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Franco The Great, la figure du street art à Harlem

Laurène Hamilton (Lepetitjournal.com) - 14 novembre 2019
Agé de 91 ans, Franco le grand est un artiste de rue à Manhattan qui a acquis sa notoriété en peignant des barrières de sécurité devant les magasins dans les quartiers de West Harlem. Portrait.
Photo : Franco The Great devant une de ses fresques

Franco The Great, peintre de rue prolifique et francophile, est la mémoire d’Harlem. Tous les dimanches, on voit ce grand monsieur en face du théâtre Apollo, sur la 125e rue, assis devant ses peintures imprimées. L’arthrite a courbé ses mains, mais cela ne l’empêche de donner de grandes accolades et embrassades aux passantes amusées. Franco The Great, un savant mélange de spontanéité et de marketing. Dans son studio, on voit des mots en français, d’autres en japonais, le langage est au cœur de sa vie et de son travail. Il nous livre son regard sur New York et sur son quartier, Harlem. Harlem d’hier et Harlem d’aujourd’hui.

Des débuts difficiles

Son livre « Born to live: The True Story of the Man who Made Harlem Beautiful » relate le parcours d’un enfant ayant grandi dans un contexte familial bancal, au Panama. Un père absent du quotidien et une mère trop jeune pour s’occuper de lui, il finira élevé par sa grand-mère. Dépasser le couvre-feu imposé se facturait par des coups de ceintures reçus pendant des années. Ses débuts n’ont pas été faciles. Après une chute de trois étages, à l’âge de trois ans, qui laissera des séquelles, Franco ne saura s’exprimer correctement jusqu’à ses onze ans. Se sentant isolé dans une famille qui ne prête pas attention à lui, les moqueries de ses camarades en deviennent paradoxalement réconfortantes pour cet enfant muet. Elles lui indiquent qu’il fait partie du groupe. Le dessin et la magie lui permettront de s’ouvrir aux autres à sa manière, et de créer ce lien dont il est si demandeur.

Après une jeunesse accomplie d’artiste à Panama, Franco décide de s’attaquer en 1958 à la grosse pomme, où sa grand-mère paternelle réside. Elle lui recommande de se trouver un petit job à l’hôpital car l’art ne paie pas. Franco refuse de s’enfermer dans ce modèle confortable, mais non en ligne avec son amour de la peinture.

Self-made man

C’est finalement le modèle de l’artiste de rue avant l’ère du street art qui fonctionnera pour lui. Peindre gratuitement dans des restaurants ou des magasins pour se faire connaître, cela vous dit quelque chose ? C’est le modèle actuel de beaucoup de peintres qui construisent leur « marque ». Et Franco, qui se dit lui-même, fin psychologue, était en avance sur son temps. Il doit se construire un nom ! Franklin Gaskin deviendra Franco, pour ne pas passer pour un « afro-américain lambda », mais un noir de l’étranger, car « la différence apporte de la valeur ».

Les photos sont un peu jaunies : Franco au Japon, au Canada ou encore en France avec Laurent Fabius, « Le Petit Fabius », comme il le surnomme. Elles sont la preuve de ses expériences qui l’ont façonné. Et Harlem fait définitivement partie de son image.

Make Harlem Beautiful again !

Sa vie connecte ainsi la petite avec la grande histoire : les émeutes de 1964 suite au shooting de James Powel, puis en 1968, l’assassinat de Martin Luther King. Les marchands de la 125e rue voient leurs vitrines saccagées à l’issue des émeutes. Ces derniers décideront par la suite de protéger leurs devantures par des stores métalliques. Ces rideaux de fer s’abattant sur la rue mythique de l’hôtel Theresa, Franco comprend que cela aura un impact négatif sur les commerces. De là, germe son idée d’embellir Harlem grâce à la peinture. Et il le fait ! L’art parle à tout le monde, que vous aimiez ou non. Il fait réagir. La première réaction des habitués du quartier fut « Pourquoi peindre ces devantures qui seront taguées demain ? » Franco a alors l’idée d’amadouer les bandes de graffeurs, en les impliquant dans le projet et en gagnant leur confiance. Décidément, tout est une question de psychologie dans la vie ! Franco savait que son art serait source d’attrait et que des touristes commenceraient à affluer. Le temps lui donnera raison.

Aujourd’hui, de nouvelles réglementations imposent de changer les portes, et ses fresques sont donc menacées. Une association s’est créée pour conserver et replacer ces portes. Ainsi le centre commercial de East River Plaza a commencé à accueillir ces portes en révérence à l’histoire du quartier.

Quand on lui demande si le racisme noir-blanc a évolué en général, il répond qu’il y a plus de tolérance, mais que l’égalité n’existe pas. « Pourquoi un blanc vous parle-t-il mal quand vous êtes noir, selon vous ? Il vous parle mal, car il pense au plus profond de lui qu’il est meilleur que vous. L’histoire de la ségrégation est encore fraîche et ses reliquats peuplent encore beaucoup la conscience et l’inconscient collectifs du pays… »

Et la gentrification ? Comme une histoire qui se répète, les conditions de logements sur Harlem sont problématiques. Un propriétaire qui néglige volontairement un appartement loué à un noir afin d’en accélérer son éviction est un cas d’école dans le quartier. Les stratégies des promoteurs immobiliers renforcent le phénomène. Ainsi en 2017, l’acronyme SoHa pour South of Harlem fut critiqué par la population Harlémite. Si cette dénomination révèle un engouement chez les agents immobiliers, ce n’est pas une « renaissance » souhaitée par ses habitants. Mais comme dirait Franco, « les noirs font face, comme ils l’ont toujours fait, ils font avec ».


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