Alors que Petrobras vient de remercier l’un de ses directeurs, Paulo Roberto Costa, après son arrestation le 21 mars dernier pour des problèmes de corruption par la société offshore SBM, la société pétrolière brésilienne doit gérer une nouvelle affaire dite "Pasadena". Cette fois-ci, il y aurait des soupçons d’irrégularité dans l’achat d’une raffinerie de pétrole située au Texas (Etats-Unis).
Quelles sont les différentes parties en présence ?
- Petrobras : société pétrolière brésilienne majoritairement contrôlée par l’Etat.
- Graça Foster : présidente du groupe Petrobras depuis décembre 2012.
- Dilma Rousseff : présidente du Brésil et ancienne présidente du conseil d’administration de la société Petrobras zone internationale au moment des faits.
- Nestor Cerveró : directeur de Petrobras zone internationale au moment des faits.
- Astra Oil : groupe pétrolier belge, propriétaire de la raffinerie Pasadena.
- Pasadena : raffinerie de pétrole située au Texas (Etats-Unis).
Quelle est la chronologie des faits ?
2005 : la société belge Astra Oil achète la raffinerie Pasadena située dans l’Etat du Texas pour le somme de 42,5 millions de dollars (environ 95,4 millions de réais).
2006 : la société Petrobraszone internationale,après approbation du conseil d’administration, achète 50% de cette raffinerie pour la somme de 360 millions de dollars (environ 808 millions de réais). Petrobras devient alors co-gérant avec Astra Oil de la raffinerie Pasadena.
2008 : un désaccord naît entre les 2 sociétés qui les entraînent devant la justice. Astra Oil invoque alors une clause du contrat qui obligerait Petrobras à racheter la seconde moitié de la raffinerie en cas de litige entre les dirigeants, c’est la clause de "put option".
2012 : la justice donne raison à Astra Oil et Petrobras est condamnée à racheter la seconde moitié de Pasadena et à verser la somme de 820,5 millions de dollars (environ 1,840 milliards de réais).
2013 : le Tribunal des comptes brésilien ouvre une enquête pour cause de suspicion d’irrégularités
2014 : la Police fédérale et le ministère public ouvrent à leur tour une enquête pour suspicion de surfacturation. Petrobras met en place une commission interne pour enquêter sur la régularité du rachat de la raffinerie.
Quels sont les points de polémique de cette affaire ?
Tout d’abord le coût de cette opération. La question qui se pose est de savoir comment Nestor Cerveró, avec l’accord du conseil d’administration, a été amené à acheter une société finalement 1,1 milliards de dollars (environ 2,46 milliards de réais), alors qu’elle n’avait été achetée que 42,5 millions de dollars en 2005. D’autres questions se posent alors :
- Quelle est la responsabilité de Dilma Rousseff ? Cette dernière était, lors des faits, présidente du conseil d’administration qui a voté l’achat de cette raffinerie pour un prix jugé aujourd’hui exorbitant.
- Quelle est la responsabilité du directeur de l’époque, Nestor Cerveró, qui a soumis cette proposition de rachat au conseil ?
- Le conseil connaissait-il l’étendue des obligations du contrat et l’existence de la clause de put option qui ont contraint Petrobras à acheter l’autre moitié de Pasadena ?
- En quoi Pasadena était-elle intéressante pour Petrobras ?
Quels sont les arguments de défense des différentes parties ?
Dilma Rousseff reste catégorique, en affirmant que n’a été soumis au conseil d’administration qu’un résumé de l’achat des 50% de la raffinerie. Celui-ci ne connaissait pas l’existence des clauses qui ont par la suite été soulevées devant les juridictions pour obliger Petrobras à racheter l’autre moitié de la société.
Graça Foster, soutient Dilma Rousseff. Elle explique que le "deal" avait été voté par le conseil d’administration qui n’avait pas été informé de certaines clauses importantes du contrat et reconnaît que le rachat de cette raffinerie s'est transformé en une affaire de bas rendement sur le capital investi, faisant perdre des centaines de millions de dollars à la compagnie. Elle accuse Nestor Cerveró d’être responsable du préjudice subi par Petrobras. Pour appuyer son argumentation, elle souligne que ce dernier avait d’ailleurs quitté les fonctions de directeur pour être rétrogradé à la direction financière d’une entité de Petrobras, BR Distribuidora, dès 2006. Elle explique que ce nouveau poste devait être vu comme une punition.
Quant à Nestor Cerveró, démis de toutes ses fonctions à Petrobras le mois dernier, il affirme que l’achat de cette raffinerie faisait partie intégrante d’une stratégie d’expansion du groupe. Pasadena était bien localisée, au sein de la capitale américaine du pétrole. Cet achat offrait une place pour le groupe dans le marché américain. Il explique que toutes les décisions sont prises conjointement avec le conseil d’administration. Les clauses de put option notamment n’étaient pas représentatives de la négociation. Quant à son nouveau poste, il est tout à fait normal d’occuper des fonctions différentes au sein du groupe Petrobras. Sa nouvelle fonction n’est pas une rétrogradation, il a d’ailleurs gardé les mêmes conditions salariales.
Quelles sont les conséquences et les mesures attendues ?
L’opposition ne s’est pas faite attendre et réclame aujourd’hui auprès de la Chambre des députés que soit créée une commission d’enquête.Cette commission n’aurait pour fonction que d’enquêter sur les affaires touchant Petrobras. Il faudra attendre fin mai pour connaître la décision des députés qui souhaitent d’abord que la Cour suprême se prononce sur la constitutionnalité d’une telle commission et sur l’étendue des investigations.