Paris, Studio Raspail - Musique, concert, interview

Camkytiwa et les secrets du Nouvel An vietnamien

Stephane de Langenhagen - 7 février 2016
Originaires d’Orient, les quatre musiciennes de Camkytiwa sont en concert au Studio Raspail à Paris, le 27 février. Un spectacle placé sous le signe du Têt, le Nouvel An vietnamien. Huong Thanh, la chanteuse du groupe, et son mari, nous présentent cette fête qui célèbre en 2016 le singe de Feu.

Le ventripotent Táo Quân, génie tutélaire du foyer, s'envole vers le ciel une semaine avant le Têt.

Depuis son arrivée en France à l'âge de 16 ans, l'artiste vietnamienne Huong Thanh déborde de projets. C'est l'âme du groupe Camkytiwa (Cam pour musique, Ky pour stratégie aux échecs, Thi pour poésie et Huo pour peinture, les quatre qualités idéales de la femme vietnamienne). Elle chante avec la Chinoise Yan Li à l'erhu, la Coréenne E' Joung-Ju au geomungo et la Japonaise Fumie Hihara au koto et au shamisen.

Partagée entre ses deux cultures, Huong Than s'apprête pour un mois de festivités qui s'achèvera par un concert exceptionnel au Studio Raspail, à Paris, le 27 février. Rencontre.

Micmag.net : Lundi 8 février 2016, vous et votre mari allez fêter le Têt. Que signifie ce mot ?

Huong Thanh & Hong Nguyen : Le Têt, c’est le Nouvel An vietnamien. On parle de Têt Nguyên Ðán, la fête du Premier Jour de l’année.

Micmag.net : Comment fixe-t-on la date du Têt ?

Hong Nguyen : Le Têt tombe presque toujours en février, mais il dépend du cycle de la lune. Nous, les Vietnamiens, nous avons douze mois par année, sauf que nous perdons une semaine par an. Tous les quatre ans, il faut donc rattraper un mois, ce qui nous fait une sorte d’année bissextile avec treize mois.

Chaque année porte le nom d’un animal; il y en a douze, l’équivalent des signes du zodiaque. Et pour différencier l’année, nous lui associons un des six éléments. Cette année, c’est l’année du singe de Feu.

Micmag.net : Le Nouvel An tombe-t-il à la même date en Chine, en Corée et au Japon ?

Hong Nguyen : En Chine et en Corée, c'est la même date, calculée d'après le calendrier lunaire. Le Japon, malgré une ancienne influence chinoise, a fini par adopter il y a déjà bien longtemps le calendrier solaire, comme en Occident.

Micmag.net : Le Têt est-il différent au Vietnam et en Chine ?

Hong Nguyen : La Chine a exercé mille ans de domination sur le Vietnam et y a laissé beaucoup de traces. Malgré de très légères différences, la majorité de nos coutumes et de nos rites, dont celles du Têt, viennent de la Chine.

Huong Than : Comme la couleur rouge par exemple, qui représente le bonheur.

“ Dans le Nord du Vietnam, les gens achètent des poissons pour les libérer dans les mares. ”

Micmag.net : Comment fête-on le Nouvel An au Vietnam?

Huong Than et Hong Nguyen : Táo Quân, le génie du foyer, celui qui a un gros ventre, reste dans la cuisine pendant toute l’année. Une semaine avant le Têt, il va au ciel à dos de poisson pour faire son rapport auprès du dieu du Ciel sur les bonnes ou mauvaises actions de la famille. C’est un jour de grande fête où l’on fait des gâteaux et où l’on brûle de l’encens. Dans le Nord du Vietnam, les gens achètent des poissons pour les libérer dans les mares.

La veille du Nouvel An, à minuit, on accueille le génie qui revient sur terre prodiguer les conseils du dieu du Ciel pour l’année à venir. Puis a lieu une messe à la mémoire des aïeux. Le Jour de l’an, on se retrouve en famille, avec des habits neufs; on s’assoit, les enfants viennent, d’abord les plus jeunes, pour souhaiter la nouvelle année aux parents.

Micmag.net : Les amis sont-ils conviés à fêter le Têt ?

Huong Than et Hong Nguyen : Le lendemain seulement. Le Jour de l’an, on ne reçoit personne ! C’est un jour de coutumes et de superstitions. Toute l’année dépend de ce premier jour. Si ça se passe mal, on pense que ça aura une influence sur l’année entière.

Cette fête est réservée à ceux qui vivent dans la famille. On n’ouvre pas la porte aux autres. D’ailleurs, personne n’osera jamais sonner le Jour de l’an chez quelqu'un sans y être invité. C’est valable aussi pour les oncles, tantes, cousins, qui doivent appeler bien avant pour demander la permission de passer. Si l’on juge que ce n’est pas un bon présage, on leur demande de ne passer que le lendemain.

Micmag.net : Et comment se fête le Têt dans les rues ?

Huong Than et Hong Nguyen : Le Jour de l’an, c’est un jour triste. Dans la rue, tous les commerces et restaurants sont fermés; les gens ont peur de la tradition ! On ne travaille pas, on ne balaye pas, pour ne pas jeter l’argent par les fenêtres. En fait, on ne fait rien le Jour de l’an à part rester à la maison pour manger, jouer aux cartes et s’amuser. Ces dernières années, ça s'est beaucoup accentué, il n'y a plus d'activité sept jours durant et les gens voyagent beaucoup à l’étranger, surtout les jeunes.

Micmag.net : Au Vietnam, entre le Nord et le Sud, y a-t-il des façons différentes de fêter le Nouvel An ?

Huong Than et Hong Nguyen : Non, très peu. Les croyances restent les mêmes. Au Nord, dans chaque village, les gens érigent devant la maison du peuple une immense branche d’arbre de 7 à 8 mètres de haut, l’arbre du Têt, sur laquelle on accroche des vœux et des cadeaux.

“ Nous invitons la licorne pour avoir des sous. 

Micmag.net : Nous avons tous en mémoire l’image des premiers de l’an chinois colorés avec des défilés dans les rues. Ces rassemblements existent-ils  au Vietnam ?

Huong Than et Hong Nguyen : On trouve encore des villages avec des processions et des danses de la Licorne, mais ça se perd de plus en plus. La licorne est un symbole de prospérité et de bonheur. Si l’on veut des sous, on invite la licorne à venir dans sa maison.

Micmag.net : Et vous, où et comment fêtez-vous le Nouvel An vietnamien?

Huong Than : Toujours en France ! Je suis arrivée à Paris en 1988 et j’ai déjà oublié une partie des traditions, excepté les traditions culturelles, liées à la musique et aux chansons de mon enfance. Nous fréquentons peu le milieu vietnamien et nos enfants sont nés en France. C’est un choix. Le Vietnam est loin. Là-bas, les superstitions sont encore très fortes, moi je ne suis pas superstitieuse, je n'y crois plus. Les traditions sont trop dures à vivre, je n'en garde que les bons côtés.

Hong Nguyen : Nous avons quand même conservé quelques petits trucs du Vietnam pour nous souvenir du pays et créer une ambiance que l’on peut transmettre à nos enfants et à nos amis, comme les gâteaux de riz préparés la veille et qui seront consommés pendant les trois jours suivants avec nos invités. C’est l’équivalent de la galette des rois. Je place aussi des fruits dans une corbeille : mangues, noix de coco… Le nom de chacun a un double sens, ce qui fait qu’en les nommant les uns après les autres, cela donne une phrase de souhaits de prospérité pour la nouvelle année.

Micmag.net : Est-ce que vous fêtez aussi le Nouvel An occidental ?

Hong Nguyen : Bien entendu ! Nous célébrons Noël avec nos enfants. Nous avons deux cultures et nous voulons ne garder que ce qui est symbolique, comme aller au temple avec des amis la veille du Nouvel An pour recevoir le bonheur, ça c’est marrant.

Micmag.net : Huong Thanh, tu vas chanter avec ton groupe Camkytiwa au Studio Raspail le 27 février. Ce concert est placé sous le signe du Têt. Comment vas-tu marquer le coup ?

Huong Thanh : Camkytiwa sur scène, ce sont quatre musiciennes : une Japonaise, une Coréenne, une Chinoise et moi. Plus un percussionniste invité. Nous sommes trois à partager le Nouvel An asiatique. Ce sera l’occasion d’expliquer au public ce que cela représente et d'échanger nos vœux. Je prépare aussi un sketch humoristique sur le génie du foyer et je vais avoir besoin de volontaires !

Hong Nguyen : Aujourd’hui, les Vietnamiens font des sketches très critiques où le génie du foyer vient présenter au dieu du Ciel son rapport sur le pays. Nous avons pensé faire la même chose sur scène avec les musiciennes.

Propos recueillis par Stephane de Langenhagen pour www.micmag.net

Photos de la galerie : Patrice Dalmagne


- Camkytiwa en concert au Studio Raspail le 27 février 2016 à 16 h : infos ici

- Huong Thanh et Jason Carter en concert à l'église de Lognes (77) le 9 février 2016 à 20 h 45 : infos ici















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  • Camkytiwa en concert dans le parc de Saint-Cloud en juin 2014.
  • Huong Than, la voix vietnamienne de Camkytiwa.

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