- Agenda "Faust"de Charles Gounod à l'Opéra Bastille : une mise en scène à se damner…« Je veux un trésor, qui les contient tous ! Je veux la jeunesse ! » Frustré par la quête futile du savoir, le vieux savant Faust vend son âme au diable en échange de la jeunesse éternelle et de la belle Marguerite…
Le Docteur Faust, vielle homme désabusé , songe à en finir une bonne fois pour toutes, lorsque Méphistophélès, le Diable, lui apparaît en chair et en os : il fait signer à Faust un pacte qui lui garantit une nouvelle jeunesse en échange de son âme. Séduit par l’image de Marguerite, que Satan lui a fait apparaître pour le convaincre, Faust part à la conquête de la belle. Méphistophélès l'accompagne dans son voyage pour anticiper ses moindres désirs. Séduite et aussitôt abandonnée par Faust, Marguerite tue l’enfant qu’elle a eu de lui. Emprisonnée pour son crime, elle donnera sa propre vie pour sauver son âme, malgré les efforts contraires du Diable pour en faire – comme Faust – sa propre créature. Donnée seulement deux soirs et à huit clos en 2021 en raison de la pandémie, cette nouvelle production signée Tobias Kratzer succède à celle de Jorge Lavelli (1975) qui fût jouée près de trois décennies à l’Opéra Garnier puis à l’Opéra Bastille. La création du metteur en scène allemand nous embarque dans une vision féérique de l’œuvre de Gounod où le mythe de l’éternelle adolescence oscille trois heures durant, entre rêve et réalité, le tout à grand renfort de nombreux décors et d’un dispositif vidéo surprenant, truffés d’effets spéciaux à couper le souffle.
La prestation des solistes est aussi impressionnante que jubilatoire. Dans le rôle-titre, on retrouve le ténor franco-suisse Benjamin Bernheim, déjà présent à la création en 2019, qui excelle durant toute la soirée. Puissance et raffinement, le chanteur empli le volume de l’Opéra Bastille avec aisance et dévoile des trésors de sensibilité quand il s’agit de rendre hommage au génie de Gounod, notamment dans le fameux « Salut demeure chaste et pure » (où le redoutable contre ut est d’ailleurs émis sans difficulté). Il campe un Faust éperdu, souvent dépassé par les événements, totalement soumis. Des qualités que l’on retrouve également chez Christian Van Horn dans le rôle de Méphistophélès, qui habite l’espace sonore d’un beau timbre baryton basse. Son charisme et son jeu rendent son personnage très convaincant, plein de fantaisie et d’humour. Angel Blue fait une entrée réussie à l’Opéra National de Paris dans le rôle de Marguerite. La soprano californienne donne une belle interprétation de la ballade du « Roi de Thulé » et de « L’air des bijoux » (« Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir ! ») avec beaucoup de retenue et d’émotions. Florian Sempey, lui aussi présent à la création en 2019, campe un Valentin très investi, protecteur de sa sœur et particulièrement émouvant dans l’air « Avant de quitter ces lieux ». La scène dans laquelle Faust lui enfonce une lame dans le torse est particulièrement poignante. On apprécie aussi l’interprétation de la mezzo soprano Emily D’Angelo dans le rôle Siebel, jeune garçon amoureux transi de Marguerite. On salue le travail des Chœurs de l’Opéra National de Paris notamment « Gloire immortelle de nos aïeux » sans oublier la prestation de l’excellent Jean-Yves Chilot en comédien mime, dans le rôle de Faust âgé. La direction d’orchestre confiée à Thomas Hengelbrock est une des véritables valeur ajoutée de ce beau show. Très expressif, le chef allemand met en lumière la sonorité extraordinaire de l’Orchestre de l’Opéra de Paris et dévoile toutes la palette de couleurs de la partition. Si on ajoute à cela la musique majestueuse de Charles Gounod, les splendides costumes et décors signés Rainer Sellmaier, ces six nouvelles représentations raisonnent déjà aux airs de triomphe. Jean-Christophe Mary pour www.micmag.net
Faust
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