En 2005, quelques mois après l'attentat qui avait tué le premier ministre Rafic Hariri, j'ai l'opportunité de visiter Beyrouth. La ville était sous tension. Impossible de sortir une caméra pour filmer. Je décidai, conseillé par des amis, de partir visiter le pays voisin et influent: la Syrie.Je découvre à Damas un peuple très respectueux, comme l'impression de ne pas être étranger. Je sors ma caméra comme si de rien n'était . Personne n'y fait attention. A la grande mosquée des Omeyyades, je demande la permission de filmer.
Les gardiens me l'accordent avec un large sourire. Je découvre un lieu de récréation pour les enfants, de sieste pour les hommes et de discussions pour les femmes. Seuls quelques groupes de Chiites iraniens très sérieux viennent la visiter et se recueillent bruyamment devant le tombeau d'Ali.Un guide leur conte l'Histoire de leur prophète, les femmes pleurent et les hommes geignent en l'honneur de leur idole. Hormis ce petit théâtre amusant
Il régnait dans cette majestueuse mosquée une atmosphère apaisante et bon enfant. J'ai voyagé à l'intérieur du pays. Dans chaque ville, le peuple syrien fut admirablement accueillant et respectueux. La seule réelle mésaventure vécue fut durant un trajet en bus entre Palmyre et Deir ez-Zor. Après avoir chopé une insolation doublée d'une intoxication alimentaire, brûlant de fièvre, comme l'impression de mourir, le bus est stoppé à un barrage de soldats. Je précise qu'à l'époque la guerre faisait rage en Irak. Contrôle d'identité. J'étais le seul étranger. Impossible de retrouver mon passeport! Résultat, le bus part sans moi. Je suis arrêté et mené illico presto dans le bureau du chef militaire. Le ventre tiraillé par mon intoxication alimentaire, la tête explosée par la fièvre, je cherche nerveusement mon passeport que je finis par retrouver. Trop tard, j'étais dans les mailles du filet. J'ai dû en anglais répéter mon nom de famille, la profession de mes parents, leur année de naissance, le nom de jeune fille de ma mère, pourquoi j'étais en Syrie etc...Pas une fois mais au moins 15 fois, c'est simple, ça a duré 3 heures. Mon interrogatoire répétitif était entrecoupé par des réfugiés irakiens défilant devant moi, à la bote du chef militaire qui prenait un malin plaisir à déchirer leur laisser passer en me fixant droit dans les yeux avec délectation. A un moment, l'homme s'est levé, il m'a tendu la main et m'a dit: "Welcome to Syria! Enjoy your trip!" A Alep, je fus surpris de découvrir des juifs syriens gays qui ont refusé que je les filme mais qui arboraient l'étoile de David
dans leur magasin de souvenirs. Ils m'expliquèrent qu'il existe encore un temple juif à Alep. Leur discrétion était la condition sinéquanone pour vivre tranquillement sans problème avec les autorités et les autres cultes. Alep a un des plus beau souk de Syrie. Je remarquai que les enfants travaillaient dur très jeune. En bref, il régnait à cette époque une athmosphère très agréable tout en sachant que la plupart des syriens m'abordant étaient pour la grande majorité des espions du régime. Le système reposait à l'époque sur une auto surveillance et un système de délation organisée. La Syrie de cette époque était une dictature bien affichée, le portrait des Assad père et fils placardés partout, à l'entrée des villes, à l'entrée des sites historiques. Toutefois,un calme apparent, une concorde civile semblaient fonctionner... De nombreux cultes cohabitaient avec harmonie. Bref,la Syrie était un pays agréable malgré la chape de plomb du régime en matière de politique et de droits de l'Homme. Des rumeurs couraient que la torture était monnaie courante dans les geôles de la capitale...Caméra à la main, aucun soldat, aucune personne ne m'a questionné sur mes intentions et sur l'objectif de ce travail... Syrie avant la guerre par ouakthecat
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