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Adriana Brandao : "Entre 1964 et 1985, Paris a été la capitale des exilés brésiliens"

Marie Torres - 3 décembre 2019
Née au Brésil, Adriana Brandão, docteur en histoire, est venue en France en 1990 pour faire une thèse sur le paysage audiovisuel alternatif brésilien. Depuis, elle est installée à Paris, travaille à RFI et vient de publier "Les Brésiliens à Paris". Rencontre.

Micmag.net : Pourquoi un livre sur la présence des Brésiliens à Paris ?

Adriana Brandão : C'est une commande des Editions Chandeigne. Cet ouvrage est le deuxième d'une série qui a commencé avec Les Portugais à Paris, un livre qui s'imposait, les Portugais étant la plus grande communauté étrangère en France.

M. : Concernant les Brésiliens ?

A.B. : C'est la permanence des échanges entre le Brésil et la France, qui est au coeur de cet ouvrage. Cette relation est née au XVIe siècle, date à laquelle le Brésil est entré dans la mapemonde. Depuis sa "découverte"par les Portugais, les Français l'ont fréquenté et ont noué des alliances avec les Indiens, qui sont les premiers à être venus à Paris. Il y a d'ailleurs une légende qui raconte qu'un couple, une Indienne, Paraguaçu, et un aventurier Portugais, Diogo Alvares, ont débarqué en France en 1528. Accueillis par Henri II et Catherine de Médicis, la jeune indienne a été baptisée du nom de Catherine Alvares par la reine. Ce mythe symbolise la rencontre et le rapprochement du Nouveau monde et du Vieux monde : la première lignée des Brésiliens a commencé par l'union d'une Indienne et d'un Portugais avec la bénédiction de la France.

M. : Et après l'indépendance ?

A.B. : Après l'indépence, en 1822, les Brésiliens ont été plus nombreux à quitter leur pays pour s'installer en France car c'est ici qu'ils ont trouvé le modèle qu'ils cherchaient pour développer leur identité.

M. : Cet ouvrage a dû nécessiter un énorme travail !

A.B. : Oui, la commande du livre a été passée en 2014. Nous avons aussitôt établi une liste exhaustive des Brésiliens qui sont passés par Paris mais, derrière, il y a eu presque 5 années de travail.

M. : Des recherches difficiles ?

A.B. : Heureusement que nous sommes à Paris ! Le fonds de la Bibliothèque Nationale est incroyable. Ce qui m'a beaucoup aidé c'est qu'il y a une réelle tradition universitaire entre la France et le Brésil ; beaucoup de thèses sur les Brésiliens qui sont venus en France et sur les Français qui sont allés au Brésil. Toutes n'ont pas été publiées mais beaucoup d'entre elles ont été soutenues en France, elles sont donc disponibles ici. Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF, m'a aussi était d'une grande aide.

Il existe également une plate-forme en ligne, issue d'un partenariat entre la BNF et la Bibliothèque nationale du Brésil, qui propose des documents sur la relation entre les deux pays. Bien sûr, j'ai lu de nombreuses biographies de Brésiliens qui sont passés par Paris comme Jorge Amado dont les mémoires ont été écrites dans son appartement parisien.

M. : Dans toute cette somme d'événements, il y a-t-il un fait qui vous a particulièrement touchée ?

A.B. : Oui j'ai été impressionnée par la présence des Brésiliennes à Paris. Depuis le XIXe siècle, les plus indépendantes sont venues chercher la liberté qu'elles n'avaient pas dans leur pays, machiste et patriarcale. Je pense à l'écrivaine et poétesse, Nisia Floresta, considérée comme la pionnière du féminisme brésilien, qui entretenait des liens avec des intellectuels comme George Sand, Victor Hugo, Alexandre Dumas père, Alphonse de Lamartine et surtout Auguste Comte. Enormément de femmes ont quitté le Brésil pour échapper à la chape masculine qui les empêchait de vivre leur vie.

Plus tard, au début du XX e siècle, ce sont les militantes communistes qui sont arrivées. Leocadia Prestes, la mère d'un grand leader communiste, a mené à Paris une campagne internationale pour la libération de son fils emprisonné au Brésil et de sa belle-fille juive déportée dans un camp allemand. Elle n'a malheureusement pû sauver que son fils et l'enfant que sa belle-fille avait eu dans une prison allemande.

M. Vous évoquez aussi les nombeux exilés politiques ?

A.B. : Oui, entre 1964 et 1985, époque de la dictature militaire, Paris a été la capitale des exilés brésiliens. Un des premiers a été l'ex-président Juscelino Kubitscheck, le bâtisseur de Brasília, qui a beaucoup souffert de son exil à Paris où il a passé une année. J'ai découvert une lettre qu'il avait adressée à ma grand-mère, ils étaient de la même ville. J'ai d'ailleurs reproduit, dans mon ouvrage, le passage où il parle de la tristesse de son exil, de l'injustice que les militaires lui ont infligée, une lettre assez belle. Un souvenir personnel...

Rencontre-débat autour du livre Les Brésiliens à Paris, le jeudi 12 décembre 2019 à 19 h 00 ; En présence de l'auteur Adriana Brendao, de Gilles Lapouge, écrivain et journaliste et d'Hélène Laurent, enseignante à la librairie brésilienne et portugaise 21 Rue des Fossés Saint-Jacques, 75005 Paris. Pour en savoir plus, ici.

Lire aussi, Les Brésiliens à Paris

Marie Torres pour www.micmag.fr
Les Brésiliens à Paris au fil des siècles et des arrondissements
Adriana Brandao
Préface Gilles Lapouge
Editions Chandeigne, Octobre 2019
23 euros

Les Portugais à Paris, au fil des siècles et des arrondissements
Agnès Pellerin , Anne Lima , Xavier de Castro
Illustrateur : Irène Bonacina
Editions Chandeigne, 2009
23 euros

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