Syrie - Médias

Sorti de l'enfer – Klester Cavalcanti, journaliste brésilien, arrêté en Syrie

Le petitjournalpoint.com - Septembre 2012 - Rediffusion
Alors que la Syrie fait la Une de l'actualité, nous avons choisi de rediffuser l'interview de Klester Cavalcanti, le journaliste brésilien qui avait été fait prisonnier en Syrie l'an passé.

Klester Cavalcanti, 42 ans, est un journaliste brésilien expérimenté. Au mois de mai 2012, il décide de se rendre en Syrie pour couvrir la guerre qui met la ville de Homs à feu et à sang. Malgré son visa en règle, il est arrêté par l’armée et jeté en prison durant 6 jours. Dans sa cellule, peuplée de 20 autres prisonniers, il noue des liens d’amitié et découvre les histoires de ses co-détenus syriens. Parmi eux se trouve le traducteur de Rémi Ochlik, jeune photographe français tué dans un bombardement au mois de février. Pour Lepetitjournal.com, Klester Cavalcanti a accepté de revenir sur son arrestation et sur sa captivité (interview réalisée en août 2012). 

Lepetitjournal.com - Pourquoi avez-vous décidé de partir en Syrie ?
Klester Cavalcanti
- Au mois de mai dernier, je regardais les informations à la télévision, dans les journaux, sur internet, concernant la guerre en Syrie. A la fin de ces reportages, les commentateurs précisaient toujours que les informations ne pouvaient être confirmées, car le gouvernement syrien n’autorisait pas les journalistes à entrer dans le pays. En tant que lecteur et en tant que journaliste, j’étais mal à l’aise et frustré de lire des reportages dont les informations n’étaient pas vérifiées. Il faut préciser que beaucoup de journalistes, qui étaient allés en Syrie, avaient prétendu couvrir la guerre depuis Damas. C’était impossible car, il y a encore quatre mois, Damas était encore assez calme. C’est à Homs, à deux heures de route de la capitale, que les combats les plus violents se déroulaient. J’ai demandé un visa de journaliste pour partir en Syrie, et je l’ai obtenu. Le samedi 19 mai, je suis arrivé à Damas, j’ai pris le bus pour me rendre directement dans la ville de Homs.

Dans quelles circonstances s’est déroulée votre arrestation ?
En arrivant à la gare routière de Homs, j’ai pris un taxi pour aller dans le centre de la ville où je devais retrouver mon contact, un défenseur des droits de l’Homme, opposant au régime de Bachar el-Assad. Mais mon taxi a été arrêté par l’armée syrienne. Malgré mon visa en règle, ils m’ont emmené au poste de police où j’ai été interrogé. Cela a duré plusieurs heures. A un moment, un policier m’a tendu un document rédigé en arabe. Il voulait que je le signe. Comme je refusais, il a allumé une cigarette, et pendant qu’un autre me tenait, il l’a approchée de mon oeil et l’a écrasée juste en dessous. Puis de nouveau, il a approché sa cigarette de mon oeil, et j’ai senti ma rétine me brûler. Je me suis dit qu’il fallait que je signe. Le lendemain, ils m’ont transféré au pénitencier de Homs. J’ai été placé dans une cellule dans laquelle se trouvaient déjà 20 personnes. Je ne comprenais rien à ce qui se passait, personne ne m’avait donné la moindre explication.

Comment avez-vous été accueilli par les autres détenus ? Avez-vous pu discuter avec eux ?
J’ai été mieux accueilli et mieux traité en prison qu’au commissariat. Il y avait de la solidarité et du respect entre les détenus. Ils savaient que j’étais journaliste et étranger. Ils ont essayé de créer des liens. Quand je suis parti, ils m’ont pris dans leurs bras et ont fait la fête. J’ai eu beaucoup de chance car il y avait un homme qui parlait anglais. Grâce à lui, j’ai pu discuter avec les autres détenus et découvrir leurs histoires.

Etaient-ils, majoritairement, des opposants au régime de Bachar el-Assad ?
La plupart n’étaient ni des opposants ni des criminels. Beaucoup avaient commis des petits délits à cause de la guerre. Des habitants sans histoire qui ont fait des choses illégales pour s'en sortir. Par exemple, celui qui parlait anglais possédait une boutique de vêtements dans un centre commercial. Mais en temps de guerre, personne ne pense à aller s’acheter des vêtements, la vie s’arrête. Il avait besoin d’argent pour vivre et a commencé à revendre des cigarettes de contrebande en provenance du Liban. Un autre homme, travaillait dans l’immobilier, il vendait et louait des maisons. Il n’avait plus de clients. Comme il parlait couramment français, quelqu’un de l’opposition l’a contacté et lui a proposé de servir de traducteur à un photographe français qui s’appelait Rémi (ndlr. Rémi ochlik, photographe français tué dans un bombardement au mois de février) et devait arriver en Syrie. Il a accepté et a passé un mois avec le photographe français. Lors d’un bombardement, Rémi a été tué. Plus tard, son traducteur a été emprisonné comme ennemi du régime.

Comment votre libération s’est-elle déroulée ?
Durant six jours en prison, je ne savais rien. Avant de partir, j’avais prévenu ma rédaction. Si je n’avais pas donné de nouvelle le 23 mai (ndlr. Date prévue de son retour au Brésil), ils devaient entrer en contact avec un contact de l’ambassade du Brésil à Damas. A la dite date, sans nouvelle de moi, ma rédaction a téléphoné à cet homme. Il a téléphoné à un homme du gouvernement pour lui dire qu’un journaliste brésilien avait disparu. Ils ont découvert que j’étais emprisonné à Homs. Je suis donc sorti de prison le vendredi. Un policier m’a emmené à Damas où je suis resté trois jours car mon visa n’était plus valide. Je devais attendre qu’il m’en donne un nouveau. La ville était calme, j’ai pu me promener, faire du tourisme. Nous n’étions pas encore dans cette zone dans un climat de guerre à cette époque. Rien à voir avec Homs où j’avais pu voir les immeubles détruits, les explosions, des gens courir dans les rues.

Qu’avez-vous ressenti à votre retour ?
Je ne suis pas rentré directement à São Paulo. Comme je le disais précédemment, je suis resté trois jours à Damas en attendant mon visa. Puis je suis passé par Beyrouth où je suis resté encore deux jours. Je me sentais très heureux d’être en sécurité. J’ai ressenti une sensation de paix et de liberté. J'ai pu sortir, me promener, je me suis détendu à Beyrouth. Alors en arrivant au Brésil, j’étais déjà beaucoup plus serein.

Etes-vous déçu de n’avoir pu réaliser les reportages que vous souhaitiez ?

Quand j’ai été arrêté, oui. Je venais pour travailler sur deux aspects de la guerre. Je voulais faire un article sur la vie quotidienne dans cette ville qui compte quand même 2 millions d’habitants. Je voulais voir comment les gens vivaient cette guerre au quotidien. Je voulais aussi travailler sur les affrontements entre les forces gouvernementales et les opposants au régime. Je devais passer deux jours avec ces derniers, c’est pour cela que j’avais pris contact avec le défenseur des droits de l’Homme. Quand j’ai compris que ce ne serait pas possible, j’ai été très déçu. Cependant, dans la prison, j’ai pu découvrir un autre aspect de la guerre et recueillir des témoignages très intéressants. Ce n’aurait pas été le cas si j’avais été placé dans une cellule individuelle. 

Que pensez-vous de la position du Brésil sur la Syrie ? Selon vous, une intervention est-elle nécessaire ?
Le Brésil veut garder une position neutre. Je pense qu’il devrait adopter une position plus claire. Il a retiré le personnel de l’ambassade du Brésil à Damas, cela montre qu’il n’a pas confiance en le gouvernement de Bachar el-Assad. Mais des gens meurent et il devrait adopter une position plus claire et plus ferme. Il devrait condamner davantage la violence du gouvernement syrien. Maintenant, pour ce qui est d’une intervention militaire, je ne sais pas si c’est une bonne idée. Cela pourrait aggraver les choses. Bachar el-Assad a notamment déclaré qu’il utiliserait des armes chimiques en cas d'agression. C'est une question extrêmement délicate. 

Vous terminez actuellement un livre dans lequel vous racontez votre arrestation et votre captivité. Pourquoi avoir eu envie d’écrire votre histoire ?
Mon éditeur m’a demandé d’écrire ce livre. Au départ, je ne voulais pas, car je raconte habituellement les histoires des autres, pas les miennes. Je ne voulais pas parler de moi. Puis mon éditeur m’a convaincu en me disant que je devais raconter ce qui se passait là-bas et que j’étais le seul journaliste étranger à avoir été détenu dans cette prison de Homs. Il m’a dit que si je ne l’écrivais pas, il demanderait à quelqu’un de faire un livre d’entretiens avec moi au sujet de la Syrie. J'ai donc décidé d'accepter et je vais aussi créer un site internet sur lequel je vais pouvoir mettre les vidéos et les photos que j’ai ramenées de Syrie. C’est important de montrer ce qui se passe là-bas.

Avez-vous gardé des contacts avec les gens que vous avez rencontrés à Homs ?
Je continue de leur parler par Skype. Celui qui était mon contact au sein de l’opposition a posé une caméra sur sa fenêtre. Elle tourne 24h/24h et il l’oriente en fonction des bombardements. Il m’a déjà envoyé des vidéos que je vais publier sur le site internet que je vais créer. Un autre de mes contacts est sorti de prison. Nous discutons aussi via Skype. Ils me disent que la ville est actuellement extrêmement dangereuse et la situation excessivement tendue.

Propos recueillis par Anne-Louise SAUTREUIL (www.lepetitjournal.com - Brésil) Rediffusion

Le positionnement du Brésil
Au cours des dernières semaines de la crise syrienne, le gouvernement brésilien a tout d'abord affirmé sa position quant à une éventuelle intervention armée en Syrie par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Luiz Alberto Figueiredo.Il a précisé fin août que le Brésil n'interviendrait pas sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Décision réaffirmée par la présidente Dilma Rousseff, lors d’une conférence de presse donnée en marge du sommet du G20, qui se tenait à Saint-Pétersbourg : "Le Brésil ne reconnaîtra aucune action en Syrie sans l’approbation des Nations Unies".

Selon Agência Brasil, le ministère des Affaires étrangères a prévu un plan d'évacuation des 395 Brésiliens installés en Syrie en cas d'intervention. Les ressortissants brésiliens seraient alors emmenés dans les pays voisins, la Jordanie et le Liban. Ils étaient environ 2.500 à être installés dans le pays en mars 2011, avant le début du conflit. La majorité d'entre eux avaient la double nationalité et travaillaient dans le domaine du commerce et des investissements.


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