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Alain Caillé : « On a une explosion inadmissible des inégalités qui conduit la planète à sa perte »

Marie Torres - 31 mars 2015
Face aux crises – économique, sociale, écologique et morale –, face à la montée de la corruption, un autre monde est-il possible ? Un monde où nous pourrions nous opposer sans nous massacrer ? Le « Manifeste convivialiste » apporte des réponses. Entretien avec son initiateur, Alain Caillé.

Un autre monde est-il possible ? Un monde sans inégalités où on pourrait « s’opposer sans se massacrer » ? Soixante-quatre intellectuels, français et étrangers, ont débattu sur le sujet pendant plus d’une année. Leurs réflexions, leurs solutions sont recueillies dans un opuscule de 40 pages, le « Manifeste convivialiste ». L’ouvrage, publié au Brésil, en Italie, en Allemagne, en Corée du sud, en Turquie ou encore en Roumanie, rencontre de nombreuses marques de soutien et de sympathie. A son origine, le sociologue, Alain Caillé. Il nous en parle.

Micmag.net : Quand et comment est née l’idée de rédiger un manifeste convivialiste ?

Alain Caillé : En juillet 2012, à Tokyo, à la suite d’un colloque sur le thème « Une société conviviale est-elle possible ? », j’ai reçu commande d’un manifeste sur le convivialisme. Je ne voulais pas l’écrire seul et j’ai demandé à la soixantaine de personnes qui me paraissaient  importantes pour ce type de débat d’y participer. Toutes ont répondu positivement et nous avons eu un an et demi de discussion, dans un climat de confiance amicale.

« Une criminalité organisée à l’échelle mondiale et une sorte de décomposition morale du monde »

M. : Votre motivation ?

A.C. : Le sentiment d’urgence face, constat partagé, à toutes les crises qui sont déjà là ou qui s’annoncent.  Des crises économiques, des crises sociales, une crise écologique et, j’ajouterai, une crise morale car on sent partout une espèce de montée de la corruption généralisée. Une criminalité organisée  à l’échelle mondiale et une sorte de décomposition morale du monde. Tout cela est commandé notamment par la domination mondiale de ce que l’on peut appeler un capitalisme rentier et spéculatif.

M. : Un capitalisme rentier et spéculatif ?

A.C. : Capitalisme rentier, cette expression me paraît bonne parce qu’elle met de côté le débat sur le capitalisme en général. Il ne s’agit pas de savoir si on est pour ou contre le capitalisme, chacun doit avoir son opinion sur la question. La question n’est pas non plus de savoir ce qu’est le capitalisme, car il y a de multiples définitions. Mais, en revanche, tout le monde peut se mettre d’accord sur le fait qu’il règne depuis 20 ou 30 ans un capitalisme rentier spéculatif. C’est-à-dire un capitalisme qui exige des taux de rendement de 10 à 15 % par an qui, dans des sociétés comme la nôtre où les taux de croissance sont de 0 à 1%, posent évidement quelques problèmes…

M. : Pourquoi  un manifeste « convivialiste » ?

A.C. : Le mot n’a pas été adopté facilement beaucoup des signataires du manifeste y étaient hostiles. Ils pensaient que « convivialiste »  fait trop « gentil ». Cela évoque trop les banquets où on fait des bonnes bouffes ensemble ! D’autres étaient hostiles au « isme ». Personnellement,  je suis très partisan du « isme ». Je crois qu’on a besoin d’une doctrine générale parce que l’une des idées qui rassemble tous les signataires est que ce qui nous manque aujourd’hui pour agir ensemble et être efficace c’est une doctrine commune. Pas une doctrine au sens d’une idéologie figée mais quelques principes de philosophie politique communs qui nous permettent d’aller au-delà des grandes doctrines politiques de la modernité.

« C’était écrit avant le 7 janvier mais on voit bien à quel point cela devient urgentissime »

M. : Qui sont ?

A.C. : Le libéralisme, le socialisme, le communisme… C’est cela en fait que le mot « convivialisme » désigne. C’est cette recherche d’un au-delà de ces doctrines et notamment du libéralisme et du socialisme.

M. : Si on devait résumer le « convivialisme » en une seule phrase ?

A.C. : Je dirais que c’est la philosophie du vivre ensemble. Du vivre ensemble en s’opposant sans se massacrer. C’était écrit avant le 7 janvier mais on voit bien à quel point cela devient urgentissime. On peut débattre, s’opposer sans que cela ne se traduise en massacre généralisé

M. : Quels sont les principaux généraux de ce Manifeste ?

A.C. : Il y a quatre principes qui vont presque de soi mais...  ça va toujours mieux en le disant ! Le premier est un principe de commune humanité par-delà les différences de couleur de peau, de sexe ou d’orientation sexuelle, de culture, de richesse ou de religion. Le deuxième est un principe de commune socialité car pour les sujets humains la principale richesse c’est la richesse de leurs rapports sociaux.

Troisième principe, un principe de légitime individuation qui affirme qu’il est légitime que chaque être humain recherche sa singularité  et qui ne veut pas dire individualisme. Quatrième principe, un principe de maîtrise de l’opposition c’est-à-dire une rivalité féconde et non destructive.

« On n’abolira pas la pauvreté mais il faut interdire la misère, la rendre hors-là »

M. : Plus concrètement ?

A.C. : Plus concrètement, je dirais que leur objectif commun c’est de permettre de lutter contre la démesure, contre le désir d’avoir plus que sa part qui est aujourd’hui à la base du capitalisme rentier et ça c’est le défi principal.

M. : Comment peut-on lutter contre la démesure ?

A.C. : Aujourd’hui, au sein du pays et entre pays, on a une explosion des inégalités absolument intenable qui conduit la planète à sa perte. Si on veut lutter contre la démesure cela implique de défendre un principe de revenu minimum, c’est-à-dire l’idée que personne ne doit tomber dans la misère. On n’abolira pas la pauvreté mais il faut interdire la misère, la rendre hors-là. Cela implique un revenu minimum et symétriquement cela implique un revenu maximum qui interdise de sortir de la commune humanité et de la commune socialité, personne n’a le droit se croire tout puissant, autorisé à avoir infiniment plus que sa part.

Pour en savoir plus :

www.lesconvivialistes.org, où, si vous êtes en accord avec les principes, vous pouvez manifester votre soutien 

Marie Torres
Manifeste convivialiste
Editions Le Bord de l'eau
5 euros

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