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Rencontre avec Michel Bussi, le célèbre auteur de polar aux rebondissements surprenants

Alexandra Levy/Lepetitjournal - 15 juillet 2018
Maître du suspens, auteur de romans policiers aux rebondissements surprenants, dans chacun de ses livres Michel Bussi tient ses lecteurs en haleine jusqu’au dénouement final, toujours complètement inattendu. Nympheas noirs, Un avion sans elle, Ne lâche pas ma main... Rencontre.
Michel Bussi - Photo D. Ghosarossian

Lepetitjournal.com/Varsovie : Vous êtes professeur de géographie à l’université de Rouen, spécialiste en géographie éléctorale, comment en êtes-vous arrivé à l’écriture et qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?

Michel Bussi : Depuis tout petit déjà, j’ai toujours eu en moi cette envie d’écrire et je prenais sans cesse des notes. Je suis devenu professeur et j’ai eu la chance qu’un de mes romans soit publié et qu’il rencontre le succès. Ce qui m’est arrivé, publier un roman et en vendre des millions cinq, six ans plus tard relève du conte de fée. Le miracle c’est que cette ambition prenne un jour le pas sur le boulot que j’exerçais avec beaucoup de plaisir.

Vous avez une imagination débordante. D’où vous viennent toutes vos idées?

Ce qui est curieux, c’est que quand on a de l’imagination depuis tout petit on a l’impression que c’est assez naturel et que ça coule de source, comme un musicien qui invente des mélodies et ne peut pas expliquer comment les mélodies naissent, pour lui c’est une évidence. La difficulté n’est pas forcémént d’avoir de l’imagination, ni même des idées d’intrigues ou de rebondissements, c’est d’en faire un roman pour que les gens y croient. Si je vous racontais en 5 minutes une de mes idée de roman vous n’accrocheriez pas. Une idée va prendre 10 minutes, une heure, l’écriture d’un roman va prendre , un an, deux ans.

Comment naissent vos personnages ?

J’aurais tendance à dire que mes personnages naissent de leurs destins contrariés. C’est souvent des histoires où il va leur arriver des choses assez terribles, ils vont devoir se débattre avec un destin difficile. Les personnages sont assez ordinaires au départ et vont se révéler en fonction des embûches qu’ils vont devoir surmonter et c’est plutôt leurs actes qui font leur force. Ce ne sont pas des personnages qui vont être très marqués dès le départ. C’est l’action qui les révèle. Et parfois ce qu’il vont faire n’est pas du tout en adéquation avec la façon dont on les présente.

Est-ce que avant de commencer un roman vous avez déjà en tête le début, le milieu et la fin ou vous vous laissez à un moment porter par l’inspiration ?

Je construis tout dans ma tête avant de commencer et plus j’ écris plus c’est le cas. Globalement j’ai une vision presque complète du roman avant de m’y mettre.

Dans les premiers romans je partais un peu à l’aventure mais là j’ai tendance à avoir plus de discipline. Je commence à savoir ce qu’il faut connaître de l’histoire avant de commencer, généralement la charpente de l’histoire, et ce qu’il faut laisser encore à blanc de manière à se laisser un peu de plaisir d’écriture et que les choses puissent bouger.

A quoi ressemble une journée de travail pour vous et est-ce que vous avez des rituels ?

La difficulté en ayant abandonné le métier de professeur, il y a deux ans, c’est qu’on est en permanence sollicité. Donc il n’y a pas une journée qui ressemble à l’autre. J’essaie évidemment de garder du temps pour écrire mais je n’ai pas de rituels et je me suis habitué à écrire dès que j’ai un moment de libre, dans le train par exemple. Et j’apprécie d’écrire dans l’urgence. Souvent quand je me retrouve devant une longue période pour écrire, je n’ai pas le sentiment d’être le plus efficace.

Est-ce que le processus d’écriture est quelque chose d’évident et facile ou il est plutôt laborieux avec des éventuels moments d’angoisse ?

Ce n’est jamais évident. Il y a parfois une sorte de moment de fulgurance, où on est content d’avoir trouvé quelque chose, d’avoir trouvé le ton juste mais la plupart du temps le travail est fait de lectures de relectures, de ratures. Et si j’aime beaucoup le processus de création, d’écriture, ce travail de relecture me plaît aussi beaucoup. Ca ne me semble pas du tout fastidieux de reprendre mes textes pour la 8ème fois et de continuer à traquer la virgule en trop, la répétition, trouver le bon mot, trainer longtemps pour trouver la bonne formule. Cest un vrai travail d’artisan qui doit rendre son œuvre parfaite et qui va toujours voir le petit défaut et se dire que le travail n’est jamais fini. Pour moi c’est un plaisr inouï d’essayer d’avoir une harmonie et de se dire à un moment que ça commence à ressembler à quelque chose mais évidemment on n’est jamais content et quand on se relit on est toujours horrifié.

Est-ce qu’il y a des livres qui s’imposent plus facilement à vous ?

Non pas vraiment. Et même des livres, comme Nympéas noir, qui est souvent celui qu’on cite, a vraiment été un roman compliqué à penser. J’ai eu l’idée de l’histoire il y a très longtemps. Ca a d’abord été un scénario de film, l’idée a été abandonnée et ensuite il y a eu plein de versions différentes jusqu’à ce qu’à ce que je m’arrête finalement sur une version et choisisse de le situer à Giverny. Mais même pendant l’écriture du roman, je n’étais pas du tout sûr de mon coup. Souvent, je trouve l’idée géniale au début et puis au moment de l’écriture je la trouve idiote, je doute et la trouve trop compliquée. Ca a été la même chose pour On la trouvait plutôt jolie. Je pense que c’est ça le moteur de l’écriture. On se dit qu’on tient une idée originale et puis on se pose 1 000 questions. C’est une vraie angoisse de se dire que, tant que le roman n’a pas été lu, publié, ça ne va pas marcher.

Dans le roman On la trouvait plutôt joliequi traite du sujet des migrants, vous donnez pour la pemière fois une dimension sociale à votre roman. Pourquoi ?

Je ne me fixe pas de règles en me disant qu’il faut que j’aborde une dimension sociale, c’est l’histoire et l’aspect littéraire qui commandent. C’est compliqué de répondre sans dévoiler l’intrigue. Le thème de la migration s’est imposé à mon idée de rebondissement et de dénouement. Mais il y a de toute façon toujours dans mes romans quelque chose d’ancré dans une réalité sociale, ça n’est jamais tout à fait désincarné.

Votre dernier livre Sang famille est une réédition à laquelle vous avez apporté quelques modifications. Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre cette démarche plutôt inhabituelle?

Le livre a été édité localement en 2009 et a vite été épuisé. C’était donc logique de le republier mais cette fois-ci au niveau national par les Presses de la cité. Il fallait juste trouver le moment. Je voulais le retravailler et comme ça ne fait que deux ans que j’ai arrêté mon métier de prof, avant je n’avais pas eu vraiment le temps. Et là il y avait une sorte de creux entre deux livres. Après on la trouvait plutôt jolie, qui est un roman un peu différent par rapport aux précédents, je trouvais que Sang famille trouvait bien sa place.

Pourquoi dites-vous de votre dernier roman Sang famille que c’est votre roman le plus personnel ?

Tout d’abord mes romans tournent plutôt autour de figures féminines, des mères ou des ados, là c’est un jeune garçon qui recherche son père. Ayant perdu mon père très jeune, lorsque je parle de Colin je peux parler de choses que j’ai ressenties, il y a en tout cas moins de distance. S’il n’ y avait pas eu Sang familleje n’aurais sans doute pas écrit les autres, il y avait une logique d’écrire d’abord ce livre pour pouvoir ensuite parler de la maternité, de la filiation. Ce roman oscille en permanence entre la légèreté et le drame, un peu comme l’adolescence où les choses peuvent être à la fois dramatiques et à la fois superficielles parce qu’on passe à autre chose, très vite. C’est pour ça que c’est personnel, c’est une façon de parler de l’adolescence de façon à la fois très détachée et à la fois très intime.

Vous rencontrez un très grand succès à l’étranger. Est-ce également le cas en Pologne ?

Oui, c’est mon 7èmelivre publié ici donc c’est un record par rapport aux autres pays. Et apparemment ça marche bien.

Est-ce qu’il y a une différence entre l’accueil que vos livres reçoivent à l’étranger et en France ?

La différence est qu’en France les romans policiers sont parfois considérés comme de la littérature secondaire. Ce qui n’est pas le cas à l’étranger où la touche française, le fait que l’histoire se déroule en France dans un univers un peu plus poétique sont très appréciés.Les auditoires sont plutôt flattés d’avoir un auteur français. Les journalistes ont l’impression d’avoir un auteur de prestige en face d’eux, ce qui n’est pas toujours le cas quand on m’interroge en France où on me parle davantage du nombre de ventes et pas forcément de la dimension littéraire du travail alors qu’à l’étranger c’est cet aspect qui est mis en avant.

Comment ressentez-vous l’adaptation de vos films à l’écran ? Plutôt un sentiment de fierté ou un certaine frustration de ne plus tout maîtriser et que votre œuvre ne vous appartient plus?

Pour l’instant c’est de la fierté, d’autant plus que la série Maman a torta été bien apprécié, je suis plutôt fier de ce qu’ils ont fait et les retours sont très positifs. Après je ne sais pas si les suivants seront aussi fidèles, réussis ou pas. Il y a une forme de fierté c’est sûr mais il y a aussi une forme de détachement. Quand le livre est terminé, il n’appartient plus vraiment à l’auteur. Quand j’ai une histoire dans la tête, la seule façon de la sortir de sa tête, c’est vraiment de l’écrire. Ensuite c’est comme des enfants qu’on aurait élévés et qui partent vivre leur vie. Je regarde ce qu’ils font mais ce ne sont plus les miens.

Tant qu’on n’a pas écrit l’histoire on se pose plein de questions et une fois gravée dans un livre on ne peut plus y toucher et tout comme les lecteurs vont avoir leur propre lecture un scénariste aura la sienne.

Quels sont vos prochains projets littéraires ?

Un recueil de contes pour enfants va sortir début novembre. Le prochain roman verra le jour au mois de mai prochain, je travaille dessus donc je suis dans la phase d’angoisse où je ne dis rien à personne et je travaille tout seul dans mon coin en me disant que ça va être un bide monumental mais néanmoins je m’accroche à mon idée. Des adaptations en bandes-dessinées, notamment Nymphéas noirs, sont également prévues.

Quel est votre dernier coup de cœur littéraire?

J’ai beaucoup aimé Petit Pays de Gaël Faye.


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