Paris, XIe arrondissement - Reportage

Témoignage d'un journaliste de Micmag présent le soir du massacre dans le XIe arrondissement à Paris

Stephane de Langenhagen - 14 novembre 2015
Le soir du vendredi 13 novembre 2015, sept kamikazes mandatés par l'État islamique font un carnage dans Paris. Leur cible : des terrasses de restaurant et des lieux de spectacle fréquentés par Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Témoignage de notre rédacteur, retranché dans une salle de concert.

Le Petit Baïona à Paris XIe, le lendemain des attaques du 13 novembre - Photos : Stephane de Langenhagen

Ce soir, sur scène, Moh Kouyaté est déchaîné. Le show hyper pêchu que le chanteur et guitariste guinéen a peaufiné au fil des ans, fait chalouper le public du Pan Piper, une nouvelle salle de spectacle située dans le haut du XIe à Paris.

Insensible à cette énergie contagieuse, mon voisin a les yeux rivés sur son smartphone. Il est 22 h 30 ce vendredi 13 novembre 2015 et je décide, un brin énervé, de quitter le concert.

À ma grande surprise, alors que le show est loin d'être fini, la salle s'est déjà vidée d'une partie de ses spectateurs que je retrouve tous dans le hall, suspendus eux aussi à leur téléphone. La porte est close, plus personne n'entre ni ne sort.« Par mesure de sécurité », me dit un membre du staff, m'informant que des évènements dramatiques sont en train de se dérouler à quelques rues de là.« Trop dangereux : une voiture circule dans le coin avec des individus qui tirent sur les passants et les gens attablés aux terrasses ». L'ordre, venu du commissariat, s'applique à tous les lieux de spectacle dans Paris. J'apprends aussi qu'il y a eu une prise d'otages au Bataclan et des explosions au Stade de France, en plein match France-Allemagne. Les premiers chiffres morbides commencent à circuler : 18 morts. Mon corps se révolte et prend la mesure de la tuerie. L'enfermement devient insupportable, impossible de rester en place. Comment réagir face à toutes ces horreurs que nous avons créées ?

Une fois le concert terminé, le public se retrouve disséminé entre la salle de catering, les couloirs, l'escalier, le fumoir, la terrasse et le spacieux salon de conférence. Chacun est figé, concentré sur les infos, conscient que dehors se joue quelque chose de terrible. Le temps de l'assimilation, de la digestion, avant le temps du partage. Le patron des lieux, qui avait pris soin de prendre le micro avec le tourneur pour expliquer d'une voix rassurante pourquoi nous étions enfermés, revient vers nous pour nous offrir un open-bar soft.

Paris a des allures de ville fantôme

Vers 23 h 30, le Brésil m'appelle et me demande une intervention en direct surTV Globo. J'explique après le discours en direct de François Hollande, dont le monde entier attend la première réaction, où je me trouve et quelle est notre situation. Peu après, au Bataclan, l'assaut est donné. Les téléphones vibrent à qui mieux mieux et nous passons notre temps à rassurer nos proches. Des musiciens présents parmi le public improvisent une jam session pour quelques spectateurs restés dans la salle.

Soudain c'est le soulagement : au Bataclan, l'assaut est terminé, nous voilà libres de sortir par petits groupes. Nous remercions l'équipe du Pan Piper pour leur professionnalisme et tout particulièrement Alain Paré, son directeur, qui nous raccompagne jusqu'à la rue et nous invite à rester vigilants car nul ne sait encore combien de tueurs ont mené cette attaque et s'ils ont tous été neutralisés. Je récupère ma voiture garée rue de la Roquette pour une traversée de Paris qui a pris ce vendredi soir des allures de ville fantôme.

Je retrouve le lendemain des journalistes du monde entier, venus pendant la nuit installer leur caméra aux abords des lieux des massacres de la veille : devant le Stade de France (Saint-Denis); rue Bichat, rue Alibert et rue de la Fontaine-au-Roi (Xe) où l'on a tiré sur les clients du Petit Cambodge, du Carillon et de la Casa Nostra; rue de Charonne (XIe) à proximité de La Belle Équipe et du Petit Baïona, où des flaques de sang remplissent le caniveau, et surtout boulevard Voltaire (XIe) face au Bataclan où un véritable carnage a eu lieu durant le concert sold out des Eagles of Death Metal« J'ai entendu une rafale, j'ai d'abord pensé à des pétards en rapport avec le match », raconte Paul, un habitant du boulevard Richard-Lenoir voisin. « Puis de nouveau des tirs, suivis par les hurlements des sirènes des pompiers, du SAMU et de la police. »

Le bilan provisoire est effroyable : 129 morts, 350 blessés dont 99 dans un état critique. L'œuvre de sept kamikazes, dont six qui se sont fait exploser. L'état d'urgence est déclaré sur tout le territoire, les lieux publics et de grand rassemblement resteront fermés pour le week-end.


Stephane de Langenhagen pour www.micmag.net




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