Paris - Théâtre

Monsieur Luchini, pourquoi tant d'acidité dans un monde indécent ?

Çiva de Gandillac - 6 mars 2014
Sourires amers, silences... Le public, "inculte", bouche bée, ne sait vers où regarder. L'arrogant Fabrice Luchini tient les huit cents spectateurs par le bout du nez.
Il vitupère :"Ça vous gêne qu'on parle de la merde ? Transformer la merde en dentelle, c'est ça le génie !"

L'acteur interpelle ouvertement le public en se qualifiant de masochiste. Pourquoi s'inflige-t-il ce calvaire alors qu'il fait beau en ce début mars ? Monsieur Fabrice Luchini a joué, ce mardi 5 mars 2014, Voyage au bout de la nuit, de Louis Ferdinand Céline, au Théâtre Antoine à Paris.

Il enchaîne, il compose, il devient chef d'orchestre et instrument à la fois : il s'incarne en Céline.
Le public est happé par la musique de Monsieur Luchini qui joue comme un enfant admiratif. Sa voix, ses intonations, son corps épousent l'oeuvre célinienne. Après nous avoir plongés dans les méandres obscurs, tristement implacables et épouvantables de la vie d'un docteur de banlieue ouvrière, il sort de son personnage et devient le vieux Céline d'après-guerre interviewé par un journaliste qui l'accable : "vous n'êtes qu'un abject personnage !". Céline répond qu'il voulait seulement éviter une nouvelle guerre, lui, meurtri dans son corps par la Der des Ders. Il s'est attaqué à une "secte". Il ne se revendique pas humaniste. Il se dit esthète qui rêvait d'une maison à Boulogne-sur-mer...

Soudainement, Luchini devient Fabrice, interpelle le public, le pique, le conspue : nous ne sommes que des ignorants, nous ne comprenons rien à l'oeuvre du génial Céline.

Combien de spectateurs parmi les huit cents présents ont-ils lu Voyage au bout de la nuit ? A peine une centaine et encore... Il exulte ! Nous ne respectons ni le sens du texte, ni les silences de son interprétation. Certains toussent, d'autres rient au mauvais moment. 
Il est vrai que parmi le public, des téléphones sonnent, vibrent, s'allument, flashent... Crime de lèse-majesté ! Pourquoi n'existe-t-il pas des brouilleurs d'ondes dans les théâtres comme dans certains cinémas ? La magie imaginative de l'écoute et la concentration du spectateur sont mises à mal... Et pour le comédien, ces intrusions doivent être un supplice, surtout quand il est seul voyageur dans un train qui le mène au bout de la nuit... 

Luchini nous trouve stupides, à la limite d'un certain complexe de supériorité ? Serait-il imbu de lui même ?

Ou ne respecterait-il pas les ignorants qui viennent découvrir un auteur à travers sa jouissive interprétation ? Monsieur Fabrice Luchini aimerait-il la provocation ? Aurait-il envie de blesser l'amour propre du public pour l'amener à lire minutieusement Voyage au Bout de la nuit ? Sûrement.

L'acteur, après avoir vidé son sac, repart de plus belle. Il  dévore Voyage au bout de la nuit ! Et soudain, Luchini redevient Fabrice, c'est la fin du spectacle ! A moins que... 

Il nous offrira, si nous sommes suffisamment attentifs, un ou deux textes supplémentaires, mais il ne se sent pas obligé. Voyage au bout de la nuit se joue à guichet fermé jusqu'à la fin mars. Certaines fans lui écrivent des lettres pour le supplier d'assister à son spectacle.

Il ajoute qu'une audacieuse lui a écrit : " P.S: je suce la bite ".                                                                  Yo Fabrice !

S'ensuit une lettre, celle que Céline avant d'être Céline envoya à Gallimard dans laquelle il écrivait que son oeuvre était difficilement résumable. Il l'estimait géniale parce-que différente et musicale. Il concluait sa missive en déclarant que Voyage au bout de la nuit deviendrait le livre le plus marquant du siècle dernier ( rires des spectateurs). Luchini s'arrête tout de go : "Bande de bobos, médiocres, bourgeois endimanchés, ça vous ennuie qu'une personne soit lucide par son propre génie ?". Silence dans la salle, puis rires... 

"Ça vous gêne qu'on parle de la merde ? Transformer la merde en dentelle, c'est ça le génie !" 
Monsieur Fabrice Luchini termine son spectacle par un texte de La Fontaine sur la mort, sujet et auteur favoris de Céline. Acclamations du public ! Et comme par miracle, il revient sur scène pour donner un bon point à nous autres idiots. Lui, acteur salue le silence et la concentration du public lors des cinq dernières minutes de son "show"...

Chapeau bas, Monsieur Fabrice Luchini. Simple regret, 1h30, trop court...

Vous nous avez mis l'eau à la bouche, c'est frustrant. Au moins 4 heures minimum, s'il vous plaît ! Seriez-vous capable de relever ce défi : interpréter Voyage au bout de la Nuit intégralement comme Peter Brook le fit pour le Mahâbhârata ?

ÇIVA DE GANDILLAC



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