Barcelone - reportage

Séisme politique à Barcelone : Madame le maire d'où venez-vous ?

Hélios Molina - 24 mai 2015
C'est dans les manifestations contre les expulsions de logements sous les coups de matraque des "Mossos" que Ada Colau, 41 ans, s'est fait connaître. Son élection soulève un vent d'optimisme dans une ville offerte au mercantilisme et à un tourisme de masse ravageur. Autoportrait.

Photo D.R. Ada Colau, un visage méconnu du grand public à la tête de la deuxième ville d'Espagne. 

Ada Colau, 41 ans, vient de gagner les élections et déclare à peine élue sur Facebook au petit matin :


"Buenos días! Que la ilusión gane al miedo, que el cambio se imponga a la resignación, hoy está en nuestras manos! (Bonjour! Que l'espoir l'emporte sur la peur, que le changement s'impose face à la résignation. Aujourd'hui est entre nos mains!)


Ada Colau déclare, à peine les résultats connus, vouloir arrêter les licences hôtelières, mettre fin aux voitures officielles de la ville, taxer les banques qui ont une multitude de logements vides, créer 2 500 emplois, revoir les privatisations qui ont été faites au nom de la ville. Elle veut réguler le tourisme. Son salaire mensuel sera de 2 200 euros. L'ancien maire touchait 144 000 euros par an.

Mais qui est Ada Colau ? Autoportrait  : 

"Je suis née en 1974 à Barcelone. Peu avant ma naissance, le régime fasciste de Franco assassinait dans la prison de Modelo, Salvador Puig Antich (militant anarchiste garotté à 25 ans), un événement que ma mère me remémorait anniversaire après anniversaire, et qui a eu sa part dans mon implication à lutter pour un changement social. Je suis la fille de parents séparés, Ramon, dessinateur industriel et créatif  publicitaire, et Tina, commerciale dans diverses entreprises. Depuis l’âge de trois ans et jusqu’à mes vingt ans, j’ai grandi dans la rue de Rubió i Ors, dans le quartier de Guinardo (à Barcelone) avec Tina, son compagnon Anton et trois sœurs fantastiques avec qui j’ai sept et neuf ans d’écart : Luci, Ali et Clara.

J’ai aussi deux frères à Madrid, fruits d’une seconde relation de mon père : Eva et Jorge, à qui je tiens beaucoup, même si je les vois bien moins souvent. Mes grands-parents sont allés tenter leur chance à Barcelone. Mes grands-parents paternels étaient bergers dans le petit village de Güel (province de Huesca) et dans l’après-guerre, ils  vinrent à Barcelone en quête d’un futur meilleur. Mes grands-parents maternels ont quitté Almazan, un village de la province de Soria.

Mon premier collectif politique fut le Mouvement de Crítica Radical

J’ai grandi en jouant dans les rues de Guinardo, quartier alors calme où je pouvais m’amuser sur la place centrale, avec mes sœurs et les  voisins. J’ai fait mes premiers pas à la garderie du Petit Prince (El Principito) et à l’école  Àngels Garriga, une coopérative d’instituteurs très impliqués dans ce projet éducatif et luttant pour obtenir le statut d’école publique à la fin des années 1970. Dans les bras de ma mère et aux cris de : « Nous voulons être une école publique ! », j’ai participé à mes premières manifestations. De mon enfance, je garde le souvenir de la vie dans la rue, des feux de  la Saint-Jean que nous alimentions  en collectant avec les enfants du quartier, de vieux meubles de maison en maison. Je me souviens aussi des étés à Arbucies et à Montseny.

Est-ce dû à la famille ou à l’école mais cette préoccupation sociale je l’ai depuis toute petite. Mes premières actions bénévoles se firent à l’adolescence, avec Amnesty International et Amics de la Gent Gran (amis des personnes âgées). J’ai poursuivi ma formation à l’école privée  Febrer, puis à celle de Santa Anna où j’ai passé mon année de COU (année préparatoire à l’université) et à 18 ans, j’ai décidé d’étudier la philosophie à l’université de Barcelone. J’aurais préféré étudier à l' école publique, mais mes parents m’inscrivirent dans le privé sur les conseils d’amis.

L’école de Febrer avait de nombreux défauts cependant j’y ai eu de bons professeurs, de qui j’ai beaucoup appris. Vincent Molina, professeur d’histoire et ami, mérite une mention spéciale ; je lui suis redevable, entre autres, de ma première formation politique et de mon intégration au sein de mon premier collectif politique : le Mouvement de Crítica Radical (MCR). Bien qu’ayant lancé une grève à l’école de Febrer, ainsi qu’un groupe de théatre et une revue qui n’enchantèrent pas l’équipe dirigeante, c’est à l’université que je me suis frottée pour la première fois à l’activisme politique. Avec de nombreux camarades, nous avons fondé l’Assemblée de philosophie et lancé des grèves et des occupations contre les réformes successives visant à démanteler l’université publique.

De mon passé universitaire, je me souviens des assemblées, des moments d’étude dans les cafés du barrio Gótico (ce n’était pas encore devenu un parc d’attraction réservé aux touristes) et d’un séjour à Milan qui me permit de mieux connaître la culture italienne, dont j’étais déjà tombée amoureuse quand, à mes 18 ans, j’avais parcouru le pays seule, à bord d’un train régional. Il me restait 30 points à obtenir pour avoir ma licence. À la maison, il n’y avait pas d’argent et j’ai dû rapidement gagner ma vie. J’ai fait toutes sortes de boulots et donné des cours. J’ai été enquêtrice, hôtesse, dispensé des cours particuliers, et me suis même déguisée en chatte ou en Père Noël en offrant des cadeaux aux enfants. Boulots que j’ai toujours combinés avec mon penchant le plus fort : la lecture.

À la fin des années 1990, j’ai commencé à avoir des emplois liés au monde de la communication, en remplissant des missions de consultante, en travaillant dans la production télévisuelle ou dans la traduction –interprétation de l’italien-. Comme à chaque fois lorsqu’il y a précarité de l’emploi, j’ai changé de logement  très souvent; j’ai perdu  le compte.  J’ai vécu dans de nombreux quartiers de Barcelone, comme el Congrés, el Gótico, la Ribera, la Barceloneta ou el Camp d’en Grassot.

Au début de l’an 2000, j’ai renoué avec les luttes sociales. En 2001, avec les mobilisations contre la Banque mondiale, en 2002  contre l’Europe du capital…"

Plan d’urgence de la nouvelle élue :


-Création de 2500 emplois

-Régler la précarité dans les entreprises qui collaborent directement avec la ville.

-Limiter la pollution générée par les entreprises.

-Une action concrète contre les expulsions de logements. Table ronde avec les banques qui expulsent et ont un vaste parc de logements vides dans la ville.

-Obligation de  reloger les personnes expulsées.

-Création d’un parc de logement social.

-Revoir avec les compagnies de gaz et électricité leurs tarifs et inciter à  leur baisse .

-Un plan sanitaire : donner accès aux soins avec une carte santé pour les habitants.

En savoir plus : https://barcelonaencomu.cat/sites/default/files/plan-de-choque-cast.pdf

Hélios Molina pour Micmag.net 2015

Traduction : Élise Barry


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