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Chritian Blachas "Vous venez me voir pour le King ?"

Par Hélios Molina - 
Même si le chanteur Elvis Presley est jugé « trop kitsch » pour certains, le personnage représente un intérêt social, économique et musical incontestable.

Christian Blachas :

«  -Vous venez me voir pour le King ? »

Dans son spacieux bureau de CB-news (1) Christian Blachas, monsieur « Culture pub » de la télé, plante un décor rock and roll  : guitare géante pour une émission TV sur le rock, effigies miniatures, bustes en plâtre d’Elvis, photos du king aux côtés de photos des proches. Même s’il se dit plus fan que collectionneur,  il conserve chez lui une mèche de cheveux d’Elvis ou la sonnerie de son téléphone chante « Jalous rock ». En clair dans la vie privée ou professionnelle de Blachas, il y a comme l’ombre frénétique et la danse endiablée du King. Pourquoi tant d’acharnement  monsieur Blachas ?


Micmag.net : La musique, vous l’avez rencontré adolescent ?

Christian Blachas : J’ai eu la chance d’avoir une sœur plus âgée que moi qui m’a initié à toutes les musiques. A l’âge de treize ans, j’ai eu une révélation divine,  un copain de lycée me fit entendre sur un Teppaz un inconnu. A l’écoute, je me suis presque mis à trembler, j’ai eu comme un éclair dans ma colonne vertébrale. J’ai eu un choc auditif. C’était en 1959. Cela faisait quatre ans qu’il était très connu aux Etats Unis. Il faut savoir qu’à l’époque en France, il n’y avait rien à part Aznavour, Brel, Bécaud. La bonne variété française, sans plus. Ou alors du jazz qui swinguait, cela ne bougeait pas. Je me suis dit :-cette musique elle est pour moi ! La musique d’ Elvis correspondait à ma révolte d’adolescent. Je pensais que cela allait être passager et en fait elle ne m’a jamais quitté sauf à l’époque de la mode anglaise, des Beatles et des Stones lorsque Elvis n’a plus fait de scène de 1961 à 1969 pour aller faire des films de merde à Hollywood.

M : Question cinéma a t-il été frustré par son agent ? L’ a t-on écarté de rôles plus construits ? Pouvait-il être bon comédien malgré les déplorables prestations ?

C.B. : C’était un bon acteur mais les scénarii étaient nuls. On l’obligeait à chanter dans les films. Et le scénario devait s’adapter aux chansons. Il tournait 3 à 4 films par an. Lorsque son contrat a pris fin, il a eu une deuxième période de scène.

M : Pourquoi ce personnage vous impressionnait-il ?

C.B. : D’abord la voix et ensuite l’énergie qu’il avait, la violence avec lesquelles il prononçait ses mots, le rythme qu’il avait avec cette voix de black. C’était rare. Et lorsque j’ai commencé à étudier, j’ai acheté tous ses disques et lu son histoire. Et tout cela était cohérent. En fait, ce blanc était très pauvre, il vivait dans les ghettos noirs, il a été élevé sous la double culture. Et cela explique le personnage, homme-clé dans l’histoire de la musique. Il a fait naître la fusion en pleine ségrégation. Il était hors de question que l’on puisse jouer de la musique de nègre. C’est la raison pour laquelle il a fait scandale à ses débuts.  Cela a permis au blues d’accéder aux radios. Le phénomène est sociologiquement et économiquement intéressant.

M : Pourquoi économiquement ?

C.B. : Abolition de l’esclavage en 1860. Les noirs libres continuent la longue complainte du blues qui constate la misère du peuple noir. Ces hommes s’éparpillent dans tout le pays à partir des champs de plantation de la Louisiane. Ils arrivent à Memphis, un port central sur le Mississipi et sont devenus ouvriers en train de décharger des balles de coton. Et point important dans cette affaire, à Memphis il y a Sam Phillips des studios Sun, un des rares blancs à enregistrer des noirs.B.B. King enregistrait chez lui. D’ailleurs Sam Phillips était pauvre puisqu’il n’arrivait pas à fourguer ses disques. Les noirs n’avaient pas les moyens d’acheter des disques. Et puis un jour, il a entendu en studio Elvis et a fait un premier disque fondateur en 1954 . Sur la face A, il chante un blues comme un blanc « That’s all right mama » avec une guitare sèche et une contrebasse. Sur la face B, il a enregistré un classique de la country musique des blancs « Blue moon of kentucky » qui est d’un style bluegrass (1). Elvis l’interprète comme un black. Tout cela je l’ai appris à posteriori avant le déclenchement de ma révélation divine.

M : L’avez-vous vu en concert ?

C.B. : Je l’ai toujours raté. Il est venu à Paris en permission d’Allemagne. Je fonce à son hôtel Prince-de-Galles. Je vois le concierge qui me dit :-vous voyez le taxi qui s’en va vers la gare de l’Est, c’est Elvis. En 1972, il donne un concert au Madison square garden. Avec mes petites économies, j’achète un billet pour New York. J’avais 23 ans. J’arrive à Orly, grève d’Air France. En 1976, je suis invité à Las Vegas, j’arrive tout excité pour acheter des places : concert annulé, Elvis est malade !

M : Vous écoutez toujours les vieux vinyles ?

C.B. Oui bien sûr ! Il y a de tout chez Elvis pour écouter en fonction de son état d’âme.

M : Combien d’enregistrements existent ?

C.B. : C’est énorme ! 800 enregistrements. Mais je ne suis pas un collectionneur fou.

M : Vous en avez combien ?

C.B. : Je dois avoir une soixantaine de vinyles en 33 T. J’ai les mêmes en CD. C’est émouvant d’entendre le petit saphir.

M : Vous continuez à chiner ?

C.B. : J’attends que cela vienne à moi.

M : Vous êtes disposé à payer…

C.B. : Oui mais ce ne sont pas des sommes folles.  Je ne me considère pas comme un collectionneur d’Elvis, je suis un fan. Et j’ai dit des choses pas très gentilles sur des plateaux de télévision devant des collectionneurs. Car on n’a pas le droit de critiquer dieu.

M : En fin de carrière, l’on a impression d’assister à un énorme gâchis… C’est dû à quoi ?

C.B. C’est un long suicide. Il faut savoir qu’Elvis a toujours été drogué. A ses débuts, son impresario était un tortionnaire. Il était en tournée en permanence et après le concert, il faisait 600 bornes la nuit avec la guitare et les amplis sur la galerie de la voiture. C’est Elvis qui conduisait. Il dormait deux heures par nuit et prenait des pilules (des amphétamines)  pour être en forme pour le concert du soir. Des drogues légales. Il a toujours eu besoin de ça. Et les dernières années de sa vie, il donnait 280 concerts par an, un stakhanoviste ! Pour être forme, il prenait des pilules. Et comme tous les drogués, il avait des problèmes de poids et donc d’autres médicaments. Il en prenait 30 à 40 par jour. Il en était conscient. Il est mort et l’on a jamais su de quoi. Je pense que le cœur a lâché tout simplement.

M : Durant les années 70 Elvis a été totalement ignoré par la génération baba, pourquoi ce mépris ?

C.B. : Ce type a incarné la révolution, la rébellion et pourtant il croyait en dieu, la famille et sa patrie. Les petits labels comme Sun ont été rachetés par les majors des bien-pensants et conservateurs. Ils ont voulu éradiquer le rock violent. Le rock était assagi, pacifié avec l’arrivée des yéyés. Et puis l’Angleterre avec les Stones  récupèrent le répertoire noir et représentent une autre révolution. C’est de ce pays qu’est venue cette deuxième révolution. Et par la suite l’Amérique déboussolée par la guerre du Vietnam, le voilà qui devient une icône de la majorité conservatrice. Il a assumé ce rôle sans trahir ses pensées et avait cette image assez bizarre.

M : Les nouvelles générations le taxent de kitsch, vous leur répondez quoi ?

C.B. : Oui mais en même temps ils sont quand même sensibles à la voix. Je fais souvent l’expérience. Il se passe quelque chose avec la voix de ce mec, c’est évident.  Et puis c’est un phénomène, il a vendu 2 fois plus de disques mort que de son vivant, plus que les Beatles. Il y a encore 18% d’Américains qui le croient vivant.

M : Elvis restera t-il au même titre qu’une certaine musique classique, pour la postérité ?

C.B. : Oui, Elvis c’est du classique. Ca n’a pas vieilli globalement. Il vend toujours autant. Elvis Presley enterprise fait 30% de chiffre d’affaire de plus par an. Graceland (3) (sa demeure) est le deuxième monument le plus visité des Etats Unis. Et cela emploie 3000 personnes dans le monde.


Propos recueillis par Hélios Molina


(1) CBnew est un hebdomadaire destiné aux professionnels de la communication qui existe depuis 20 ans.


(2) Le bluegrass est un style musical considéré comme une branche de la Musique country. son fondateur est justement Bill Monroe, celui  qui interpréta Blue moon of Kentucky


(3) Graceland est la résidence ayant appartenu à Elvis. Depuis 1982 elle sert de mausolée et de musée

La demeure a été classée comme lieu historique au même titre que la Maison-Blanche ou la statue de la Liberté.


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