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Brésil- Anaïs Fléchet : « Un témoignage sur la dictature militaire, une leçon de résistance »

Marie Torres - 15 mai 2021
Historienne spécialisée, en autres, dans l'histoire du Brésil et de l'Amérique Latine, Anaïs Fléchet a rédigé la préface de l'ouvrage d'Augusto Boal « Miracle au Brésil ». Entretien.
Anaïs Fléchet ©SarahBLUM

"Miracle au Brésil", témoignage de la vie carcérale d'Augusto Boal après son arrestation en 1971, vient d'être publié en France avait-il déjà été édité ?

Anaïs Fléchet : En 1976, au Portugal, juste après la Révolution des Oeillets, période de liberté et d'effervescence culturelle. Puis au Brésil, en 1979, au moment où est votée une loi d'amnistie qui permet le retour des exilés et qui sonne la fin officielle de la dictature militaire. Une période d'ouverture progressive du régime ; les politiques répressives sont moins visibles et il y des formes d'aménagements qui permettent d’ouvrir des espaces de liberté, dont la société civile s’empare, en vue d'un retour progressif à un état démocratique. Le poids de la censure est également allégé ce qui donne la possibilité de publier ce type de témoignage.

A-t-il été réédité au Brésil ?

A.F. : Non. Après sa publication, il s'est perdu dans le flot de ce type de témoignages qui ont été très nombreux à paraître dans les années 80 au moment du retour à la démocratie. Ensuite le monde l'a oublié et, tiré à peu d'exemplaires, il est aujourd'hui très difficile à trouver dans sa version portugaise.

A quel moment Augusto Boal l'a-t-il écrit ?

A.F. :Juste après sa libération de la prison de Tiradentes. Dans ses premières années d'exil. Un peu comme un exorcisme, pour se délivrer de toute sa souffrance. Il écrit ce récit et une pièce de théâtre, Torquemada, où il établit un parallèle entre l'inquisition espagnole et le régime militaire brésilien.

Des témoignages, en fait ?

A.F. : Oui, on le sent bien à travers ces deux créations, Boal veut témoigner pour les autres, mais aussi pour lui-même, d’une expérience extrêmement douloureuse. Et cette expérience va nourrir tous ses engagements. Toute l'histoire du Théâtre de l'Opprimé.

Qu'est-ce qui vous a interpellé dans cet ouvrage .

A.F. : C'est que Boal parle de l'expérience de la prison mais aussi, indirectement, de théâtre. Il mets en scène ses geôliers, ses compagnons, il fait des références à Brecht. On devine déjà cette volonté de faire du théâtre un outil d'émancipation, qui était déjà présente avant et qui deviendra plus forte avec les pièces du Théâtre de l'Opprimé.

Que peut-on attendre de cette nouvelle parution ?

A.F. : Cette édition française redonne de l’actualité à l’ouvrage et suscitera peut-être de l’intérêt pour une nouvelle édition brésilienne. Car ce livre est aujourd’hui nécessaire. Au Brésil, depuis l’arrivée au pouvoir d’une l’extrême droite nostalgique de la dictature militaire, des pressions très fortes s’exercent sur les milieux scolaires et universitaires pour imposer une nouvelle interprétation de cette période de l’histoire. La réécriture des manuels scolaires est un très bon exemple. On ne doit plus parler aujourd’hui de « dictature militaire » ni même de « coup d’Etat » mais de « régime militaire » et de « révolution de 1964 », en reprenant la terminologie des militaires de l’époque. 

Une sorte de négationnisme ?

A.F. : Exactement puisque cela vise à nier le terrorisme d'Etat des années 60/70, les atteintes aux droits humains et le statut de victime. Editer aujourd’hui des ouvrages qui viennent témoigner de ce passé c’est aussi un acte politique. C’est à la fois un témoignage nécessaire sur l’époque de la dictature militaire et une leçon de résistance.

Lire aussi : 

« Miracle au Brésil », le témoignage d’Augusto Boal

Mathieu Dosse : « Miracle au Brésil » est un livre de combat, un livre nécessaire

Marie Torres pour www.micmag.net
Miracle au Brésil
Augusto Boal
Traduction Mathieu Dosse
Préface Anaïs Fléchet
Editions Chandeigne, Avril 2021
22 euros

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