19-01-2011 15:49:07

L’avocat des temps nouveaux

Forêts de statuettes d’art tribal, objets insolites, l’appartement parisien du très médiatique avocat parisien Emmanuel Pierrat a quelque ressemblance avec le cabinet de curiosité du siècle passé au ton délibérément sulfureux.
Par Hélios Molina


Certains son nés sous la belle étoile d’une année libertaire. Emmanuel Pierrat est né deux mois après les contestations étudiantes de 1968 pour une certaine libération des mœurs. Fait du hasard ou pas, il y a chez lui une petite odeur de souffre et le besoin d’explorer les limites du politiquement correct. Il deviendra avocat, écrivain, éditeur et collectionneur et se fera connaître pour défendre les intérêts ou protéger des auteurs littéraires comme Michel Houllebecq, Christian Millau, etc. Spécialiste en droits d’auteur, et propriété industrielle, il part ainsi à la conquête de nouveaux marchés sur un vaste territoire (entre le Magreb et l’Indonésie) avec sous le bras des catalogues complets de films produits à Bollywood (Inde), des musiques ou des livres à traduire. Et le voilà sans cesse sur les routes, dans les avions, sur les chemins cahoteux. Un rythme de vie qui n’est pas pour déplaire  à celui qui se nourrit de ses aventures pour l’écriture des romans dont cinq  ont délà été publiés. D’une pierre, trois coups. Il plaide et discute les contrats, chine et relate certains faits. Emmanuel a certes tout pour plaire : bel appart parisien, belle gueule et belles collections.  Mais ce n’est pas un petit touche-à-tout, indolent et incolore qui tente de se faire entendre dans la « média-cratie » ou le très privé club des collectionneurs d’art premier.

le côté subversif du Vaudou

Bien au contraire, l’homme passionné, un tantinet provoc souhaite faire partager « le plaisir  et l’intensité de la chine », la lecture d’ouvrages disparus et de la collectionnite multiforme.  Il aime et revendique le côté  subversif dans le Vaudou ou l’érotisme lui qui a eu une éducation très religieuse. Art tribal à profusion dans le salon, les couloirs, la chambre à coucher, les bibliothèques. Et puis n’oublions pas les « à côté » : pipes à opium, objets curieux, tableaux, photos, dessins de curiosa, jetons de bordel, armes africaines, animaux empaillés dont le lama de Jean Richard qu’il avait dans sa roulotte, piles de livres qui attendent une place, cages à grillon, belle sacoche en cuir de postier, un moule à hosties d’André Breton ( deux plaques rectangulaires qui permettaient de cuire plusieurs hosties à la fois), éventail coquin, portrait de Lénine au dessus du lit (chiné en ex RDA directement à l’usine. Les ouvriers qui n’avaient pas reçu de salaires lui vendirent ce tableau accroché dans les bureaux). Arrêtons-là cet inventaire à la Prévert qui pourrait emplir des pages de notre magazine. Car outre son appartement débordant de vitrines, d’objets curieux et une forêt de statuettes et armes africaines, il y a les bureaux de l’avocat. 300 m2 sur le boulevard Raspail eux aussi arborant une foison de pièces. Et puis il y a les caves, sous des voûtes saines, l’homme stocke, range et compartimente des malles.

curiosa en famille

Cette abondance ou cette profusion sont loin d’être un frein à sa boulimie. Même sa secrétaire passe des ordres d’achat et surenchérit dans les ventes aux enchères en son absence. Il arrive aussi que son frère, féru autant que lui de curiosa veuille le devancer. Alors c’est une âpre discussion de fratrie.  Et Emmanuel qui chine aussi pour son père toujours en Afrique, raconte : « nous pratiquons la révise en famille… ce n’est pas illégal ! » Question budget, l’avocat peut se diriger vers des prix « déraisonnables ». « Je n’ai pas de budget officiel. Il n’y a pas de seuil que je ne franchisse. De toute façon tout collectionneur vit au-dessus de ses moyens, n’est-ce pas ? » Mais passé le cap des présentations, revenons au volet collections au pluriel et conditions d’acquisition. Car l’homme de 38 ans, de père chineur et frère lui aussi de la bataille en conte de belles histoires sur ses aventures au Benin, au Togo, en Angola dans les zones d’influence du Vaudou. Tout d’abord, son père vivait dans des pays en conflits comme l’Angola ou la Namibie. Et l’œil du jeune Emmanuel s’exerce à voir de près les traces d’outils, les objets chargés de magie et de mystère, les fétiches et les rites et la multitude de faux que l’on met en scène. Au Burkina, il part avec un prêtre Bobo (terres à l’ouest du pays) dans la brousse et rencontre le chef des masques ou le forgeron (l’homme clef, et personnage important des Bobos. « Je suis resté avec eux plusieurs jours, il faut d’abord  être initié, passer plusieurs rites. Et pour avoir une bonne pièce, il faut savoir attendre, les notables doivent défiler. Mais j’évite de faire du massacre culturel » nous rassure cet explorateur des temps modernes. Emmanuel est aussi présent et acheteur dans les places fortes du marché européen de l’art primitif, c’est à dire Paris et Bruxelles. Il  s’entoure d’experts dans ces deux villes. Comme on le comprend ! L’homme « tout terrain », sait combien de faux circulent dans les galeries et les enchères et pourrait  avec quelques conseils vous éviter bien des pièges. Malgré son jeune âge, il sait aussi la valeur des objets, s’amuse parfois de voir dans des catalogues des pièces sous-évaluées ou surévaluées.  Il aime bien la Belgique où il fit des études pour chiner à des prix modiques et aussi pour une certaine ouverture d’esprit, une vision moins « franchouillarde » de la planisphère.

Dans les secrets de l’Himalaya

Ce grand voyageur aime aussi l’Asie et l’Inde d’où il ramène des objets non-bouddhiste tel « un gardien de montagne » montant la garde dans le salon face au canapé. Deux ans en coopération à Calcutta lui ont permis d’apprendre le hindi (troisième langue parlée dans le monde) très utile pour mieux pénétrer l’Himalaya, dans les zones difficiles d’accès. De retour à Paris, il  parcourt les thèmes de sa bibliothèque : 450 volumes de mémoires d’avocats (difficile de faire mieux !), une section sur l’histoire de l’édition, une autre sur la censure, une quatrième sur la drogue au travers de témoignages, une dernière sur les inondations. Pourquoi les inondations ? Réponse de l’intéressé : « Le jour où je ferais une analyse je vous donnerai la réponse. En tout cas, je me rends compte qu’il y a beaucoup d’eau dans mes romans ou mes acquisitions. Ai-je fait pipi au lit durant mon enfance ? ». Le titre d’un bouquin publié en 2002 est Histoires d’eaux. Puis il montre avec fierté dans la cuisine une des premières photos d’inondations à Paris.  Car dans la photographie ancienne, notre collectionneur à aussi son mot à dire. Y a t-il des moments de véritables moments de farniente dans sa vie ? Quand viendra l’heure de la paresse dans toute cette agitation ?  Pour l’instant en tout cas, pas de jour de relâche semble commenter Emmanuel en feuilletant un catalogue.  « Je gratte même la nuit et je n’ai pas de nègre » certifie l’homme aux multiples passions qui continue à écrire entouré de tous ces objets porteurs de souvenirs, de mystères et d’aventures. Un environnement génial pour un esprit curieux et créatif.

 

 

Qui est Emmanuel Pierrat ?

Notre collectionneur est avocat au barreau de Paris spécialiste du droit d’auteur et de la propriété industrielle. Il défend les contrats de films de Bollywood (Inde) dans de nombreux pays. Il a publié des  ouvrages juridiques, des essais sur la culture et la censure. Il enseigne le droit d'auteur et le droit de la communication, notamment à l'Université de Paris-XIII et l'École Nationale des Arts Décoratifs. Ses parents ont longtemps habité en Afrique australe où il résida Il est l'auteur de cinq romans, dont Histoire d'eaux (Le Dilettante, 2002, Pocket, 2004), La Course au tigre (Le Dilettante, 2003, Pocket, 2005), L'Industrie du sexe et du poisson pané (Le Dilettante 2004, Pocket, septembre 2006), Fin de pistes en août 2007 chez Léo Scheer. I1 a également traduit de l'anglais Pensées paresseuses d'un paresseux de Jérôme K. Jérôme (Arléa, 1992 et 1998, en collaboration avec Claude Pinganaud) ainsi que, du bengali, Histoires de fantômes indiens de Rabindranath Tagore (Cartouche, 2006, en collaboration)

 

 

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