme de nos ministres et de nos parlementaires. Nous avons établi un document qui regroupe nos arguments et qui explique pourquoi il est du devoir de l’État de nous protéger et pourquoi c'est également son intérêt de ne pas nous faire disparaître car nous sommes les acteurs de la promotion de la France auprès de nos visiteurs.

http://collectifspgic.hautetfort.com/

Florence Hébert : « Je dis toujours que nous sommes un peu comme des conteurs de l’ancien temps »

Originaire de la région parisienne, Florence Hébert est guide-conférencière depuis 1984. « A cette époque nous n’avions qu’un BTS que j’ai fait à l’école nationale de commerce de Bessières Paris. J’ai ensuite étudié l’histoire de l’art à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. » Ajoutez à cela une très bonne maîtrise de l’anglais, de l’espagnol, Florence aurait pu rejoindre les bancs de l’enseignement. « C’est vrai j’aurais pu être professeur d’histoire mais je ne me voyais pas rester enfermée dans une salle… avec une hiérarchie sur le dos. » Alors, Florence a choisi le tourisme. « Je travaille avec une agence sur Paris. Je fais pas mal de circuits avec des groupes américains. Du Sud-Ouest à la Provence en passant par la Bourgogne. » Une activité très variée. « Oui, c’est aussi un des atouts de ce métier même si il est, comme toutes les professions, un peu répétitif. Mais il a, en plus de la variété des circuits, celle des interlocuteurs qui, selon les groupes, les nationalités,  n’ont pas les mêmes attentes, ne réagissent pas de la même manière. »

Concernant les menaces qui planent sur la profession, Florence ne cache pas son inquiétude. « En tant que  salariés, nous sommes concernés par la loi de simplification des entreprises. Le danger serait la suppression de la carte professionnelle. Les agences ont déjà des bureaux dans les pays limitrophes voire plus lointains, et vont employer des tours leaders pour remplacer les guides-conférenciers. Cela leur reviendra moins cher. Mais il n’y aura plus d’Urssaf, il n’y aura plus de cotisations sociales payées, un manque à gagner pour l’Etat … » Mais au-delà de ces questions matérielles, c’est la baisse du niveau de la qualité de prestations qui l’inquiète. « Je ne vois pas comment des personnes venant d’un autre pays pourraient guider en France. Personnellement, je me sens incapable de le faire ailleurs qu’ici. Il faut avoir vécu dans un pays pour comprendre et ressentir son histoire et ensuite la communiquer. Quand les politiques nous disent d’aller  guider dans d’autres pays, on leur répond : allez donc vous faire élire dans ces pays-là ! ».

Un peu dépitée, Florence ? « Vous savez, la profession est composée de personnes passionnées qui aiment ce qu’elles font. Je dis toujours que nous sommes un peu comme des conteurs de l’ancien temps. Nous aussi nous racontons, nous transmettons l’histoire de notre pays et même si tout n’est pas mémorisé, il en reste toujours quelque chose. »



Marie Torres

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