Brésil - Reportages

ELISEU NETO - "Il y a plus de 300 crimes homophobes par an au Brésil"

Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) - 24 octobre 2014
Psychanalyste, spécialiste de l’orientation professionnelle et membre du Parti populaire socialiste (PPS), Eliseu Neto est une figure du mouvement LGBT à Rio. Lepetitjournal.com l’a rencontré pour en savoir plus sur son action.

Lepetitjournal.com : Outre votre carrière professionnelle, vous êtes reconnu comme un militant actif du mouvement LGBT
Eliseu Neto :
Au départ, je n’ai jamais construit ma carrière ainsi. J’ai travaillé dans l’éducation et plus particulièrement l’orientation professionnelle. Je suis également psychanalyste. Mon engagement pour le mouvement LGBT est venu plus tard quand je suis entré en campagne pour devenir conseiller municipal de Rio en 2012 pour le PPS. Le parti m’a dit que ce serait important que je porte cette bannière, ancrée dans ses statuts, et je l’ai fait. Nous avons notamment lutté pour le mariage pour tous aux côtés du Parti socialisme et liberté (Psol) et la criminalisation de l’homophobie. Le Brésil est responsable de 44% des crimes contre les homosexuels dans le monde, il y en a plus de 300 par an. Le PPS est un petit parti d’opposition, mais l’objectif est de promouvoir ce combat pour toute la diversité, pas seulement l’orientation sexuelle d’ailleurs. Cependant, j’estime tout de même qu’il faudrait que le mouvement LGBT brésilien se place au-dessus des partis et que ce soit nous qui les utilisions plutôt que l’inverse.

Vous êtes membre du Comité carioca de la citoyenneté LGBT, quel est son rôle ? 
Ce comité est une initiative récente de la coordination spéciale chargée de la Diversité sexuelle à la mairie de Rio. Il réunit les secrétaires municipaux à l’Education et à la Sécurité ainsi que quatre représentants LGBT. Je représente les gays. Nous faisons des propositions et cela a débouché sur la construction prochaine à Rio d’un Centre de référence pour la lutte contre les préjugés qui ne concernera d’ailleurs pas que les gays, mais aussi les femmes, les noirs, les pratiquants de religions africaines, etc. Le budget a été validé, il ne reste plus qu’au gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro à le promulguer.

Ce type de structure est important au Brésil, pays qui est beaucoup moins tolérant qu’il ne paraît l’être à l’égard des homosexuels ?
Oui, le Brésil est un pays de contrastes. A Rio, vous allez rencontrer des jeunes homosexuels qui disent ne pas souffrir de l’homophobie. Mais ils vivent où ? A Leblon et quand ils sortent, c’est en taxi. Et il y en a d’autres qui vivent à Santa Cruz, qui prennent des bus remplis d’évangéliques qui écoutent des pasteurs leur disant que l’homosexualité est un péché… 94% des prostitués transsexuels déclarent ne pas vouloir se prostituer, mais ils ont été expulsés de chez eux à 13 ou 14 ans et gagnent plus d’argent de cette manière.

Quelle est la situation dans l’Etat de Rio de Janeiro justement par rapport au reste du Brésil ?
C’est le pire ! Le gouvernement de l’Etat est corrompu et agressif, j’ai moi-même été arrêté lors de manifestations. Et pour le second tour de l’élection au poste de gouverneur, on a le choix entre le corrompu (Luiz Fernando Pezão, ndr) et celui qui considère que l’homosexualité est un péché (Marcelo Crivella, ndr). Alors je vais devoir voter pour le corrompu qui n’approuve pas les lois que l’on essaye de faire passer avec le PPS contre le harcèlement scolaire parce qu’il est lui aussi dirigé par les églises.

La Gay Pride de Rio a l’air de bien fonctionner de son côté, non ?
Je pense qu’elle est très bien en effet, mais elle essuie beaucoup de critiques malheureusement alors qu’elle permet, une fois dans l’année, à des personnes qui doivent cacher leur orientation sexuelle en temps normal de pouvoir la dévoiler et en être fier. On voit des choses bien pires dans les bailes funk et au carnaval.

Qu’avez-vous pensé du débat sur l’homophobie qui a émergé lors du premier tour de l’élection présidentielle, notamment entre Dilma Rousseff et Marina Silva ?
Pour moi, Dilma Rousseff est la personne la plus homophobe au monde. Elle n’a rien fait pour les LGBT, au contraire, elle a été rétrograde, interdisant notamment une campagne promouvant le port du préservatif pour les homosexuels. C’est autorisé pour les hétérosexuels, mais pas pour les gays alors que le taux d’infection au Sida a augmenté de 11% chez les jeunes homosexuels brésiliens. De son côté, Marina Silva s’est positionnée contre le mariage gay, mais elle a évoqué l’adoption et surtout la chose la plus importante à mes yeux : l’intégration dans le plan national d’éducation de la lutte contre l’homophobie. Car il y a des professeurs homophobes et cette homophobie est plus cruelle encore que le racisme. Parce que le jeune noir, quand il rentre chez lui, il retrouve ses parents qui sont noirs aussi et qui vont le consoler. Humilié à l’école, le jeune homosexuel ne va pas trouver le même refuge chez lui. L’indice de suicide est sept fois plus important chez les jeunes gays et 40% des actes homophobes interviennent à l’école.

Il n’y a actuellement aucun programme pour apprendre la tolérance dans les écoles brésiliennes ?
Non, mais je pense que cela viendra, au moins dans les grandes villes. C’est difficile à imaginer dans les plus modestes où les maires et conseils municipaux sont en général homophobes. C’est pour cela que la majorité des homosexuels se réfugient dans les grandes villes, à Rio et São Paulo notamment. C’est ce qu’il m’est arrivé, je suis parti de chez moi à 17 ans pour vivre seul, passant par un long chemin durant lequel la honte a laissé placé à la fierté d’être homosexuel. Je pense que la force et le courage que j’ai aujourd’hui viennent de la douleur que j’ai ressentie étant plus jeune (Eliseu Neto a été battu par son oncle durant toute son adolescence en raison de son homosexualité, ndr). Mais nous sommes peu dans ce cas, il y a beaucoup de jeunes homosexuels qui se mutilent, tombent dans la dépression quand ils ne se suicident pas, principalement ceux issus de familles évangéliques et catholiques.



  • Facebook
  • Google Bookmarks
  • linkedin
  • Mixx
  • MySpace
  • netvibes
  • Twitter
 

Eventos

La morte amoureuse de Théophile Gautier

La morte amoureuse de Théophile Gautier au Théâtre Darius Milhaud

« Memories »

« Memories » de Philippe Lebraud et Pierre Glénat

Paul Klee, Peindre la musique

L’exposition numérique rend hommage aux deux passions de Klee, la musique et la peinture, et révèle les gammes pictural...

Alô !!! Tudo bem??? Brésil-La culture en déliquescence ! Un film de 1h08 mn

Photo extraite du film de Mario Grave - S'abonner sur notre canal Youtube  pour avoir accès à nos films :

El mundo del vintage

Jean Segura, collectionneur d'affiches de cinéma : « J'en possède entre 10 000 et 12 000 »

Journaliste scientifique, auteur de plusieurs ouvrages, concepteur du site ruedescollectionneurs, Jean Segura est aussi un passionné et un spécialiste de l'affiche de cinéma ancienne. Rencontre, ici.


Salir en Paris (Pincha en el título)

« Loading, l'art urbain à l'ère numérique »

jusqu'au 21 juillet 2024 au Grand Palais Immersif


            


Ultima hora

Madrid, 11 mars 2004

L'Espagne, mais aussi l'Union européenne, rendent un hommage solennel lundi aux 192 victimes de 17 nationalités assassinées il y a 20 ans à Madrid dans des attentats à la bombe qui marquèrent le début des attaques islamistes de masse en Europe.

 
Pablo Neruda a-t-il été empoisonné ?
Cinquante après, le Chili relance l'enquête sur la mort du poète et Prix Nobel de littérature survenue sous la dictature du général Pinochet. Cancer de la prostate ou empoisonnement ?
 
Paris 2024 : les bouquinistes ne seront pas déplacés
Paris 2024 : les bouquinistes des quais de Seine ne seront finalement pas déplacés pour la cérémonie d’ouverture des JO « Déplacer ces boîtes, c’était toucher à une mémoire vivante de Paris » a déclaré à l'AFP Albert Abid, bouquiniste depuis dix ans au quai de la Tournelle.
 
Sophie Calle et la mort !
Sophie Calle, artiste de renom, achète des concessions funéraires au USA en France et ailleurs. "J'achète des trous" dit -elle à propos de sa mort.
 
53 journalistes et proches de médias tués dans la guerre Israel- Hamas
Cinquante-trois journalistes et employés de médias ont été tués depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, selon le dernier décompte du Comité pour la protection des journalistes (CPJ)