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« Mais comment s’appelaient donc ces fleurs ? »

Marie Torres - 21 mai 2015
Le 25 avril 1974, des milliers de Portugais descendent dans la rue pour dire non à la dictature. Leur signe de ralliement, un œillet à la boutonnière. La romancière Lídia Jorge transpose cette page de l’histoire de son pays dans une très belle fiction, « Les Mémorables ».

« Au petit matin du 25 avril 1974, sous l’égide de quelques capitaines qui ne supportaient plus la guerre coloniale que le Portugal menait dans ses colonies africaines et qui avaient préparé le coup depuis presque un an, cinq mille soldats, dont la majorité étaient des conscrits, sont entrés dans Lisbonne, armés et avec des tanks. Ils ont pris la station Radio Clube Português pour annoncer la révolution et tranquilliser la population. »

C’est par « quelques informations historiques pour mémoire » que Lídia Jorge, née dans l’Algarve en 1946, débute Les Mémorables. Vient ensuite la Fable. Le récit. Washington, 2004. Un ex-diplomate américain demande à jeune journaliste Ana Maria Machado, de réaliser un documentaire sur la révolution des Œillets.

« Quand le miracle portugais s’est produit, je ne me trouvais pas encore dans votre pays. Je n'y suis arrivé que neuf mois plus tard, les rues de Lisbonne étaient déjà à l’apogée de leur mitraille, ce qui m’a donné beaucoup de travail (…) C’est là, Miss Machado, au milieu de cette mitraille, que j’ai fait la connaissance de votre père ». 

Ana Maria accepte la proposition. Elle revient à Lisbonne où elle contacte deux de ses anciens collègues. Les trois jeunes gens vont revisiter l’Histoire. Que reste-t-il de ces journées de 1974 ? Entre enthousiasme révolutionnaire et  désillusions. Souvenirs et mythes.

Le mythe négatif de la révolution des Œillets

« Ne voyez-vous pas que le souvenir de ce qui est horrible perdure alors que celui de moments de grâce s’efface vite ? Et l’amphitryon  (l’ex-diplomate américain) demanda comme s’il répondait à quelqu’un qui l’aurait interpellé : " Vous trouvez donc que l’esprit humain est définitivement formaté pour oublier le bien ? Pour oublier les moments où l’ange de la joie passe dans le monde ? Les moments de pause dans l’incessante sauvagerie humaine ? Les moments où l’ange ami de l’humanité montre son visage ? Bat des ailes au-dessus de notre tête ? Nous invite à manger et à boire à sa table ?" »

Un roman exceptionnel sur la politique et le destin des rêves d’une époque révolue,  écrit pour les  jeunes  d’aujourd’hui qui ne comprennent pas ce qui s'est passé lors de la révolution des Œillets, tandis que les plus vieux pensent qu'il vaut mieux l'oublier.

À l'occasion de la présentation des Mémorables à l'Escale du livre de Bordeaux en avril 2015, Lídia Jorge évoquait « Le mythe négatif  autour de la révolution des Œillets », qui fut en réalité « un évènement magnifique et un modèle qui s'est répété plusieurs fois, dans la dernière partie du XXe siècle.»


Marie Torres
Les Mémorables
Lidia Jorge
Editions Métailié, avril 2015
20 euros

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