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Une nouvelle inédite du Brésilien Machado de Assis

Fanny CHARBIN (www.lepetitjournal.com - Brésil) - 25 juin 2015
Cent ans après sa publication, Um Capitão de Voluntários, une des courtes nouvelles du plus grand écrivain brésilien de tous les temps, Joaquim Maria Machado de Assis, vient d’être traduit pour la première fois en français. Ce petit conte social devrait ravir tous les amoureux de littérature.

“Nous étions deux, et elles, deux. Nous y allions tous deux en visite, par habitude, par délassement, et finalement par amitié. Je devins l’ami du maître de maison, et lui devint mon ami. Le soir, après dîner – l’on dînait tôt en 1866 –, j’y passais pour fumer un cigare. Le soleil entrait encore par la fenêtre, d’où l’on voyait une colline avec des maisons. La fenêtre opposée donnait sur la mer. Je ne citerai ni la rue ni le quartier ; je puis citer la ville, c’était Rio de Janeiro. Je tairai le nom de mon ami ; mettons une lettre, X***. Elle, l’une d’elles, s’appelait Maria...”

Un Capitaine de Volontaires est un conte ordinaire et tragique, qui se déroule au beau milieu de la “bonne” société de Rio de Janeiro, à la fin du 19e siècle, lors de la guerre de la Triple Alliance qui opposa le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay au Paraguay. En à peine une vingtaine de pages, Joaquim Maria Machado de Assis nous invite à explorer les chemins tortueux du coeur humain dans ses aspects les plus intimes, mais aussi les plus retords : amitié, amour, désir, passions secrètes et confusion des sentiments… Le récit nous entraîne dans les sombres rivages de l’immaturité des hommes, du jeu dangereux de la séduction, de l’insouciance et de la trahison, et nous laisse dériver jusqu’au renoncement - le tout dans une sobriété qui n’est propre qu’au maître de la littérature brésilienne.

Le premier d’une série de “petits Machado”

On doit cette traduction inédite dans la langue de Molière à deux éditeurs français de La Rochelle, “orientés vers le grand large” : La Découvrance et Les Arêtes, qui se sont alliés pour donner au conte brésilien une jolie édition sur papier ivoire à couverture cartonnée. Dorothée de Bruchard, celle à qui est revenue la tâche délicate de la traduction, explique auPetitjournal.com qu’elle est déjà à la recherche, avec les éditrices, d’un nouveau texte de Machado de Assis à traduire, dans l’idée d’éditer une “série de petits Machado”. Originaire de Porto Alegre, la traductrice vit à Florianópolis (Santa Catarina) depuis une trentaine d’années. Née de parents français, elle a presque toujours vécu au Brésil, où ses parents sont arrivés avant sa naissance.

Elle raconte l’importance qu’a eu pour elle Un Capitaine de Volontaires, le premier livre qu’elle a été amenée à traduire du brésilien vers le français, pour une édition française : “J’aime vraiment beaucoup Machado, je pense que c’était un auteur qui mérite vraiment d’être traduit, j’ai été très fière de pouvoir ‘travailler avec lui’ pour la France”. Comme Dorothée de Bruchard est généralement plus habituée à traduire du français vers le portugais, l’expérience l’a marquée. “De le faire en sens inverse, c’était une émotion”, confie-t-elle, je suis toujours à cheval sur mes deux paysil y a toujours une question de racines”.

“Je crois que je fais ça depuis toujours : traduire”

Dorothée de Bruchard a été familiarisée très tôt avec la traduction, du fait même d’être née au Brésil de parents français. Elle se rappelle : “Déjà enfant, quand mes parents sont arrivés au Brésil, ils ne parlaient pas très bien portugais”. “Je crois que je fais ça depuis toujours : traduire des sentiments, des comportements, on peut traduire tellement de choses…”, ajoute-t-elle. La traduction officielle a commencé “de manière sporadique avec des bandes-dessinées”,  puis a réalisé sa première grosse traduction en 1988 avec des poèmes en prose de Baudelaire “pour [s]’amuser”.

Elle a ensuite été amenée à traduire des albums pour la jeunesse, mais aussi des articles ou des essais universitaires, avant de créer sa propre maison d’édition, Editora Paraulaen 1993, grâce à laquelle elle a pu traduire et publier de nombreux classiques de la littérature et de la philosophie occidentales : “J’ai eu cette petite maison d’édition, pendant une dizaine d’années, où je ne publiais que des livres bilingues.”

Machado de Assis : entre subtilité, ironie et ambiguïté

Ce que préfère Dorothée de Bruchard, c’est être contactée directement par les maisons d’éditions : “En fait, j’aime bien ne pas avoir à choisir : il y a des tas de textes très différents qui m’arrivent et que je n’aurais jamais été chercher. Et puis le fait aussi d’avoir essayé des choses différentes, de passer par divers genres, j’aime bien”. Par exemple, elle a traduit plusieurs romans de Fred Vargas, ou encore - son livre préféré -,  La Croisade des enfants de Marcel Schwob. Et plus récemment, L’Avare de Molière, sa première traduction pour le théâtre.

Traduire les 23 pages d’Un Capitaine de Volontaires lui a demandé près de trois mois, “si on compte les relectures.” La raison ? Machado de Assis et son style riche, mais aussi ultra ambigu et sec. “Il est très concis”, explique la traductrice au sujet de l’écrivain, “et très économe dans ses mots, ce qui n’était pas du tout typique de la littérature brésilienne de l’époque : au contraire, il était très atypique déjà, pour son siècle. Et chaque mot - et c’est là où il est compliqué -, veut dire des tas de choses : certains termes qu’il choisit ont des tas de connotations, il y a beaucoup d'ambiguïté, c’est sur cela qu’il joue.” Elle reconnaît que c’est ce qui justement fait sa singularité : “Il est très subtil, très ironique, et très ambigu : il a un ‘truc’”. Et de conclure : “Il y a toujours la même ironie dans ses textes.”


Fanny CHARBIN (www.lepetitjournal.com - Brésil)
Un capitaine de volontaire
Joaquim Maria Machado
Editions La Découvrance & Les Arêtes, 2015
7 euros

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