Praia - Mindelo - 

Sur les traces de la diva Cesaria dans l’archipel du Cap Vert

Reportage Hélios Molina - 18 février 2018
Envol vers un bout de monde... bercé par les pulsations d’insularité, d’amour, de solitude, de misère, de négritude, de créolité, d’exil puis d’espoir, la Morna de Cesaria Evora ouvre la voie. En prime l’humilité, la simplicité, l’élégance de la dame, la beauté de ses romances retrouvées.

Photo - Marathon dans la capitale Praia ©Helios Molina

 Cela fait sept ans que la diva Cesaria Evora nous a quitté. Les hommages n’ont cessé depuis et celui du belge Stromae  (https://www.youtube.com/watch?v=g8CBwEotTQ0 en est un émouvant. Le festival « Over the border » en Allemagne en mars 2018, en fait un hommage spécial. Mais qu’aborde ce genre poétique si touchant ? Images et Pulsations d’insularité, d’amour, de solitude, de faim, de misère, de négritude…  les plantations, le départ, l’exil puis l’espoir. Puis l’humilité, la simplicité, l’élégance de la dame, la beauté de ses romances  nous ont poussé à partir sur ses traces et celle de ses poètes compositeurs.  Mais  d’où venait Cesaria. ?

Cabo Verde bien sûr !

Vu de France le cap vert est un bout de terre dont on ne sait exactement où le situer… au large des côtes africaines certes… mais au sud ou au nord de l’équateur ? Jouxtant quel pays ? ( il est à 600 km des côtes sénégalaises).  Mais arrivé au petit aéroport de Praia (la capitale) sur place l’on découvre un drapeau sur fond bleu au 10 étoiles. Et la femme policier à qui l’on tend le passeport vous interroge en portugais « E a primeira vez no Cabo Verde ? Bem vindo ! » (c’est votre première fois au Cap Vert ? Bienvenu)  dit dans un accent portugais créole.

« le pays le plus riche de toute l’Afrique du Sahel y compris le Sénégal »

 En clair en deux secondes vous entrez dans une république indépendante depuis 1976 ex colonie portugaise aux dix îles volcaniques dont 8 sont habitées. Tandis que vous posez vos semelles usées sur l’île de Santiago, la plus grande et peuplée des îles de cet archipel.

Praia à première vue n’a rien de remarquable si ce n’est cette nonchalance que l’on retrouve dans les nombreux visages en attente à la sortie de l’aéroport et sur celui de notre chauffeur qui nous mène vers le centre ville de Praia dans sa camionnette.

-« Vous êtes logés dans un quartier calme avec en face une des meilleures boulangerie-café de la ville pour le petit déjeuner délicieux » ajoute t-il.

Le lendemain nous voilà en route à pied vers le Plateau. La température est agréable entre nuages et rayons de soleil ravageur. Le Plateau, c’est le quartier repère des touristes qui est sur les hauteurs d’une baie accidentée. Et pour y parvenir il faut passer devant le palais du gouvernement où le lendemain, j’ai rendez-vous avec le ministre de la Culture. Les premiers pas n’ont rien à voir avec les difficultés du dernier reportage en Haïti. Ici pas de coupures d’électricité ni d’eau malgré la grande sécheresse des îles ou le peu d’activité industrielle. Pas non plus de dépôts d’ordures sur la chaussée ou de zones d’immondices dans des terrains vagues. Les moyens de transport ne sont pas des dangers potentiels ou fumant le gaz oïl à chaque carrefour. Les constructions en parpaing entre deux quartiers rappellent que le Cap Vert a des problèmes de survie et de pauvreté. Des chantiers à l’arrêt et des habitants qui vivent dans ces semi constructions parfois sans fenêtre. Une pauvreté relative puisque l’archipel est le pays le plus riche de toute l’Afrique du Sahel y compris le Sénégal. Le million de capverdiens de l’étranger soutien une économie sans réelles ressources excepté le tourisme. Autre remarque pas de sans abri ou de personnage dormant dans la rue comme dans nos pays d’abondance. Ici la solidarité semble ne pas être un vain mot.

« Compositeurs de talent malmenés par la vie dans les bars »

Autre destination quelques jours plus tard: São Vicente. Mindelo est une capitale culturelle du Cap Vert qui avec Praia font bouger ce bout du monde. Elle est par bien des égards le point fort culturel de ce voyage. Restaurants, terrasses, promenade le long de la baie, son bar flottant, les cinq écoles de carnaval, son festival de théâtre, sa Morna qui s’écoute aux quatre coins de la ville grâce à de douces voix de compositeurs inconnus et malmenés par la vie. Il y a aussi à relever l’excellent niveau de musiciens autodidactes. Ici encore l’on ressent un attrait pour le rap angolais qui s’échappe des construction en parpaing gris sur les hauteurs de la ville, dans les ruelles qui ressemblent étrangement aux favelas de Rio de Janeiro. De là-haut l’on voit les bateaux accoster et la petite taille de la ville s’étendre dans une île désertique et ventée.  Et c’est à Mindelo que l’on retombe sans cesse sur les traces de Cesaria. Un musée en recense ces objets personnels. Des témoins s’évertuent à lâcher des phrases comme cet homme qui la vit chanter dans le restaurant où nous sommes : « elle était là bien décadente en quasi perdition avant que José Da Silva n’ose la produire. Il faut reconnaître à cet homme un certain courage car à l’époque  personne n’aurait misé un copeck sur une chanteuse locale dont on ne soupçonnait pas sa valeur. » L’homme qui nous tient ces propos est psychologue capverdien et vit entre Boston et Mindelo.

En clair, Mindelo est un petit joyau colonial qui redouble de  charme la nuit lorsque se réveille dans ses ruelles, le son aigu du cavaquinho, Et l’on ressent cette belle humilité si présente dans la voix de ce peuple hanté par la poésie du drame, la vertu et une quasi tragédie grecque. Sur le départ de ce bout de terre, le mot sodade prend toute son ampleur.

Remerciements : Valentin Langlois (Helico) Eunice Silva (ministre du territoire et de l’habitat) - Arnaud Palatchi- Isabel Corrral (Bachelor of fine arts)- João Branco (directeur centre culturel portugais de Mindelo)


Entretien : Abraão Vicente Ministre de la Culture du Cap Vert :

« Le modèle du marché de la musique est en faillite. Babel Med en France  a chuté. Pourquoi ? Toujours les même  acteurs ! »

Elu depuis avril 2016, cet ancien sociologue adhérent d’un parti centriste s’est retrouvé propulsé ministre.

Micmag : Vous avez fait la démarche pour classer la Morna dans le patrimoine immatériel ?

Abraão Vicente : OUI nous avons plusieurs dossiers en cours je suis le responsable pour le patrimoine. Nous avons en charge 3 majeures institutions. La Morna est un des dossiers que nous allons remettre en mars. C’est le ministère le plus petit du gouvernement.

M : Et votre budget au Ministère ?

A.V. : 0.75% du budget soit 410 000 escudos. C’est très peu. Et nous devons réhabiliter l’église la plus vieille, construire des musées. Mais nos faisons un investissement dans la culture parce que nous estimons que celle–ci est un argument touristique fort. Car ils osant nombreux les pays qui ont des plages et du soleil. Et nous devons être différents.

M : Et  votre particularité ?

A.V. : Nous sommes un pays culturel entre Afrique et culture européenne. 95% de nos citoyens sont alphabétisés et nous avons 6 universités (payantes certes). Et nous sommes un pays très pacifique. La musique et la gastronomie sont bonnes de tous côtés. La Musique est notre fer de lance. Et notre grande vertu à nous capverdiens, c’est que nous aimons étudier, c’est comme une ultime façon d’avoir une ascension sociale.

M : Mais avant Cesaria Evora c’était comme ça ?

A.V. : Non, Cesaria a ouvert la voie mais nous avons des fêtes folkloriques importantes sur les îles. Et une diversité musicale importante : mazurka, funana, Et Cesaria était interprète. Et pour avoir le talent de Cesaria il faut de grands compositeurs entre drame et nostalgie.

M : Une influence portugaise avec le fado ?

A.V. : Oui mais notre plus grande invention est le créole et aussi notre langue maternelle. Chaque ile a son créole. Le créole est la langue capverdienne. avec différents accents selon les îles. Mais nous  valorisons le portugais qui est la langue qui nous insère dans le monde. Même la diaspora est très liée au créole et y revient sans cesse au pays, elle n’a jamais cessé de revenir.

M : Que représente cette diaspora ?
30% de notre PIB. 1 million de personnes dans plusieurs pays (Etats Unis, Portugal, Hollande et France essentiellement). Et le tourisme aussi  représente 1 million de personnes par an.

M : Les gens de la rue parlent beaucoup de corruption ?

A.V. : Aucun pays n’est  exempt de corruption. Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de corruption au Cap vert mais nous avons un système qui régule plutôt bien. tous les mécanismes passent par un système de vérification. Je pense qu’il peut y avoir des erreurs mais…

M : Vous avez arrêté de subventionner la foire expo Atlantico Music Expo (1), pourquoi ?

Oui j’ai décidé de ne plus appuyer José Da Silva (producteur voir itw plus bas). Parce que le modèle des marchés de la musique est en faillite. Babel Med en France a chuté. Pourquoi ? Il suffit de voir les photographies, il y a toujours les mêmes producteurs et ils achètent seulement les artistes qu’ils se sont échangés. C’est un accord de cavalier. Nous dépensons quasiment 300 000 euros par an pour organiser une foire où les artistes capverdiens ne sont pas vendus. Je préfère utiliser 200 000 euros pour vendre ces artistes sur la scène internationale. Donc le gouvernement est sorti de cela.

Propos recueillis par Hélios Molina pour www.micmag.net

(1) Atlantico music expo du 16 au 19 avril 2018 à Praia une foire pour professionnels de la musique d’une 40e de pays.


Histoire d’un succès planétaire-

Comment José Da Silva employé SNCF mit sur orbite Cesaria Evora ?

INTERVIEW HÉLIOS MOLINA -
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  • Abraão Vicente Ministre de la Culture du Cap Vert
  • Départ en famille pour Fogo ©Hélios Molina
  • Graphic art in Praia ©Helios Molina
  • Insouciance des enfants au pied du volcan de Fogo
  • Marché au poissons de Mindelo ©Hélios Molina
  • Sur les hauteurs de Mindelo ©Helios MOLINA
  • Sur l'ile de Sao Antão ©Helios Molina
  • Dans la petite ville de Ponta do Sol ©Hélios Molina

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