France - Lectures

Quand l’art contemporain devient un produit financier haut de gamme

Marie Torres - 16 septembre 2013
Nostalgie, désenchantement et humour. C’est ainsi que Michel Ragon, critique d’art, nous livre ses souvenirs. Au temps où Soulages, Klein, Poliakoff et Dubuffet étaient ses amis. Au temps où les œuvres d’art n’étaient pas encore des placements financiers. Une chronique bien agréable à lire

Ecrivain et critique d’art de renom, Michel Ragon a été l’ami de grands artistes comme Soulages, Atlan, Poliakoff, Zao Wou-Ki, Klein ou Dubuffet. Des artistes qu’il a souvent découverts et soutenus. Dans sa chronique, « Journal d’un critique d’art désabusé », il revient sur cette période et s’insurge contre le monde d’aujourd’hui où l’art est devenu marché.

« New York a fait de l’art contemporain un « financial art » produit financier haut de gamme. (…) Ils ont conforté la place financière de New York et ruiné la place artistique de Paris ».

Un monde où l’art a basculé dans la spéculation financière. Un monde où même ses confrères, les critiques d’art contemporains, ont des pratiques on ne peut plus douteuses et de citer au passage Léautaud : « Je crois que la critique d’art est surtout l’art de se faire une galerie de tableaux »…

Mais les souvenirs de Michel Ragon ne sont pas que désabusés, ils sont aussi truffés de savoureuses réflexions et anecdotes. Ainsi, revenant sur exposition de Lucien Freud au Centre Georges Pompidou, il écrit :

« A la nudité dans une complaisance de crudité vite insupportable, Lucien Freud répond « Ce qui m’intéresse chez les gens, c’est le côté animal » Mais les animaux sont toujours beaux ! Ils ne montrent pas ce côté avachi dans lequel Freud se délecte. Aucun éléphant, aucun hippopotame ne présente l’aspect répugnant de femmes énormes, ventrues, adipeuses, que Freud se complaît à représenter ».

Ou encore à propos des neveux de Soulages.

« On me raconte qu’au tout début de la carrière du peintre, un neveu venu le voir à Paris, perplexe devant ses peintures abstraites et sombres, lui demande :
- Et, tu réussis à en vendre ? 
- Oui 
-  Et à quel prix ? 
Soulages indique sa cote. Et, le neveu stupéfait et indigné, de rétorquer
- Tu n’as pas honte ! »

Michel Ragon revient aussi sur les difficultés de l’époque.

« Il est difficile d’imaginer l’incroyable misère dans laquelle vivaient les artistes d’avant-garde, en ce temps. L’avant-garde n’avait pas encore était récupérée par les marchands et le ministère de la Culture. On était d’avant-garde sans l’avoir voulu, par une sorte de malédiction et on était parfois désespéré de l’être. A trente-sept ans, Wols ressemblait à un vieillard, chauve, voûté. On le remarquait titubant, marchant sur le boulevard Saint Germain, qui croisait un autre fantôme, maigre à faire peur, Antonin Artaud. »

Après la lecture de « Journal d’un critique désabusé », on n’a qu’une envie, dire merci à l’auteur de nous avoir fait partager ses souvenirs, ses rencontres et ses amitiés. Une délicieuse promenade.
Marie Torres
Journal d’un critique d’art désabusé
Michel Ragon
Albin Michel, septembre 2013
18 euros

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