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Un éloge de la marche et de la verticalité

Marie Torres - 31 mars 2923
Avec ses citations sur l’art, la nature, ses rencontres, ses évocations littéraires, son ton très personnel, et son aspiration à une certaine verticalité, le nouveau livre de Patrick Tudoret, « En marchant, petite rhétorique itinérante" (Ed. Tallandier), est un vrai régal.

Micmag : « La marche est plus une mise en mouvement de l'âme et de l'esprit que du corps lui-même », lit-on sous votre plume. Qu’est- ce que cela signifie pour vous ?

Patrick Tudoret : Avant tout, que la part physiologique de cette activité qu’est la marche est certes importante - mobilisation du corps, des muscles, de nos cinq sens et, bien sûr, du cerveau -, mais que ce qu’elle recèle de fondamental, c’est l’exaltation de l’esprit et de ce qu’il y a de plus profond en nous. La marche, bien que très naturelle pour l’humain, est une ascèse, une manière de faire un pas de côté, de se détacher du monde et de ses contingences trop souvent étouffantes (matérialisme mortifère, narcissisme exacerbé, délire individualiste et identitaire…) pour lui redonner une vraie profondeur de champ. En outre, il faut à l’Homme un au-delà de l’Homme, un plus grand que lui qui lui donne sa vraie dimension. Cet au-delà de lui-même, il le trouve souvent sur les chemins, c’est la force-même des pèlerinages comme celui de Compostelle que j’évoque largement dans le livre pour en avoir fait quelques tronçons, faute de temps nécessaire, je reste un Jacquet * contrarié ou inachevé, comme on voudra. Enfin, mon livre est un éloge de la verticalité dans un monde où l’horizontalité règne, un éloge de cette spiritualité qui nous est si vitale.

Micmag : « La marche est comme l'art, inutile », dites-vous…

P.T : Oui, parfaitement inutile et c’est ce qui en fait le prix. C’est parce qu’il est « inutile » que l’art est vital, parce qu’il nous permet d’accéder à une dimension supérieure, à faire de nous des êtres dignes de la station debout conquise de haute lutte, depuis des millions d’années. La marche nous permet d’accéder à cet essentiel que sont les trois grands luxes que je vois dans le monde. Un grosse bagnole chromée, une breloque de marque attachée au poignet ne sont pas des luxes, mais des manifestations de la vanité. Non, les seuls vrais luxes en ce monde sont : le temps, l’espace et le silence, et la marche, comme j’ai eu la chance de la pratiquer dans le monde entier, ou même au coin de la rue, permet de renouer avec eux. Elle est aussi l’art du délestage, de se désencombrer de tout ce qui nous plombe pour accéder à la « liberté libre » chère à Rimbaud, grand marcheur lui aussi…

Micmag : Peut-on marcher en ville ?

P.T : Oui, bien sûr. Non seulement on le peut, mais j’ai voulu dans ce livre réhabiliter la marche urbaine. Nul n’est besoin d’aller loin sur cette planète pour marcher, c’est l’activité potentiellement la moins coûteuse qui soit. On peut aller marcher près de chez soi en pleine campagne, mais aussi dans la ville que l’on habite et se délecter des merveilles architecturales qu’elle recèle par exemple. J’ai ainsi marché à Shanghai, à Hanoï, à New York, mais aussi à Londres, à Rome, et bien sûr à Paris. Rappelons-nous Apollinaire, « Le flâneur des deux rives » qui écrivait en marchant ou Léon-Paul Fargue, « Le piéton de Paris »…

Micmag : Comment faire si l'on souhaite s'y mettre ?

P.T : Rien de plus simple, la mécanique vient toute seule, il suffit de mettre un pied devant l’autre et cela peut se faire n’importe où et n’a rien de coûteux, c’est même l’activité de plein air la moins chère qui soit… Même si le paysage n’est pas exceptionnel, c’est avant tout le paysage intérieur qui importe, ce que l’on est et ce que l’on devient en marchant. Les sciences cognitives ont, d’ailleurs, montré que le bienfaits de la marche étaient considérables pour notre métabolisme. C’est pourquoi, je n’hésite pas à comparer la marche - avec son exaltation du corps, la maîtrise de la respiration qu’elle exige, son déploiement d’énergie et sa dimension méditative - à un art martial interne, comme le Tai Chi…

NDLR : Celui qui a accompli le pèlerinage de Saint-Jacques

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Marie Torres pour www.micmag.net
En marchant ! Petite rhétorique itinérante
Patrick Tudoret
Editions Tallandier, 2023
19,90 euros
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