France - Lectures

Natacha Braque « Lisez-nous ! Relisez-nous ! Re-relisez-nous. Re-rerelisez-nous »

Marie Torres - 16 novembre 2012
Apôtre de la littérature parisienne, l’énigmatique Natacha Braque s’est attiré les foudres du monde des lettres en publiant « Rivegauchez-vous », un petit manifeste où elle dénonce l’oubli dans lequel sont tombés les auteur(ice)s de la Capitale. Entretien.
Qui est donc Natacha Braque ?

Micmag.net a eu la chance et le privilège de rencontrer la présidente de la G.A.A.P. (Guilde des Auteurs et Autrices Parisiens), Natacha Braque. Passionnée, révoltée, la femme reste mystérieuse, cachée derrière son loup noir… Mais qui est-elle vraiment ?

Micmag : Natacha,- vous permettez que je vous appelle Natacha ? -  donc Natacha vous êtes l’autrice d’un petit manifeste, « Rivegauchez-vous », qui plaide en faveur de la littérature de Saint-Germain-des-Prés Qu’est-ce-qui vous a poussé à vous engager dans ce combat ?

Natacha Braque : Je suis, comme vous le savez (voir un extrait de ma bibliographie à la fin de cet entretien), une autrice emblématique de la Rive Gauche. Or, notre littérature, est une littérature aussi fragile qu’un macaron de Pierre Hermé et, à ce titre, elle a un besoin vital d’être lue pour exister. Car à peine a-t-on fini de la lire qu’on l’oublie aussitôt. C’est pour cela qu’il faut encore et toujours la relire. En tant que présidente de la G.A.A.P (Guilde des Auteurs et Autrices Parisiens), je lance un cri d’urgence à nos lecteurs et lectrices en cette rentrée de tous les dangers : Lisez-nous ! Relisez-nous ! Re-relisez-nous. Re-rerelisez-nous… Et je suis prête à continuer ainsi autant qu’il le faudra même si je n’ai pour me battre que mes phrases courtes et mes petits points... Mais je compte sur l’aide des lecteurs qui nous restent car ils ne doivent jamais oublier que c’est pour eux que nous écrivons encore et toujours, y compris quand nous n’avons plus rien à dire.

D’où vient la menace et quels sont, d’après vous, les moyens d’y faire face ?
Nos livres (rudes, intelligents, pénibles, comme tout ce qui se mérite) sont de plus en plus concurrencés par des ouvrages plus intéressants, plus épais que les nôtres, aux couvertures plus colorées, aux titres plus aguicheurs. La plupart sont étrangers ou, pire, écrits dans les régions. D’autre part, les masses qui ne lisent pas les Inrocks, sont livrées à elles-mêmes ; elles pensent n’importe comment et lisent n’importe quoi. C’est donc à vous et moi, de leur expliquer ce qu’ils peuvent aimer et ce qu’ils doivent dédaigner. Pour cela, nous demandons une couverture médiatique minimale (un prime time hebdomadaire par exemple) chaque fois que nous sortons un nouveau livre ainsi que le remboursement de nos frais de bouche quand nous expliquons notre travail aux critiques et de nos frais de représentation (chapeau, lunettes noires,…). Enfin, nous exigeons le renforcement de la présence de littérature parisienne dans les prix littéraires avec interdiction de participer aux belges, suisses et autres francophones.

Vous avez exigé que le label « Ecrivain parisien d’origine contrôlée » (E.P.O.C) soit reconnu par l’UNESCO, le ministère de la Culture et celui de l’Industrie
Je suis partie du constat qu’on semble porter moins d’attention à la protection des auteurs authentiques de la rive-gauche (qui sont menacés d’extinction) qu’aux chapons fermiers du Gers (bien à l’abri derrière leur label rouge). Pendant ce temps, on noie nos livres dans des rentrées littéraires pleines d’auteurs provinciaux ou étrangers. On va même chercher des Corses pour le Goncourt ! Nous demandons donc la mise en place, comme on le fait pour la viande porcine ou le lait, d’un nombre maximum de livres autorisés à paraitre entre fin août et début septembre (une vingtaine, par exemple), le surplus étant directement pilonné sans encombrer les  journalistes spécialisés ou les rayons de nos libraires. Dans un tel cadre, la littérature parisienne retrouverait toute sa visibilité et toutes ses chances.

Avez-vous obtenu satisfaction sur ce point ?
Aurélie Filipetti, avec qui j’ai déjeuné récemment, m’a promis d’en parler à son cabinet. Depuis, j’attends. Mais il est urgent d’agir car quand Saint-Germain-Prés s’enrhume, c’est toute la littérature française qui tousse.

Alors que certains semblent redouter la concurrence des nouvelles technologies, vous dîtes que le livre électronique peut apporter beaucoup à une œuvre littéraire. Pouvez-vous l’expliquer ?
Il faut être sourd, aveugle, manchot ou provincial pour ne pas voir tout ce que le livre électronique apporte à une œuvre littéraire ! Les classiques vieillissants se trouvent rajeunis par de nouvelles fonctionnalités : liens hypertextes, photos, vidéos, bonus… Il est par exemple désormais techniquement possible de remettre dans l’ordre Finnegans wake, de générer une fin alternative à Madame Bovary ou d’envoyer un tweet de soutien à Christine Angot. Donc, non, Google, amazon, applestore… ne sont pas les ennemis de la littérature parisienne authentique. Bien au contraire, ils permettent de nous lire partout, dans le train, dans le métro, sous la douche… Alors pourquoi ne devrions-nous pas profiter de ces supports modernes pour diffuser notre littérature du non-dit, de l’intime, du presque rien, jusqu’au fond de la brousse africaine ou ardéchoise ?

Pour conclure, à quelques semaines des fêtes de fin d’année, quels sont les ouvrages – les bons - que vous nous conseillez d’offrir ?
Je viens de terminer mon cycle romanesque intitulé « Sexe et politique». Après « Mon amant de Tarnac », et « J’irai danser la Samba avec Cesare Battisti », je m’apprête à sortir pour les fêtes «  Il s’appelait Laurent Fabius », un roman à clés. A part ça, parmi les chefs d’œuvres oubliés de cette rentrée 2012, je recommande le « Oh… » de Djian, « La Jouissance » de Zeller et le dernier Olivier Adam (qui, comme il l’a déclaré à mon amie Pascale Clarke, a perdu 30 kg pour écrire Les Lisières). Quant au jeune Aurélien Béranger (La théorie de l’information), j’aime son style dénudé comme un fil mais j’attends qu’il m’invite à dîner pour dire ce qu’il faut en penser.

DERNIERE MINUTE : Derrière le pseudonyme de Natacha Braque se cacherait le spécialiste du pastiche, Pascal Fioretto

Marie Torres
Rivegauchezvous
Natacha Braque
Edition L'Opportun
5 euros
Bibliographie non exhaustive de Natacha Braque (extrait)
Aux éditions de l’Arpenteur : Je m’ai, tu te tais, elle se hait (1984)
Aux éditions GALLIMARD : Les culottes en polyamides (1988) - La Femme Sac (1991) - Inceste à l’apéritif (1992) – Microlax (1994) - Les raisins secs (1997) - Trois bigoudis (1999)
Aux éditions P.O.L : Cette mère-là (1989) - Cette année-là (1990) - Ce salaud-là (1991) – Ce fibrome-là (1993) - Ce Caddy-là (1997)
Aux éditions de Minuit : Flics (1989) – Flaque (1990) – Floch (1999) – Pschtt (2001)
Aux éditions du Seuil : Je sais des jours, tu sais des nuits (2004) - Tu peux jamais, je veux toujours (2005) - Elle volait des orages, il volait des cailloux (2006)

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