Après la victoire de l’Andalouse Anne Hidalgo à la mairie de Paris, c’est au tour du Catalan Manuel Valls de ravir la place de Premier ministre. De l’autre côté des Pyrénées, la presse va bon train… Vue d’Espagne, crochet par la presse ibérique et les réseaux sociaux. Video Intronisation Hidalgo.
Photos CC Jackolan1 et Julien René Jacques
La déroute du gouvernement aux municipales qui a fait basculer à droite près de 151 villes de plus de 10.000 habitants mais aussi Toulouse, Reims, Saint-Etienne, Angers ou Amiens, n’a pas emporté tous les socialistes sur son sillage. Coup du hasard, les deux seuls grands vainqueurs sont d’origine espagnole. Alors qu’Anne Hidalgo, jusqu’alors numéro deux de Bertrand Delanoë, a été élue dimanche maire de Paris, l’ancien ministre de l’Intérieur Manuel Valls est en passe de devenir Premier ministre. Suite à la démission hier du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, il a été convoqué par François Hollande. Le chef de l’Etat français lui a demandé de mettre sur place un nouveau gouvernement, rapportent les agences de presse AFP et Reuters avec Le Monde.
Selon l’AFP, côté français alors que certains l’avaient prédis, d’autres se disent “surpris”, comme le socialiste Emmanuel Maurel, face au “besoin de gauche” prouvé par la défaite des socialistes aux municipales. Que dit-on côté espagnol?
Manuel Valls, catalan naturalisé
Premier ministre
En mai 2012 déjà, El País titrait "Manuel Valls, un Barcelonais qui se rend indispensable". Le quotidien espagnol revenait hier sur la nomination de l’ex ministre de l’Intérieur au poste de Premier ministre, rappelant que le fils du peintre catalan Xavier Valls, issu de la famille du compositeur de l’hymne du FC Barcelone, Manuel Valls i Gorina, est avant tout un socialiste libéral. La radio Cadenaser souligne la popularité du successeur de Jean-Marc Ayrault, membre le plus appréciée de l'exécutif avec 53% d'opinions favorables selon un sondage BVA. D'après le journal catalan El Punt Avui le franco-barcelonais figurait parmi les favoris pour devenir le nouvel homme fort à la tête du gouvernement français, et El Periódico considère que Manuel Valls s'est de fait forgé une image d'homme intègre, d'envergure internationale depuis qu'il est à la tête du portefeuille de l'Intérieur.
La presse espagnole présente de façon unanime le Barcelonais Manuel Valls comme le socialiste incarnant l'aile libérale et pro-européenne du parti socialiste. Ainsi et d'après ABC la gauche traditionnelle française accepterait mal la nomination du Ministre de l'Intérieur français au poste de Premier ministre, considérant qu'il recentrerait le gouvernement. Egalement le journal en ligne catalan Ara souligne l'ascension fulgurante de ce Catalan au discours centriste et libéral. El Punt Avui rappelle lui aussi que le nouveau pensionnaire de Matignon est apprécié par les centristes et électeurs de droite. La Razón précise la défiance de Manuel Valls pour les Verts, ainsi la coalition gouvernementale de gauche pourrait s'arrêter à la nomination de ce dernier au poste de Premier ministre. De plus, La Vanguardia rapporte que Manuel Valls entretient depuis 2 ans des rapports tumultueux avec sa collègue EELV Cécile Duflot, ministre du Logement. Finalement Expansiónsouligne la coïncidence des désignation de Manuel Valls par François Hollande et de celle d'Anne Hidalgo par la population parisienne, tous deux d'origine espagnole.
Anne Hidalgo, de Cadix à la Mairie de Paris
Dans le même temps, la socialiste Anne Hidalgo a elle aussi eu le droit à son moment de gloire. Née dans la ville espagnole de San Fernando dans la province de Cadix, en Andalousie, elle a rejoint la France avec sa famille alors qu’elle était âgée de deux ans. Une cinquantaine d’années plus tard, son engagement politique a payé et les urnes ont parlé. C’est donc avec un score respectable de 54% face à Nathalie Kosciusko-Morizet que Paris a adopté cette franco-espagnole. Dame de poigne, mi-espagnole, mi-française, absolument parisienne, mais andalouse tout de même, sa campagne s’en est fait le reflet. Elle avait d’ailleurs promis en cas de victoire de danser le flamenco sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, rappelle le Lab d’Europe 1.
Promesse non tenue ? “Elle n’allait pas danser le flamenco dans ce contexte de défaite de la gauche” rétorque son co-directeur de campagne Jean Louis Missika sur les réseaux sociaux. Selon le journaliste à Europe 1 et LCI Henry de Laguérie, “dans son bureau, Anne Hidalgo n’a pas de drapeau du PSG mais un fanion du Cádiz CF, le club de sa région de naissance”.
Sa victoire a largement été relayée par les quotidiens espagnols et par les socialistes de la Péninsule qui s’en sont fait les porte-paroles. Et en particulier les socialistes d’Andalousie qui lui ont fait honneur depuis l’Espagne. Asun Barrios, conseillère à la Mairie de Valladolid a ainsi fait part de ses félicitations à “la première maire de Paris, socialiste, féministe et fille d’Espagnols”. Un avis partagé par le PSOE (parti socialiste espagnol) de Boadilla et de Fuenlabrada dans la communauté de Madrid mais aussi de Franciso Javier Conejo, porte parole du groupe socialiste d’Andalousie et conseiller à la Mairie de Málaga. Entre autres. La droite espagnole est, quant à elle, restée silencieuse sur le sujet. En France, on dit de cette “fille d’immigrés espagnols” qu’elle est “opiniâtre” et “volontaire” écrit le quotidienLe Monde. Et en Espagne quel portrait dresse-t-on de la future maire de Paris ?
Presse espagnole quel accueil pour la victoire d’Anne Hidalgo ?
La socialiste aura eu le droit aux Unes du quotidien catalan La Vanguardia, et de bons nombres de quotidiens andalous : le Diario de Cadiz, le Diario de Sevilla, Europa Sur, El Día de Córdoba et Granada Hoy. Sur la toile cette fois, les journaux nationaux, El País, ABC, El Mundo, La Razón, El Plural, Público, lui ont accordé une place sur leur page de garde. Et tous ont insisté sur les origines andalouses de la prochaine première femme maire de Paris. Fierté partagée et unanime, Anne Hidalgo est aussi espagnole. Cela n’aura échappé à personne, il s’agissait pour ces journaux de le souligner.
Certains ont même suivi la candidate depuis le début de sa campagne. El Plural publiait déjà en décembre un article à son effigie. Il y dresse le portrait d’une “femme courageuse, menant à bien la lutte pour l’égalité et les droits sociaux”, mais surtout d’une “gaditana” (originaire de Cadix), “fille de l’immigration économique, petite fille de l’immigration politique et de l’exil”. Cela lui a valu de recevoir de la socialiste andalouse Suzana Díaz le prix des Communautés andalouses de l’Extérieur en tant que “Personnalité andalouse du monde”. Pour Suzana Díaz sa capacité “à faire retrouver confiance en la politique” est indéniable. Elle ira même jusqu’à dire que “les citoyens voient en elle la solution et l’espoir”. L’éloge un peu pompeuse du journal n’est pas surprenant puisque son directeur, Enric Sopena a félicité Anne Hidalgo via son compte Twitter.
Depuis sa victoire, l’agence de presse espagnole EFE qui évoque “une victoire claire” lui a également accordé un portrait repris par plusieurs quotidiens espagnols. On y découvre une femme “Gaditana de naissance, parisienne d’adoption (…) qui a vaincu les obstacles depuis sa naissance il y a 54 ans”. Politicienne “audacieuse [et] résolue”, elle doit -selon l’agence- sa personnalité publique au “progressisme lié à ses origines humbles et [au] féminisme à sa condition de femme”. Il retrace le combat de son grand père contre le franquisme, celui de son père contre la situation économique de l’époque, jusqu’à sa propre lutte pour accéder à la mairie de Paris.
Le journal en ligne Andaluces Diario résume l’histoire d’Anne Hidalgo par sa propre citation "L’Andalousie c’est ma terre, Paris ma ville et la France mon pays”. Vantant l’humilité incroyable de cette Française à part entière, le journal met l’accent sur ses origines modeste “fille d’électricien et de couturière andalouse”. Long arrêt sur son histoire familiale. C’est l’histoire qui, selon le journal, a déterminé et fortement marqué son devenir politique.
El Mundo titre “Une fille de Cadix a conquis la Tour Eiffel”. Dans son article, le journaliste espagnol Juan Manuel Bellver, correspondant à Paris, résume la situation comme le “couronnement des concepts de parité et de diversité raciale tant défendus par le président de la République”.
Intronisation Anne Hidalgo à la Mairie de Paris