Lyon - 

La Biennale d’Art Contemporain de Lyon : un Fukushima culturel

Nicole Esterolle - 3 octobre 2013
Des sommes colossales ont été affectées pour la communication de l’événement au niveau national et international, et la ville de Lyon est ainsi placée dans le top ten des villes les plus culturellement dynamiques de la planète.

L’artiste new yorkais Roe Ethridge a bien voulu confier au curator suédois Gunnar B. Kvaran ses photos de vacances familiales pour en faire les visuels, logos et affiches de la Biennale d’art contemporain de Lyon 2013. Ainsi, la première image nous montre le visage de l’artiste avec un œil au beurre noir ; la seconde, le visage plutôt souriant d’un jeune porc ; la troisième, une femme soufflant dans un bubble-gum ; la quatrième, une autre jeune femme sans anomalie ou trauma apparents. Le visage à l’œil poché sera donc affiché pendant trois mois à tous les coins de rues, sur des milliers de panneaux publicitaires dans la ville, de telle sorte qu’aucun des un million trois cents mille habitants de l’agglomération lyonnaise ne puisse échapper à cette image d’art contemporain, pleine d’espoir, de douceur, de poésie, et particulièrement bienvenue en ces temps de dépression morale et économique généralisée.

Outre ce matraquage visuel au niveau local, des sommes colossales ont été affectées pour la communication de l’événement au niveau national et international, ont ainsi placé la ville de Lyon dans le top ten des villes les plus culturellement dynamiques de la planète. Le journal Le Monde, notamment, témoin toujours privilégié des plus belles avancées de l’art de notre temps, a été l’un des premiers bénéficiaires de cette manne publicitaire avec un cahier spécial de 4 pages au centre de son édition du 13 /09/ 2013. Il a publié aussi ce quart de page dont je vous joins la copie, où l’on voit les 4 visuels sus-indiqués, en proposant à ses lecteurs de jouer avec eux à une sorte de "cadavre exquis" de haute tenue intello-masturbatoire (une bonne partie des textes des quatre pages centrales a été écrite par mon pote Harry Bellet… mais je lui pardonne, parce qu’il a su rester calme, distancié et factuel, comme le merveilleux jésuite amateur de bon whisky qu’il sait être… mais que ne sait pas être sa collègue, Emmanuelle Lequeux, toujours au bord de l’épectase ou de la turgescence cérébrale fatale, dès qu’elle parle d’art temporain). France Info, France Culture, France 3, Télérama, etc… pour ne pas être en reste, sont également partenaires afin de nous rabâcher quotidiennement les vertus de cette biennale qui s’affirme donc surtout comme une énorme machine médiatique : une machine à médiatiser et à se médiatiser d’abord elle-même, un média en soi et pour soi, comme une grosse bulle d’autosatisfaction communicationnelle (d’où probablement la signification de l’affiche de la fille au bubble-gum, comme on fait par ailleurs des bulles spéculatives avec l’argent). Et c’est pour cela que les artistes, en tant qu’éléments constitutifs de cette construction frénétiquement communicante, ont été choisis beaucoup plus pour leur aptitude à déclencher du commentaire sur eux -mêmes et sur l’événement, que pour une éventuelle qualité intrinsèque ou pour une mystérieuse et poétique évidence qui laisserait sans voix la plupart des chroniqueurs d’art, et réduirait à néant l’utilité de cette entreprise en tant qu’appareil à produire du buzz, de l’effet Larsen et de l’incontinence journalistique. Notre fringant curator international a donc parcouru le monde aux frais de la Princesse, pour trouver des produits hautement buzzants et communicatogènes, dont l’efficacité médiagénique se mesure à l’aptitude à la spectacularité, à la processualité, à la discursivité, à la provocation, au scandale, à l’interpellation, à l’agression visuelle, au dérangement du bourgeois, au "bouleversement des codes", à "l’exploration des limites", au non-sens, à la dérision, à l’autodérision, au cynisme, à la morbidité, à l’obscénité, au dépressif, à la négativité, à l’interrogation psychogène de tout et de n’importe quoi…

Avec, en projet commun, ce permanent et lancinant questionnement sociétal assez rase-motte, où chacun, sous prétexte de récit ou de "transmission", car c’est là le mot - concept - fourre-tout, très obsessionnel pour le Directeur de cette biennale : communiquer et transmettre à tout prix, mais sans savoir exactement quoi, ni pourquoi, mais qu’importe du moment que ça fait gros effet Larsen. Dès lors, chaque artiste y va librement de sa grosse métaphore paysagère, de son allusion bien téléphonée, de son illustration bien pop-braillarde, de sa "narration" bien streetarteuse, de son allégorie bien épaisse et de sa symbolique bien compréhensible (y compris ce brave vieux Gudmundur (Erro) qui y va de son Guernica bosnien), bref, une sorte d’art lourdement chargé d’un "message" sur les misères de ce monde, très "engagé" au sens le plus pâteux, confus, bidouillé, opportuniste, sournois, combinard, récupératoire , démagogique et misérable du terme. Et voici, pour preuve, ce que nous disent les notices explicatives concernant l’engagement ou "process" de quelques-uns des participants à cette biennale : Juliette Bonneviot nous raconte l’histoire assez simple d’une ménagère écologiste et des déchets qu’elle produit au jour le jour… Ian Cheng raconte des histoires a priori banales : un accident de voiture, une bagarre de rue ou une chasse au lapin… Karl Haendel revient sur la tuerie d’Aurora, pour aborder les notions d’envie, de fascination et de violence… Ed Atkins parle de la dépression, dans tous les sens du terme... Trisha Baga se situe entre le regard et l’investigation… Matthew Barney s’appuie sur la créativité provoquée par l’obstacle et la répression… Gerry Bibby interroge la notion même de "langage" artistique ... Dineo Seshee Bopape raconte des histoires qu’elle interrompt parfois avant leur terme, ajoutant au récit linéaire habituel le chaos esthétique… The Bruce High Quality Foundation aborde les notions de respiration, de psyché et de guérison… Jason Dodge témoigne d’un moment, celui d’un médecin et de plusieurs enfants qui ont dormi sur des coussins qu’il déploie dans l’espace d’exposition… Aleksandra Domanović raconte les blessures de l’Histoire, celles qu’on guérit par le déni collectif... Gabríela Friðriksdóttir aborde la question du crépuscule… Patricia Lenox compose un assemblage mural où se retrouvent un interrupteur et des câbles électriques … Ann Lislegaard s’inspire librement de la chouette artificielle de Blade Runner… Nate Lowman mélange les détritus de la culture pop avec ceux du langage quotidien… Václav Magid conçoit ses œuvres comme des projets d’exposition conceptuels visant à souligner certaines problématiques sociales et culturelles… Helen Marten se joue des systèmes de référence tenus pour acquis en proposant de nouvelles codifications des éléments du quotidien… Aude Paris joue avec la figure fantomatique du zombie …Lili Reynaud-Dewar trace des perspectives obliques entre sa position d’artiste et celle de différentes figures mythiques du combat pour l’égalité raciale et des revendications identitaires…, Tom Sachs se consacre aux liens entre l’esclavage et le totalitarisme d’un corps humain perfectionné jusqu’à la désincarnation….

On voit donc, dans ces exemples, que la note d’intention, le projet, le process, la recherche, l’exposé du problème, l’alerte, la question en soi, se suffisent à eux-mêmes, priment sur toute réponse ou éventuelle résolution, et d’une certaine manière l’oblitèrent. Car autant l’art véritable "ne cherche pas mais trouve" (comme disait Picasso), apportant des solutions apaisantes, calmant le jeu, mettant en forme et transcendant les douleurs, autant cet art faussement subversif de l’hyper-communication à vide, exaspère les tensions, attise les angoisses et les tensions sociales, exploite sans vergogne les souffrances, etc. pour mieux faire l’intéressant. Et pensons, dans ce registre du cynisme cattelanesque de haut niveau, à cet artiste international, dont les œuvres "dénonçant le pouvoir de l’argent" sont vendues à des prix exorbitants à des collectionneurs milliardaires… Ils ne figurent pas dans cette biennale, mais ses homologues y sont. Et nous atteignons ici ce niveau record de retournement pervers du sens, qui permet sans doute au Directeur de cette biennale de dire qu’elle a quatre ans d’avance sur son temps… puisque, dit-on : "on n’arrête pas le progrès en art". Et nous sommes confrontés ici à cette logique ahurissante qui consiste à retourner la contestation d’un système comme argument marketing en faveur de ce même système. Et nous voyons ici des sortes de pèlerins de l’art contemporain, qui viennent à la Biennale comme d’autres au Vatican, à Katmandou ou à La Mecque, se raffermir la foi en l’art et en l’homme, pour ensuite, mieux rouler de la mécanique intellectuelle, étonner les collègues de bureau, se faire valoir socialement et se valoriser d’autant plus qu’ils pourront dire que tout était "complètement nul"… conformément à ce même principe de retournement. Mais ce qu’il y a de plus terrifiant dans ce grand guignol, dans le Guiness book des records de l’inepte, dans ce Barnum Circus des monstruosités artistiques, dans cette foire aux atrocités mentales, dans cette fête à neuneu pour neuneux culturolâtres, etc. , c’est la violence infuse, inhérente, consubstantielle à toute stratégie de com', faite au sens commun et aux valeurs partageables. Violence de l’œil poché, de la bulle qui va exploser, de la tête de cochon qui sera égorgé, de l’interpellation insultante et grossière faite au public par ces affiches. Violence gratuite de la fausse énigme de ces images ostensiblement nulles, comme des rébus sans solution, sans contenu, sans humour, sans poésie. Violence faite à l’intelligence et à la dignité humaine avec ce slogan du Groupe Partouche qui est l’un des deux casinotiers sponsors principaux de cette mascarade artistique : "La culture pour tous, partout, Partouche".

Violence du sentiment d’impunité devant cette financiarisation de la crétinerie et de vulgarité courantes. Violence du sentiment de vertige devant une telle abyssale béance du sens. Violence de l’attaque au porte-feuille du contribuable pour payer cette promotion et cette valorisation du financial –art international. Violence faite aux populations sub-urbaines avec cette opération au nom ridicule de "maison veduta", particulièrement odieuse de démagogie, et qui consiste à placer des produits du grand marché spéculo-financier dans les foyers modestes de banlieue : l’esthétique des milliardaires à la portée des "petites gens", c’est ça , et je vous conseille à ce sujet de lire "La violence des riches" , récent ouvrage du couple de sociologues, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Editions Zone) sous-titré "Chronique d’une immense casse sociale", et où l’art contemporain est cité comme instrument d’assujettissement culturel, d’aliénation insidieuse, et "qui creuse la misère sociale en même temps qu’il fait grossir les grandes fortunes". Violence enfin, faite aux responsables politiques qui n’en pensent pas moins, mais restent tous, terrorisés et tétanisés devant l’ampleur et la complexité de ce phénomène médiatico artistico-culturel, qui a la dimension exacte de la grande finance internationale, auquel il est indexé, et sur lequel ils n’ont donc aucune prise, ni au niveau local, ni au niveau national (cf. le passage furtif, en catimini et presque honteux, de notre Ministre de la Culture pour l’inauguration de cette Biennale). Alors oui, je crois qu’il est temps de dire ce dont il s’agit exactement, de s’extraire de l’hypocrisie, de démonter la supercherie, d’analyser les choses en amont de cette énorme imposture au service des réseaux de pouvoir et d’argent, devant cette cérémonie invraisemblable, où les pauvres exploités vont se prosterner devant les objets liturgiques voués à la célébration des hautes vertus culturelles des riches exploiteurs, devant cet enfumage toxique qui brouille les pistes, qui injurie et se moque de tout le monde, qui veut tuer les vrais artistes.

Il faudrait, chers collègues critiqueurs d’art, mondains, bénévoles, intermittents ou professionnels, oser maintenant aller au-delà des habituels commentaires d’un débilitant anecdotisme, dans le genre de ce que j’ai pu déjà entendre : "c’était beau, c’était pas beau", "c’était globalement nul", "j’y ai rien compris", "c’était mieux ou pire que la précédente", "c’était rigolo", "même Restany n’y retrouverait pas sa bouteille de Whisky", "j’y ai noté la présence de Madame Orlan et de Monsieur" ; "on a regretté que le cochon émergent sur la scène artistique internationale, de l’affiche, n’ait pu venir au vernissage", "il paraît que le performeur de renommée internationale nippo-yémenite , Fukusama Benladaine, qui a signé le récent tsunami ravageur des côtes japonaises, a été interdit de vernissage", "j’ai bien aimé l’homme nu, assis par terre, jambes écartées et en semi érection" (photo jointe)...


"L’artiste dont l’oeuvre consistait à supprimer la partie gauche de la moustache du Directeur de la biennale, pour protester contre la déforestation de la forêt amazonienne, a été injustement écarté de la sélection", "l’artiste à l’œil poché à été félicité par Madame la Ministre de la culture, pour son courage intellectuel", "mon beau-frère a bien aimé", "je nique ton nar contanporin", "rien que des plaisanteries", ou bien, dans le meilleur des cas : "je n’ai trouvé que 2 ou 3 choses intéressantes", etc. .. Oui, car même si l’on peut y trouver quelques œuvres qui sont de l’ordre de la vraie création artistique, par on ne sait quelle fâcheuse erreur de casting curatorial, il n’empêche que l’ensemble relève, à mon avis, de la catastrophe culturelle majeure, que les dégâts résultant de cette sorte d’empoisonnement collectif des consciences sont considérables et peut-être irréversibles ?... Imaginez une Biennale du vin contemporain, où l’on arriverait, par la seule force persuasive de la pub, à faire boire au public du vin du même tonneau que cet "art-là" … Imaginez les ravages dans les tubes digestifs… à la mesure des ravages, beaucoup plus insidieux, que cet "art-là" fait dans les cerveaux et dans les cœurs… et pensez surtout aux milliers de jeunes vrais créateurs de nouvelles formes ainsi occultés, méprisés et asphyxiés par cet enfumage médiatique au profit de minables petits faiseurs opportunistes, tous formatés au "processuel discursif" international… 


Quel gâchis ! Et dites-moi si j’exagère, quand je vois cet événement comme un gros tsunami de stupidité qui s’abat sur la cité, comme un gros paquet d’art néolibéral dans une énorme déferlante d’immonde bouillasse noirâtre et puante, détruisant tout ce qu’il y a d’artistiquement et humainement honorable et vivant … Comme les flux financiers incontrôlés écrasent l’humanité. Les chiffres de la Biennale : le budget global pour cette édition 2013 est passé à 9, 25 millions d’euros, soit 30% de plus que la précédente… 44% de fonds publics et 56% de fonds privés, dont mécénat. 3,5 millions d’euros vont à la rémunération des 400 personnes mobilisées au moment de la BAC et aux salaires des 25 permanents. On attend pour cette année, un peu plus de 200 000 visiteurs, soit 30% de plus qu’en 2011. Soit 50 € le coût du visiteur, pour un billet d’entrée à 13 € en moyenne. Notons également que deux expositions successives au Musée des Beaux-Arts de Lyon, bénéficient de la même fréquentation, pour un budget 10 ou 15 fois moindre, et un tapage médiatique 100 fois moins important… mais il est vrai que le contenu artistique de ces expos (comme celle de Joseph Cornell qui va avoir lieu du 18 octobre 2013 au 2 février 2014) est 100 fois plus dense et intéressant… Ceci compensant cela …

Et heureusement qu’il existe encore des lieux comme le Musée des Beaux-arts de Lyon, qui restent dignes, qui respectent l’art et son public et ne prennent pas ce dernier uniquement comme une cible marketing, qui font un vrai travail de développement culturel à long terme, et qui font honneur à la ville (signalons aussi l’exceptionnelle expo Rouault au Musée de Fourvières). Car si les bénéfices économiques et médiatiques, à court terme, de cette biennale sont indéniables, les préjudices, à long terme, vont s’avérer considérables. Et il serait bien que les politiques, même si, pour l’instant, ils ne peuvent rien faire contre ce désastre, s’en rendent au moins un peu compte. Toujours plus dramatique dans le registre de la crétinerie artistique provinciale subventionnée ! Encore un drame de la culture sous perfusion d’argent public, encore plus épouvantable que l’artiste qui fait de la vigne et du vin toxique sur un terrain mis à sa disposition par le FRAC-Alsace : à Tours , un performeur est enterré vivant pendant une semaine devant l’Hôtel de Ville, par le FRAC local… coût de l’opération : 30 000 euros  

Un film à voir absolument "La ruée vers l’art", la mondialisation de l'art et la spéculation. Un film document de la rentrée 2013 Beaux arts mag en fait un édito furibard… ce qui prouve bien que ce film doit être bon. Le lien pour le site du film "La ruée vers l'Art" est le suivant : http://www.rezofilms.com/distribution/la-ruee-vers-lart L’irruption et la puissance de nouveaux collectionneurs hyper-milliardaires ont bousculé un marché de l’art contemporain jusque-là orchestré par un petit réseau de professionnels. De nouveaux gisements artistiques, de nouveaux artistes à vocation mondiale, des montants financiers démesurés sont les fruits d’une spéculation intense : quels en sont les véritables enjeux ? Qui en sont les acteurs ? Quelle place pour la créativité des artistes ? 
De New York à Hong Kong, de Singapour à Miami, de Shanghai à Doha en passant par Bâle et Venise, la réalisatrice Marianne Lamour et les auteures, Danièle Granet et Catherine Lamour, sont parties à la découverte de ce monde en pleine mutation vers une nouvelle société de l’Art globalisé sans en cacher ni les outrances, ni les errements. 

Un livre à lire absolument "Les années noires de la peinture", une mise à mort bureaucratique ? A travers des centaines de citations d’acteurs institutionnels, Pierre-Marie Ziegler, Marie Sallantin et Aude de Kerros, prouvent et analysent rigoureusement le travail systématique de disqualification de la peinture mené en France pendant trente ans par les agents de l’art d’Etat - Editions Pierre-Guillaume de Roux – parution fin septembre 2013*. Signalons la réédition avec nouvelle préface et chapitre complémentaire du livre d'Aude de kerros : "l ‘art caché - les dissidents de l'art contemporain" - Edition Eyrolles. Le non-art contemporain en 6 dogmes http://bibliobs.nouvelobs.com/en-partenariat-avec-books/20130906.OBS5922/le-non-art-contemporain-en-6-dogmes.html

C’est un document qui nous vient de Colombie et qui explique bien le système de l’art contemporain international : à déconseiller aux critiques d’art bien en cours et qui souhaitent le rester… Lisez absolument 
Harry m’a pompé. Dans le numéro d’été de Beaux-Arts Magazine, il y avait une nouvelle policière signée Harry Bellet, chroniqueur habituel d’art au Monde. Et l’on découvrait dans cette sombre histoire qui se passait dans les milieux de l’art contemporain que l’un de principaux protagonistes, Irlandais d’origine, s’appelait Nick O’Lesterol… Harry m’a confirmé que j’étais bien son "inspiratrice" pour le nom de son personnage… J’en suis ravie, car cela va m’aider pour la candidature que j’ai posée auprès du rédac-chef du Monde, pour remplacer le pâteux père Plantu et, dans la foulée, la très neuneue mère Lequeux. Merci Harry, t’es un vrai pote ! De la laïcité en art... Parallèlement à la charte de la laïcité qui va être affichée dans tous les établissements scolaires, pour interdire le port ostensible de signes d’appartenance religieuse, on nous annonce qu’une autre charte va être affichée dans les établissements culturels, pour interdire le port de sacs Vuitton comme signe ostensible d’appartenance de classe… interdiction encore plus appuyée quand il s’agira de sacs Vuitton relookés par Daniel Buren avec des petits damiers blancs et noirs… Art press s’est converti à l’art brut… !

Après avoir depuis 40 ans conchié tout ce qui est de l’ordre de l’affectueux, du populaire, du sensible, du tripal, de l’expressionnisme, du spontané, de l’autodidacte et du "hors-normes", voilà donc qu’aujourd’hui, le magazine Artpress vient d’émettre un hors-série sur l’art brut… Certains voient là, comme un signe d’humanisation de la pensée artistique dominante, et s’en félicitent… Moi je vois là plutôt comme un reniement-récupération d’une vilénie record et d’un cynisme, d’une ignominie, et d’une impudence à vomir.

Que l’art brut soit devenu aujourd’hui un produit de spéculation intellectuelle et de placement financier me semble particulièrement odieux… 

Un petit mot sympa du Général De Gaulle ! Stanislas Fumet (1896-1983), fut essayiste, poète, éditeur, critique d'art, ami de François Mauriac, Jacques Maritain et Paul Claudel, grand résistant et totalement engagé dans ce qu'il appelait lui-même "le service de la Beauté". "Le jour où ce service ne sera plus assuré, il n'y aura plus d'amour, il n'y aura plus rien qui soit digne de l'homme..." écrivait-il dans Véronique ou l'usage sacré de l'art… et voici ce que le Général de Gaulle, lui écrivait au sujet de ce livre : "Mon cher Maître et ami, que de ferments et de consolation dans votre livre, Véronique ! Vous ne renoncez à rien, quand il semblerait qu'en art même les vertus des cieux sont ébranlées par tant d'appels du néant. Car sont-ils autre chose tous les aphorismes contemporains de l'impuissance, cachés sous l'outrecuidance de la mode et de la négation ? Merci, de tout mon cœur, mon cher Maître. Veuillez croire, autant que jamais, à ma fidèle amitié, Charles De Gaulle. Un prix Ricard à consommer avec modération, Le curator international d’extraction helvète, Yann Chateigné, a nominé, pour une exposition intitulée "La vie matérielle", huit artistes émergents, parmi lesquels sera choisi l’heureux lauréat du 15ème Prix de la Fondation d’entreprise Ricard. Pour ce Prix, qui sera décerné le 25 octobre 2013, par un jury de collectionneurs amis des grands musées d’art contemporain, le gagnant se verra remettre son pesant de pastis Ricard, autant de cacahuètes et acheter une œuvre qui sera ensuite offerte au Centre Pompidou. Le jeune curator nous précise : "à l’origine de la vie matérielle, il y a un projet qui se fonde sur des gestes presque primaires, qui tendent vers un degré zéro, un langage restreint et engagé. Non pas penser avec des oeuvres finies mais à partir d’attitudes, avec un leitmotiv, celui d’une exposition sans sujet ni objet : que ces gestes entretiennent une relation matérielle avec l’environnement". Nous sommes donc dans la même logique "processuelle, discursive et environnementale" que celle des précédents prix Ricard, et notamment des travaux de Katinka Bock , lauréate du prix 2012, qu’on nous disait déjà "constitués de matériaux allusifs et révélateurs d’interactions spatiales, et fruit de l’observation et la construction des relations humaines". On y voyait en effet des plaques de terre crue, posées délicatement au sol, ou bien des dalles de marbre accotées au bas des murs de chapelles, ou bien un énorme bloc de pierre caché sous une table, ou bien des parpaings suspendus au plafond et munis d’un crayon faisant trace du balancement au sol, etc. C’était un travail qui prenait "toujours en compte la nature et le contexte physique, historique et social des lieux qui l'invitent". La critique d’art Joana Neves écrivait à son sujet dans Zérodeux, la revue d’art contemporaine trimestrielle et gratuite (c’est-à-dire payée par le contribuable français), qui fait lien dans la communauté des artistes français émergents sur la scène internationale : "à force de côtoyer ce travail, somme toute abstrait, l’on vient à constater qu’il cultive un lien avec la condition sociale de l’homme, avec l’être-ensemble (…). La trace que la sculpture faite sur le mur, dit bien, d’une part les possibilités d’expansion de la sculpture par la sculpture; et de l’autre, elle l’ouvre à la forme presque désincarnée, processuelle et protocolaire sans pour autant la disséminer…. Bref , elle exprime cette porosité de l’œuvre dans le contexte… Aussi, le potentiel acquéreur de cette pièce, pour autant qu’il l’installe et la pratique, sera mise devant le potentiel à venir de la vie matérielle". … Et voici enfin ce que nous déclarait l’artiste elle-même : "quand je travaille, je pense beaucoup aux relations entre les gens (…). Cette sculpture (photo jointe) qui tourne sur elle-même comme un carrousel, prend les mesures des objets qu’elle porte, mais aussi de l’espace autour d’elle et de celui qui la regarde. C’est comme une personne qui tient dans ses bras ou sur sa tête des objets fragiles, dans un processus de la pensée qui génère le question de la forme et du contenu, qui est le souci général de l’art". Nous étions donc bien, avec cette œuvre qui grattait le mur, en présence de "gestes qui entretiennent une relation matérielle avec l’environnement"… et nous en étions très satisfaits et heureux. Moins heureux doivent en être cependant et selon moi, les vrais amateurs de pastis Ricard, en pensant que leur populaire breuvage – qui fait comme on le sait, lien social et festif dans les joyeuses communautés boulistes et campeuses - sert à financer des opérations marketteuses et sponsoreuses aussi tristounettes et à contre-sens. Mais ça, c’est l’avis, comme vous savez, d’une démago-populiste impénitente notoire… (l’abus d’art contemporain nuit gravement à la santé). De l'art koons-temporain ! Je vous joins, puisque vous avez été bien sages et attentifs à mes écrits, cette belle image de Jeff Koons, que m'a envoyée Claude Chaize (www.claude.chaize.com) et faisant partie de la suite de 4 infographies sur l'art "Koons-temporain"… Une image à proposer au magazine Art Press qui avait, il y a une quinzaine d'années, fait déjà sa couverture avec une image gros plan des parties génitales de Koons et de la Cicciolina en pleine copulation... 

Au secours ! Planquez vos mômes ! L’art contemporain va entrer dans les écoles et les collèges. Voici le texte du communiqué de presse qu’Aurélie Fillipetti vient de m’envoyer : "Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, et Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, signent ce vendredi 27 septembre, à Toulouse, une convention-cadre nationale avec l’Association des régions de France et le Centre national de documentation pédagogique, en présence de l’association Platform (www.frac-centre.asso.fr). Cette signature de convention intervient alors que sont célébrés les 30 ans des Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC), et que le développement de l’éducation artistique et culturelle en faveur de tous les élèves est une priorité gouvernementale. Cette convention lance l’opération"un établissement, une œuvre" et a pour objectif de sensibiliser à l’art contemporain les élèves qui en sont souvent plus éloignés, en exposant, au sein des écoles et collèges, des œuvres d’art issues des Fonds Régionaux d’Art Contemporain. Le projet pour l’année 2013-2014 consiste à lancer l’opération dans autant de collèges que possible en privilégiant les établissements situés en zone d’éducation prioritaire et les zones rurales isolées. L’opération s’appuiera sur les projets pédagogiques montés par les équipes enseignantes en lien avec les FRAC et leurs partenaires locaux, et pourra associer des artistes. C’est ainsi tout l’apport des FRAC, leur rôle dans la diffusion de l’art contemporain à tous les publics qui pourront être valorisés auprès des élèves". 

En voilà une idée qu’elle est bonne et généreuse, de la part de notre gentille et très ingénue Aurélie Filippetti, de faire profiter les enfants ruraux et ceux des classes sociales inférieures, de cette esthétique des classes urbaines et supérieures, que l’ont peut trouver dans les FRAC… et puis donner un alibi démocratique ou une caution populaire à cet art qui est plutôt celui des aristos de la culture, des milliardaires incultes et des spéculateurs de tous poils… Quoi qu’il en soit, l’expérience risque d’être intéressante et édifiante. Ce sera un test, cette confrontation de nos gentils bambins avec ces machins invraisemblables, parfois pourris ou déglingués, inaccrochables aux murs, inregardables, terrifiants souvent… Je prévois déjà les hurlements des mômes et les plaintes des parents. A suivre donc…



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