11-01-2012 17:04:51

Nouveau pôle musique aux Puces de Saint-Ouen

Le "Carré musique" du marché Dauphine des Puces affiche complet. Une dizaine de disquaires, libraires, marchands de matériel Hi-Fi..., se partagent dans un esprit bon enfant cet espace gris métal. L'atmosphère underground tranche avec le classicisme de la halle Dauphine.

Texte & photos Iris Sergent

Vous ne pouvez pas vous tromper. Le "Carré Musique" se démarque du marché Dauphine, cette grande bâtisse à la structure métallique verte. D’ailleurs, contrairement au reste de cet espace, le Carré a été repeint en gris... Situé au premier étage de la halle, une dizaine de "puciers" se partagent l’endroit dans un esprit bon enfant et quasi familial. Qu’ils soient disquaires, libraires, fripiers ou vendeurs de matériel de musique, ils ont tous en commun d’être animés par leur passion. Ici, personne ne se marche sur les pieds, chacun a sa petite spécialité : black music, jazz exotique, psyché, reggae, bandes dessinées, matos de musique… font bon ménage. Ouvert du samedi au lundi, les acheteurs sont tantôt des flâneurs piqués de curiosité, tantôt des amateurs avertis. Pour Vincent, spécialisé dans le vinyle anglais, "le fait qu’il y ait plusieurs boutiques de vinyles et d’instruments, de Hi-Fi… fait que les gens reviennent aux Puces pour la musique, alors que ça avait été délaissé pendant 10 ans".

"Le fait d’amener de la Hi-Fi sur un marché d’antiquaire, c’était de la piraterie"

Quand Hugues, président du marché Dauphine et à l’initiative du Carré, s’est installé en 2006, l’idée était de dédier cet espace au design 60-70’s. "Le fait d’amener de la Hi-Fi sur un marché d’antiquaires, c’était de la piraterie : je voulais faire comme un complément d’objet avec le design 60-70. Au début, je ne ramenais que des trucs un peu lookés… puis j’en suis venu à la Hi-Fi avec une plus-value technique. Un an plus tard, j’ai ouvert un autre stand en face. Quand j’ai ouvert ici, c’était pour vider le garage. Puis j’avais une vague envie de ramener cette came-là au même niveau que l’antiquité". Mais comme l’essentiel des puciers qui se dédient aux antiquités de ces années boudaient le marché Dauphine, Hugues a ramené ses potes. "Je commençais à en avoir marre de rester tout seul : ça a duré 4 ans. Tout était "rideau fermé". Aujourd’hui, on peut considérer que le Carré existe, même si l’idée de base de faire du design a été lâchée. Il est complet depuis hier", nous confie-t-il. Zoran est le second disquaire à s’être installé dans le Carré. Sa passion, la "black music". "Je suis arrivé par hasard. J’ai une grosse collection de disques à la maison et j’avais envie de réduire le stock. Cédric, par amitié, m’a dit de prendre un stand. Comme ce n’est pas un gros risque, que les baux sont précaires et que tu peux partir quand tu veux, je me suis lancé. Et puis, je me suis pris au jeu. J’ai installé mes disques puis, petit à petit d’autres et finalement, je suis resté : les gens sont sympas, c’est un village, on s’entend bien. Ma profession, c’est plus la Hi-Fi, donc j’ai fait un côté disque et un côté matériel : c’est un mix des deux. La musique a toujours été une passion".

"Je suis le seul en France à faire du documentaire en vinyle"

Mais le Carré est aussi le lieu de toutes les bizarreries. Marcel, 65 ans, qui a rejoint le Carré samedi dernier, est un spécialiste des documents sonores. "Je suis le seul en France à faire du documentaire en vinyle. Ça se vend mal. Mais aujourd’hui, j’ai vendu un Louis Ferdinand Céline très cher, 200 euros. J’ai à peu près 1 000 disques de sportifs : le premier disque de Casus Clay (Muhammad Ali) : ça vaut 500 euros. Il chante très bien". Et c’est vrai que l’on est surpris par cette caverne d’Ali Baba où chants anarchistes côtoient ceux du IIIème Reich, où l’on peut s’offrir un discours de Jean Jaurès, du maréchal Juin ou du général Charles De Gaulle…où Kafka, Popof ou les Charlots vous feront mourir de rire. Et puis, une étonnante librairie qui au-delà de l’occase distribue un certain nombre d'éditeurs indépendants, difficilement trouvables en France. "Ce sont Hugues et Cédric qui nous ont contactés. Ils nous ont proposé de venir ouvrir une librairie pour diversifier ce que proposaient les autres magasins dans la mesure où l’on est sur le même créneau, c’est-à-dire dans la période 60/90's, mais pour le livre. Notre spécialité, c’est de la BD. Mais on essaye aussi de mettre en avant tout ce qui est "indé". Ce sont des livres qui sont en général tirés à 500 exemplaires …. Les gens qui recherchent ce type de livres sont peu nombreux, ce sont souvent des graphistes, des photographes, des gens qui s’intéressent au dessin, à la sérigraphie, des livres difficiles d’accès : il peut y avoir une histoire mais sans texte, pourtant il y a une continuité narrative. Pour nous, c’est de la BD, même si le lecteur de BD conventionnel est un peu perdu de prime abord. Après, quand on peut séduire des personnes qui n’ont pas l’habitude de ce genre de livres, on est content. On prend plaisir à leur expliquer… mais c’est rare".

Petite enquête sur le vinyle - Vincent, disquaire "anglais" du "corner" et ses bons tuyaux :

Micmag : quel type de vinyle est le plus recherché ?

Vincent : le rock, c’est ce qui est le plus demandé par les touristes, donc tous les disquaires ici essaient de jouer le jeu…

Micmag : qui sont les acheteurs ?

Vincent : dans les années 90-2000 le vinyle tenait plus grâce aux deejay’s, mais aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont uniquement sur ordinateur. Après, il y a les aficionados qui n’ont toujours pas lâché : là, c’est les plus de 35-40 ans ; puis après, il y a les néophytes qui ont 18-20 ans et qui ont envie de se faire un petit pan de mur à la maison avec du Beatles, du Pink Floyd, du Gainsbourg….

Micmag : combien faut-il investir pour se faire une petite collection ?

Vincent : pour se faire une petite collection, il faut compter en moyenne entre 5 et 30 euros le disque, sachant qu’il y a des disques pas courants qui peuvent monter à 200, 300, 1 000 euros… Après, on fait une petite moyenne à 15 euros le disque car souvent quand on débute on n’est pas très exigeant sur le pressage, la rareté…. Si on commence par les Brel, on peut en ramasser facilement en brocante ou dans les boutiques où ce n’est pas trop cher. Après, si on veut finir la collection, il va en manquer un ou deux et si on n’est pas trop patient, on va aller les acheter un peu plus cher. Si on a 500 disques à 15 euros, ça fait déjà un beau petit prix.

Micmag : comment les dealers de vinyles s’approvisionnent-ils ?

Vincent : la manière dont on travaille beaucoup, c’est qu’on rachète des lots ou des collections : plus on achète en quantité moins le prix va être élevé. On a la capacité à mettre un gros billet d’un seul coup : des gens qui veulent se débarrasser de collection, des disquaires qui ont fermé, des maisons de disques. Il y a eu beaucoup à l’époque le phénomène des boites de nuit, mais maintenant c’est fini. Nous on rachète essentiellement des collections, des lots. On passe aussi par d’autres dealers : par exemple mon patron voyage beaucoup dans le monde et il y a des entrepôts façon Ikea mais avec que du vinyle.

Micmag : Comment se fixe la cote d’un disque ?

Vincent : le prix d’un disque se fixe uniquement selon la loi de l’offre et de la demande. Plus un disque est rare et recherché, plus son prix va être élevé, même si la qualité est moyenne. Il va voir sa cote s’enflammer et pourra passer de 10 à 200 euros en très peu de temps.

Micmag : y a-t-il un style de disque qui intéresse plus les collectionneurs ?

Vincent : les disques de jazz et de rock. Pour le jazz, c’est souvent une clientèle un peu aisée qui peut se permettre de spéculer : plutôt des blancs, plutôt âgés, avec une situation professionnelle assise… un disque vaut cher parce que les gens sont prêts à y mettre le prix. Néanmoins, les disques les plus chers dans le monde sont des disques de rock et d’artistes dont il y a d’immenses fans clubs : les Rolling Stones, les Beatles, Pink Floyd …, là, les prix sur certains disques peuvent monter à plusieurs milliers de dollars.

Photos : Iris Sergent

Vignette : Hugues, à l'initiative du Carré.

Galerie 1 : la librairie du Carré, où vous trouverez, en plus des livres en                              occase, quelques éditeurs indépendants comme les Editions de                     La Cerise ou Anathème

Galerie 2 : disque de Sun-Ra, colorié par le musicien lui-même, plus de 200                      euros

Galerie 3 : prise de vue du Carré depuis le stand de Hugues

Galerie 4 : Fred nous présente le disque "4 Lica Jazza", jazz exotique des                        Balkans, environ 250 euros

Galerie 5 : chants du IIIème Reich

Galerie 6 : mur de curiosités sonores : les chants anarchistes côtoient les                          discours du général De Gaulle, un documentaire sonore sur                                Tabarly ainsi que sur la confédération américaine

Galerie 7 : Muhammad Ali, une voix de la boxe...

Galerie 8 : autre curiosité, chansons dédiées aux routiers...

Galerie 9 : Marcel et son acolyte fêtent l'ouverture de leur stand au Carré.

Galerie 10 : Vincent, le disquaire "anglais"

Galerie 11 : prise de vue du Carré

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