- Portraits

Yann Arthus-Bertrand « En France, on est un peu cynique, un peu sceptique »

Jérémy Patrelle-lepetitjournal - 28 septembre 2015
À 69 ans, Yann Arthus-Bertrand continue son combat pour une planète plus concernée, plus juste, plus fédératrice. Son nouveau film documentaire « Human », en salle depuis le 12 septembre et diffusé sur France 2 le 29 septembre. Entretien.

Le nouveau film documentaire « Human » de Yann Arthus-Bertrand narre pendant trois heures et dix minutes le quotidien des êtres humains, pauvres, aux quatre coins du monde. Avec émotion, tristesse, bonheur, sourires, violence, ils évoquent leur histoire, leurs manques, l’amour, la pauvreté, les relations humaines. Et l’espoir, l’utopie diront certains : celui de voir le monde prend enfin la destinée de l’humanité.

lepetitjournal.com : Si Human dure plus de trois heures, vous avez pourtant dû sacrifier quelques-uns des milliers de témoignages recueillis. Comment les avez-vous sélectionnés ?
Yann Arthus-Bertrand : C’est un choix artistique, et d’intérêt personnel aussi. Il faut faire des concessions et je prends ce qu’il y a de mieux, en discutant avec mon équipe. C’est aussi un film politique, il y a donc des engagements dedans. Il y a des choses que je pense qui ont été dites par certaines personnes, elles sont dedans. Le choix est compliqué, certes, mais nous le savions avant.

Human est plutôt raccord avec l’actualité concernant les migrants…
Oui, mais l’actualité c’est aussi la guerre en Syrie, en Irak. Et puis, il faut savoir que nous travaillons depuis longtemps sur ces réfugiés. Selon nous, la question est simple : on peut se demander aujourd’hui si on a pas trop de choses. Moi je pense que oui. Ce film est sur le partage. Notre monde est compliqué, nous avons trop de choses à disposition, il faut apprendre à partager. Ces gens qui arrivent, il va falloir partager avec eux. Cela va être compliqué, je n’ai pas la solution pour que tout se passe bien. Mais je pense sincèrement qu’il va falloir tout partager. 

Dans le documentaire, de nombreux témoins parlent de vouloir laisser une trace dans la vie. Ce film, comme vos œuvres précédentes telles que La terre vue du ciel (2004), Home (2009), représente votre trace ?
Une trace, je ne sais pas… C’est important de faire des films que tu aimes et d’envoyer les sentiments que tu as. Je dénonce ici des choses, cela ne plaira pas à tout le monde comme par exemple les pays où l’homosexualité est interdite. Bravo d’ailleurs à Ban Ki-Moon d’autoriser que l’on passe Human au cinéma chez lui, en Corée du Sud. Il faut assumer ce que l’on pense.

Vous êtes-vous entretenu avec le gouvernement français pour ce film ?
Non. Je les connais tous, pourtant. J’étais même invité au lancement de la COP 21, la Conférence Paris Climat. Mais je n’ai rien à leur demander. C’est un film que j’ai fait pour moi. Qu’est-ce que je vais changer dans ma vie ? Quelle est ma mission ? Ce ne sont pas les hommes politiques qui vont changer le monde, c’est moi. Je ne vais pas demander aux hommes politiques ce que je n’ai pas envie de faire. 

Ils pourraient pourtant vous aider, non ?
Ils font leur boulot comme ils peuvent et moi le mien comme je peux. Il y a longtemps que j’ai compris que les politiques n’allaient pas changer le monde. Surtout que l’on vit en démocratie avec des gens qui ont une vision électorale... Je vous avoue que cela ne doit pas être facile d’être homme politique. Je n’aimerais pas être à leur place. 


Vous qui avez voyagé aux quatre coins du monde, trouvez-vous, comme cela est souvent dit, que tout est toujours plus compliqué en France ?
Sur le film et la façon dont on travaille, c’est toujours un peu différent en France oui, car on est un peu cynique, un peu sceptique. Ici, j’ai une image pas forcément populaire. Je viens de la Mostra de Venise, j’ai fait 80 interviews, j’étais soufflé de la façon dont il parlait du film. Ils ne parlaient pas de moi mais du film, de son fond. Il y a un peu d’utopie là-dedans, d’essayer de faire un film un peu différent, mais c’est moi…

On sent que cela vous gêne de parler de vous…
On en parle déjà assez. Il y a forcément beaucoup d’ego dans ce film. Ce que je sais est que l’on a fait un film important. Il restera dans l’histoire du cinéma car il porte des valeurs importantes. Je reste là-dedans. Je pense que le film va marcher, va déranger. Mais il faut rester très modeste là-dessus, c’est important parce que ce que les gens nous ont dit est important.

Les images des paysages qui permettent de respirer entre les témoignages, parfois cruels, sont presque tout le temps retranscrites au ralenti. Pour quelles raisons ?
J’aime ces images. Ce moment de prendre le temps de voir, de comprendre. C’est comme cela que j’ai envie de voir le monde, de le contempler. Et puis je tourne depuis un hélicoptère et ça va très vite. Je n’ai pas le temps de voir. J’aime la lenteur. Et je trouvais qu’après ces interviews, on avait besoin de s’émerveiller, de respirer.

Y-a-t-il des endroits où vous n’avez pas pu aller filmer ?
À part dans l’espace, non ! Ce film nous dépasse en fait. On a l’impression que l’on a touché quelque chose. Et il faut savoir que l’on a utilisé une interview pour 1000, il nous reste tant de choses à montrer. Je n’ai évidemment pas pu tout faire, j’ai vu Bill Gates, Ban Ki-Moon, qui sont d’ailleurs moins intéressants que des gens simples, anonymes. Ban Ki-Moon est génial, très conscient des changements climatiques et des choses comme ça, mais il manque un peu de charisme. Il est difficile lorsque tu es un homme public de parler vrai, d’évoquer ta femme, tes enfants, tes peurs…
Pareil pour Bill Gates, qui est mon héros. Je rêvais de le rencontrer, ce mec qui donne sa fortune pour faire le bien de l’humanité… Mais il a été incapable de nous sortir un mot original. Ce genre de type est complètement coincé avec des gars de la communication derrière eux. Quand tu fais une indienne intouchable, il n’y a personne derrière. Et en même temps, c’est mon héros. Mais il n’a pas été bon pour mon film, tant pis ! 

Qu’allez-vous faire après ce grand projet qui vous a pris trois ans ?
Honnêtement, je ne sais pas. Ce film est tellement fort, puissant… Je vais sûrement continuer dans cette voie. J’ai encore des messages à faire passer, avec des gens qui parlent beaucoup mieux que moi. À un moment, un type m’a dit : « comment as-tu fait pour leur faire dire tout cela ? Il y avait un prompteur ? » Alors que non.

C’était aussi notre pensée parfois. Il y a aussi ces gens qui regardent la caméra quand vous survolez les paysages…
Les témoins regardent le traducteur, c’est tout. Le vrai problème, c’est vrai, ce sont ces personnes qui regardent alors que l’on leur dit de ne pas le faire. Comme les gens qui travaillent à Madagascar dans les mines, on leur disait de ne pas regarder. Parfois, on a même dû payer ! Pas grand chose, 50 ou 100 euros, qu’ils partagent entre eux.

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  • Aminata Zongo, Burkina Faso © HUMANKIND Production
  • Petronila Abreu, République Dominicaine © HUMANKIND Production
  • Amin Ali Djan, Afghanistan © HUMANKIND Production
  • Jacques Baudoin, France © HUMANKIND Production
  • Poonam Bhatt, Inde © HUMANKIND Production
  • Samuel MUSHIMI, RDC Congo © HUMANKIND Production
  • Salar d’Uyuni sur l’altiplano bolivien, Province de Daniel Campos, © HUMANKIND Production

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