19-09-2011 21:25:20

Marionnettes - Guerre d’Espagne : le silence en héritage !

"Mon père, ma guerre" de la compagnie Tro Héol revient avec finesse sur l'histoire de ces familles républicaines, qui endurèrent, après la victoire de Franco, humiliations et vexations ne laissant à leurs héritiers qu'un lourd silence...

Par Iris Sergent (Charleville-Mézières)


La marionnette ouvre un imaginaire merveilleux qui raconte avec pudeur

"Tant que l’histoire n’est pas racontée, les morts n’ont pas la paix et les pauvres sont pauvres de vérité".

Ainsi débute "Mon père, ma guerre", qui en intégrant à la troupe de comédiens des marionnettes, parvient à réécrire une page noire de l'histoire d'Espagne : les enfants arrachés aux familles, le viol des mères et la mort des pères. C’est une fable qui raconte, avec pudeur, le rêve déchu de tout un peuple : l’importance de l’instruction, de l’amour et de la liberté. C’est une fable qui raconte, avec finesse, le rôle des phalangistes, de l’église et des grands propriétaires terriens dans la victoire de Franco : des personnages drôles et grotesques, parfois terrifiants. C’est une fable qui raconte avec pudeur, le traumatisme d’un peuple, l’amnésie comme protection, sous le prisme de l’héroïne, la "Niña", petite marionnette débordante de vie et d’humanité...

La "Niña" a une petite bosse sur la tête. "On voulait jouer sur l’asymétrie. Les gosses ont une grosse bosse dans la tête parce que les enfants de rouges, on les appelait les enfants du "chichon" (c’est la bosse). Moi, ça me faisait penser à une histoire interdite qui prendrait le forme d’une extrapolation du cerveau, de la mémoire enfouie dans un coin " explique Daniel Clavo-Funes, co-fondateur de la compagnie Tro Héol avec Martial Anton.

Résilier le passé, les silences et les fantasmes

Daniel s’est imposé comme devoir "de résilier et nos parents, nos grand-parents" car c’est "quelque chose qui n’a pas encore été fait en Espagne : il y a eu la dénazification en Allemagne, il n’y a pas eu ce travail en Espagne. Il y a un gros tabou. Quelqu’un me demandait l’autre jour pourquoi nous avions voulu réactiver ce pan de l’histoire et je lui disais que nous ne réactivions pas, que c’était actif, même radioactif. Il nous semblait important de faire un zoom sur cette période au théâtre… il fallait que ce sujet soit aussi accessible aux enfants". 

La troupe a donc passé commande à l'écrivain Ricardo Monserrat, également héritier de ce silence lourd à porter, qui a inventé un texte magnifique pour raconter l’histoire de la mère de Daniel, incarné par la Niña. Pour Daniel, les silences de sa mère ont été source de nombreux fantasmes. "Je me suis toujours questionné sur ce qui est transmis ou non dans une famille. J’ai vu que ma mère était pleine de silences, de blessures, qui lui faisaient mal un peu partout. J’ai voulu savoir des choses simples, savoir qui était l’homme sur un tableau que nous avions. Elle m’a répondu que c’était son père mort en prison et c’est tout. Après, il y a eu les fantasmes : c’est mon grand-père… il est en prison : c’est un malfrat ! C’est quelqu’un de mauvais ?" "Ma mère a été traitée de fille de rouges partout dans le village. Elle a commencé à travailler à 9 ans chez le "señor" : elle était comme une esclave sans droit ni éducation. Elle a appris à avoir honte de son père. C’est pour ça qu’on ne m’a pas transmis l’histoire de mon grand-père".

La pièce est vécue au présent par les spectateurs, ressuscitant l’histoire, résiliant le passé. Lorsque la comédienne incarnant la mère de la Niña  entonne la Tarara (chanson populaire inspirée d'un poème de Garcia Lorca), une petite vieille, toute rabougrie par les années et dont les pieds ne touchent pas le sol depuis son siège, lui fait écho dans la salle qui se charge d’émotions : c’est une grand-mère espagnole qui fut peut être aussi une "Niña"… En effet "il n’y a pas au théâtre le filtre de l’écran comme au cinéma. Le public a son rôle à jouer" m'expliquent Martial et Daniel.

Un spectacle à portée universelle

A la fin, la Niña dit "ma victoire, vous la mesurerez en regardant mes enfants et mes petits-enfants". Pour Tro Héol, il est important que ce spectacle se produise en Espagne et partout dans le monde. "Ce n’est pas une histoire simplement espagnole. Cette histoire peut être transposée dans n’importe quelle société… nous traînons tous nos casseroles. En France, par exemple, il y a la guerre d’Algérie. Chaque pays a une histoire qui se cache. C’est universel".

Il convient donc de saluer cette remarquable création, à voir et à revoir, en France, en Espagne et où le vent la portera.

Photos : Christophe Raynaud de Lage






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