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(S)’Échapper, là-bas, sur la digue de Rugbüll

Marie Torres - 5 juin 2015
S’échapper de la vie pour se réfugier dans la littérature. C’est ce que fait Augustin lorsqu’il part sur les traces des héros et des lieux de l’ouvrage de Siegfried Lenz, « La Leçon d’allemand ». En chemin, Lionel Duroy nous offre un roman poétique et émouvant.

Avez-vous remarqué que, lorsque Lionel Duroy présente son dernier ouvrage Échapper, il ne peut s'empêcher de faire l'éloge du roman de Siegfried Lenz, La Leçon d’allemand, paru en 1968. Étrange, non ? C’est ce que je me suis dit en l’écoutant un matin sur France Musique. Mais il y avait une telle foi, un tel enthousiasme dans ses propos que je me suis dépêchée d’acheter les deux ouvrages. En toute logique, j’ai commencé par lire celui de l’auteur allemand. Et j’ai tout de suite compris pourquoi cette histoire avait bouleversé Lionel Duroy. L’écriture de Lenz est simplement magnifique. Au bout de deux pages, vous êtes envoûté par les personnages et les lieux. Vous êtes là-bas, dans le petit village de Rugbüll, non loin d’Husum, un matin de 1943…

«  Chaque souvenir appelle des significations nouvelles »

« Mais il faut maintenant que je décrive le matin, même si chaque souvenir appelle des significations nouvelles : il faut que je mette en scène une lente éclosion du jour au cours de laquelle un jaune irrésistible l’emporte peu à peu sur le gris brun ; il faut que j’introduise l’été : un horizon sans bornes, des canaux, un vol de vanneaux ; il faut que je déroule dans le ciel des nappes de brume et que je fasse résonner de l’autre côté de la digue le bourdonnement vibrant d’un cotre ; et pour compléter le tableau il faut que je quadrille le paysage d’arbres et de baies, de fermes basses d’où ne se lève aucune fumée ; il faut aussi que, d’une main négligente, je parsème les prairies de bétail taché de blanc et de brun. »

L’histoire ? C’est celle d’un jeune garçon, Siggi.  Son père, officier de police, est contraint d’interdire à son ami Max Nansen (qui n’est autre que le peintre expressionniste Emil Nolde) de peindre.  Cette mission, surveiller l’artiste, il la confie à son fils. Siggi accepte, mais il ne trahit pas pour autant le peintre. Fasciné par son travail, il va même jusqu’à cacher quelques-uns de ses tableaux, pour les sauver.

C’est aussi dans l’art que le jeune Lionel Duroy se réfugie pour échapper à son quotidien. Pas dans la peinture mais dans la littérature. Et lorsqu’il découvre La Leçon d’allemand, il est bouleversé. Tant et si bien que, des années plus tard, alors qu’il traverse des difficultés familiales, il part sur les traces du livre, pour en retrouver les lieux et les personnages. De là naît Échapper.

« Dans mon rêve, je m’installe à Rugbüll, je retrouve tous les personnages de Lenz »

« Dans mon rêve, celui que je me construit pour m’endormir le soir, j’écris la suite du livre de Lenz. Il arrête son récit un peu après la Libération, les Anglais entrent dans Rugbüll, le policier est interpellé puis relâché, le peintre se remet à peindre sans avoir à se cacher, des hommes reviennent petit à petit au village, mutilés pour certains… Eh bien, dans mon rêve, je m’installe à Rugbüll, je retrouve tous les personnages de Lenz, ou du moins leurs descendants, les maisons des uns et des autres, en tout cas celle du peintre et celle du policier, le moulin désaffecté, le chemin de brique, les fossés, la digue, bien sûr ! – et j’écris la suite du livre de Lenz. »

Cette « suite » devient une sorte de grand kaléidoscope où se reflètent et s’entrecroisent les personnages et les lieux. Les destins et les amours. Le présent et le passé mais aussi la réalité et la fiction.  On suit avec plaisir les recherches d’Augustin, le narrateur,  – mais n’est-ce-pas Lionel ? -, on découvre avec lui la vie de Max Nansen, enfin d’Emil Nolde, et puis on rencontre Suzanne…



Marie Torres pour www.micmag.net
Échapper
Lionel Duroy
Éditions Juillard, 2015
18,50 euros

La Leçon d'allemand
Siegfried Lenz
Editions Robert Laffont
11,50 euros

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