Biarritz (France) - 

Biarritz 2014 : Surf festivalier sur les cultures d’Amérique latine

Brigitte Berganton - 
Cela fait 23 ans que le festival de Biarritz prend la vague, donnant à l’écho de l’océan celui de ses salles obscures et de son village afin que le soleil biarrot ne soit pas seulement sur le sable mais aussi dans les trésors pêchés de-ci, de-là des Caraïbes au cône sud.

L'Abrazo à Laurent Cantet

Le festival Biarritz-Amérique latine a refermé ses portes sur un Palmarès éclectique parmi les catégories habituelles regroupant 10 longs métrages, 10 courts métrages et 12 documentaires.

Concernant les longs, le dernier film de Laurent Cantet “Retour à Ithaque” a obtenu l’Abrazo (récompense majeure du festival). Cela peut surprendre car le public le connaît surtout depuis sa Palme d’Or au Festival de Cannes en 2008 pour “Entre les Murs”. Pourtant, en 2012, il réalise aussi l’un des chapitres du film “7 Jours à La Havane” (selection officielle Un certain regard à Cannes). Et c’est à partir de là que le sujet de son dernier film émerge. Mais la matière est trop dense et c’est donc plus tard qu’il reviendra à ce sujet qu’il souhaitait traiter, avec comme co-scénariste Leonardo Padura (qui déjà avait chapeauté les 7 courts). Comme souvent dans le cinéma de Cantet, il s’agit d’une bande, à la moyenne d’âge un peu plus soutenue cette fois, (5 grands amis de 50-60 ans), tous des acteurs professionnels reconnus. L’espace d’une nuit de retrouvailles sur un toit-terrasse autour du retour d’Espagne de l’un d’eux, Amadéo, après 16 ans d’exil vont évoquer les espoirs, les désillusions et l’aigreur de leur génération rivée à la révolution cubaine. Règlements de compte au coeur de fortes amitiés que nous livrent avec justesse leurs témoignages implacables. Le scénario a été accepté par les autorités cubaines malgré son ton très critique, ce qui lui permettra peut-être de faire partie de la sélection du prochain festival de La Havane. Laurent Cantet, informé du prix qui lui était décerné, s’est fait un mot d’excuse incontournable : Son mariage ! Tous nos voeux de bonheur donc et rendez-vous en décembre pour la sortie du film en France.

José Luis Valle, de nouveau primé

Quant au Mexique, pays à l’honneur cette année, un seul long métrage en noir et blanc le représentait, “Las Busquedas” de José Luis Valle (Prix du jury). Ce deuxième long métrage, après “Workers” (primé en 2013 à Biarritz), est un véritable défi puisqu’il a été tourné en une semaine, sans argent, autour de 5 personnages et avec une équipe de 4 personnes. C’est effectivement un film sobre et minimaliste mais bien dirigé, avec de belles images qui réussit à aborder autour de deux destins croisés les thèmes de la vengeance, de la solitude et de la rédemption. Le réalisateur qui travaille actuellement sur son troisième long métrage a également obtenu une résidence à Lizières.

Erica Rivas & les 2 "Mr Kaplan"

Revenons un instant sur le film d’ouverture “Relatos salvajes” de Damian Szifron (Argentin), très remarqué déjà à Cannes et sacré par le public de Biarritz… Son actrice, Erica Rivas, remarquée notamment dans le très explosif mariage juif, dernier opus de ce bouquet aux limites de la civilisation et de la barbarie, a reçu le Prix d’interprétation féminine. Celui de l’interprétation masculine a été dédoublé pour saluer le duo d’acteurs de “Mr Kaplan”, Hector Noguera et Nestor Guzzini. Ce film uruguayen d’Alvaro Brechner est le deuxième long métrage de ce réalisateur prometteur qui parvient à aborder un thème grave sur le ton de l’humour, notamment les anciens Nazis réfugiés en Amérique latine.

La grande salade argentine...

Et le 1er film de l’Argentin d’origine taïwanaise, Juan Martin Hsu, « La Salada » a été retenu après moult débats par le Syndicat français de la critique de cinéma. Le sujet aborde sous forme de mosaïque l’immigration, la solitude et le déracinement à travers trois histoires et l’itinéraire de personnages d’origines diverses dans un marché couvert de Buenos Aires. Plein de sensibilité, ce film est néanmoins trop intimiste pour donner réellement un panorama sociologique de la situation.

Les oubliés, 1 court, 3 docs, Littérature & Musique !!...

En revanche, deux autres films auraient aussi bien pu trouver une meilleure place dans le festival : « Los Hongos », 2è long métrage du Colombien Oscar Ruiz Navia, sorte de radiographie emprunte de poésie du monde du graffiti à Cali et « Refugiado » de l’Argentin, Diego Lerman, l’histoire touchante d’une jeune-femme qui échappe à la violence conjugale en prenant la fuite, emportant son fils de 7 ans avec elle. Mais celui-ci est déjà un troisième opus et l’on sait que Biarritz favorise les jeunes réalisateurs.

Côté documentaires, trois d’entre eux méritaient vraiment le détour : « Café » du Mexicain Hatuey Viveros Lavielle, portrait d’une famille indigène productrice de café sous un regard intime et contemplatif ; « Poder e impotencia, un drama en tres actos » d’Anna Recalde Miranda, italo-paraguayenne sur les coulisses du pouvoir au moment où le Paraguay vit une période historique avec l’arrivée de Fernando Lugo « evêque des pauvres » après 61 ans de dictature et enfin « Mercedes Sosa, la voz de latinoamérica », documentaire musical sur l’incontournable chanteuse argentine (chacun des trois fut récompensé).

Pour ce qui est des courts métrages, « Padre » de Santiago Bou Grasso (Agentine) a été plebiscité.

Mais l’arbre de vie mexicain, symbole graphique de cette dernière édition du festival (sûrement en référence à l’arbre de Tule, un cyprès de Montezuma, Oaxaca, Mexique, le plus gros arbre qui aurait plus de 2000 ans) a donné d’autres fruits… Outre les films où l’on a retrouvé Maria Felix, l’icône mexicaine mise à l’honneur cette année, l’on a découvert une très belle expo photo plutôt informelle, en N&B “La diva a través la Mirada de Hector Garcia”. La littérature était à l’honneur aussi avec l’hommage à Octavio Paz présenté notamment par Alberto Ruiz Sanchez et le retour sur l’oeuvre de José Luis Borges présenté par son ex-compagne, écrivaine, traductrice et professeur, Maria Kodama. Tandis que rencontres et dédicaces se déroulaient autour des écrivains contemporains invités, Patrick Deville et Atiq Rahimi (également à la tête du Jury des longs métrages).

Mais ce kick out (sortie de vague par la crête en s’éjectant derrière la vague, utilisé lorsque la vague ferme) ne saurait être complet sans accorder une mention spéciale à un groupe vénézuelien au noyau dur issu de trois continents différents (Europe, Afrique et Amérique latine), “Family Atlantica” qui a mis Biarritz en transe la première nuit d’octobre au rythme de son funk tropico-psychédélique !...

Brigitte Berganton



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