France - Dossier

Laïcité, j'écris ton nom

Marie Torres - 14 février 2015
Alors qu’elle a été, pendant des années, une valeur évidente de l’identité française, la laïcité est, depuis les attentats de janvier, dans toutes les bouches. Bref historique sur cette « fille des Lumières et de la Révolution » ?

« Pour beaucoup de gens aujourd’hui encore, l’idée de la laïcité se confond avec le laïcisme, c’est-à-dire une philosophie antireligieuse, antichrétienne.(…) une philosophie complète et guidée par la volonté d’expulser toute foi religieuse du cœur de l’homme » écrit Guy Coq dans son ouvrage  Laïcité et République .

Et, en effet, si vous demandez, autour de vous : "Qu’est-ce que la laïcité ?, vous obtiendrez des réponses différentes. Même si, en résumé, l’idée tourne toujours autour de « la séparation de l’église et de l’État » et sur "le rejet, la disgrâce de la religion". En fait, personne, ou presque, n’a une idée bien précise de la définition de ce concept. Depuis des décennies, nous sommes tous des « Monsieur Jourdain ». Nous faisons de la laïcité sans le savoir. Et il aura fallu la loi sur le foulard islamique puis en janvier, les attentats de Paris, pour que nous nous penchions sur  cette valeur inhérente à la République. Alors quid de cette « fille des Lumières et de la Révolution » ? 

Si la notion de laïcité est relativement récente – XIXe siècle - le rapport de force entre la politique et le religieux est ancien. Dès le VIIIe siècle, la création des États pontificaux, et donc du pouvoir du Pape, commence à créer des problèmes. Quant au mot, « laïque »,  il existait déjà au XIIIe siècle pour désigner les chrétiens baptisés ne faisant pas partie du clergé mais du peuple (laïque venant du grec laos-le peuple). Ce n'est qu'en 1870 que le mot sera employé au sens d'indépendance vis à vis de toute religion.

"Je veux l'État exclusivement laïc" (Victor Hugo)

C'est avec la Révolution française que se forge le concept de laïcité. La Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789, proclame : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses. » En 1792, la laïcité s'incarne dans des lois: le 20 septembre, l’Assemblée législative transfère les registres d’état civil, tenus par par des prêtres aux mairies, où seront dorénavant consignés les naissances, les mariages et les décès. L'institution du divorce met fin à l'indissolubilité du mariage. Cette laïcisation de la société française ne se fera pas de manière linéaire . Ainsi, la Restauration supprimera le divorce en mars 1816.

Mais l’idée fait son chemin , portée par des chantres tel  Victor Hugo, qui s'insurge contre  la loi Falloux de1850 ( loi qui en résumé disait « Dieu dans l’éducation, le pape à la tête de l’Église, l’Église à la tête de la civilisation »). Dans sa plaidoirie, il écrit: 

« (…) Je veux, je le déclare, la liberté de l’enseignement : mais je veux la surveillance de l’État, et comme je veux cette surveillance effective, je veux l’État laïc, purement et exclusivement laïc (…) L’État n’est pas et ne peut pas être autre chose que laïc. (…) Voilà longtemps déjà que vous (l’Église) essayez de mettre un bâillon à l’esprit humain ! Et vous voulez être les maîtres de l’enseignement ! Il n’y a pas un poète, pas un écrivain, pas un philosophe, pas un penseur que vous acceptiez ! Et tout ce qui a été écrit, trouvé, rêvé, déduit, illuminé, imaginé, inventé, par les génies, le trésor de la civilisation, l’héritage séculaire des générations, le patrimoine commun des intelligences, vous le rejetez. Si le cerveau de l’humanité était là devant vos yeux, à votre discrétion, ouvert comme la page d’un livre, vous y feriez des ratures ! »

En 1880, Jules Ferry pose les bases de l’enseignement laïc et obligatoire. « Il importe à la République, à la société civile (…) que la direction des écoles, que l’inspection des écoles n’appartiennent pas à des ministres du culte qui ont, sur ces choses qui nous sont chères et sur lesquelles repose la société, des opinions séparées des nôtres par un si profond abîme »

Que répondre a celui qui dit obéir à dieu?

Mais la séparation des Églises et de l’État  n’a été acquise qu’avec la loi du 9 décembre 1905 qui repose sur trois principes, la liberté de conscience, la séparation des pouvoirs politique et religieux, et l’égalité de tous les citoyens quelles que soient leurs croyances et leurs convictions. Une loi qui  a donné tout son sens au principe de citoyenneté comme l’explique Aristide Briand dans son discours de présentation du 3 juillet 1905 :

« Eh bien ! Je dis que telle que nous l’avons conçue [la séparation de l'Église et de l'État], telle que nous l’avons réalisée, laissant aux catholiques, aux protestants, aux israélites ce qui est à eux, leur accordant la jouissance gratuite et indéfinie des églises, leur offrant la pleine liberté d’exercer leurs cultes […] sans autres limites que le respect de l’ordre public, permettant aux associations cultuelles de s’organiser en toute indépendance avec des facultés plus larges que celles du droit commun ; ne prenant à l’égard des ministres d’autres précautions que celles qu’ils devraient être eux-mêmes les premiers à approuver, s’ils sont réellement guidés par l’intérêt de la religion et non pas par des préoccupations électorales. »


En plein bicentenaire de la Révolution française, on commence à parler de problèmes relatifs au port du foulard islamique. En 2004, une loi interdit le port de signes ou de tenues affichant une appartenance religieuse, dans les établissements scolaires… Les incidents se répètent jusqu’à ce 7 janvier 2015…

Alors, la laïcité est-elle en danger, remise en question par des groupes et mouvances religieux ? il est temps de se ressaisir, entend on de tous côtés et de tous bords.

Car comme le dit si justement Elisabeth Badinter, dans Marianne de février 2015 « Les religions peuvent devenir des facteurs de guerres épouvantables, on en a la preuve tous les jours ». Cependant, et pour  finir avec Voltaire « Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. »

Pour lire l’intégrale du magnifique discours de Victor Hugo
Discours d’Aristide Briand

Marie Torres
« Laïcité et République »
Guy Coq
Editions du Félin, 2003
21 euros

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