France - Reportages

Une épée de Damoclès sur la Maison des Artistes

Marie Torres - 9 juillet 2014
La Maison des Artistes, association créée en 1952, est-elle menacée de disparition par un projet de réforme ? Quelles conséquences pour ses 55 000 cotisants ? Son président, Rémy Aron, répond aux questions de Micmag.net et nous éclaire sur une structure pas tout à fait comme les autres.

Créée en 1952 par des artistes dans un esprit de solidarité, La Maison des Artistes est aujourd’hui la plus importante association d’artistes plasticiens en France. Sa mission ? D’une part, en tant qu’association agréée par l’Etat depuis 1964, elle assure la gestion des assurances sociales des artistes auteurs de la branche « arts graphiques et plastiques ». D’autre part, elle a un rôle d’accompagnement  et de conseil pour ces artistes. 

Plus de soixante ans après sa création, est-elle menacée de disparition par un projet de réforme mal adapté aux réalités du statut d’artiste auteur ? Son président, Rémy Aron, nous éclaire.

Micmag.net : En quoi consiste le projet de réforme du gouvernement ?Rémy Aron : En la réunification des deux organismes, La Maison des Artistes et l’Agessa, actuellement agréés pour la gestion des assurances sociales des artistes auteurs dans les domaines des arts graphiques et plastiques, de l'écrit et de l'image fixe.

M. : Selon le Gouvernement, cette réforme vise à faire des économies…
R.A. : Le prétexte économique n’est pas avéré comptablement car, d’une part, le résultat de La Maison des Artistes est excédentaire et, d’autre part, la réunification exigerait, du moins dans un premier temps, des investissements techniques et humains qui ne vont pas dans le sens des économies d’échelle escomptées par les auteurs du rapport. En effet, non seulement une modernisation des systèmes informatiques, comme la télé-déclaration et l’harmonisation des systèmes existants, est nécessaire, mais plus de 270 000 auteurs seraient concernés par la caisse de sécurité Sociale ainsi créée alors qu’aujourd’hui, on compte près de 55 000 auteurs cotisants à La Maison des Artistes (source La MdA 2013) et plus de 13 000 à l’AGESSA (source Agessa 2011).


M. D’où vient cette différence ?
R.A.
: Elle résulte de l’intégration d’auteurs  actuellement  non identifiés à l’AGESSA en tant que cotisants directs. Si, les designers et les artisans d'art, comme ils le souhaitent vivement, et sur des critères précis de création-conception-réalisation de l'œuvre, sont intégrés, le régime des artistes auteurs pourrait alors dépasser les 300 000 cotisants.

M. : Quelles seraient les conséquences ?
R. A. : Les conséquences seraient de nature sociales et culturelles du fait du retrait d’agrément de La Maison des Artistes qui lui confère depuis plus de 60 ans une légitimité et un pouvoir d’action de valorisation et de défense des auteurs des arts visuels auprès des pouvoirs publics et des Ministères de tutelle que sont le Ministère de la Culture et de la Communication, celui des Affaires sociales et celui du Budget et des Comptes publics. 

Cette réalité historique apporte à La Maison des Artistes une expertise sans équivalent, un contre-pouvoir efficace car libre de toute expression et de toute connivence pour intervenir dans toutes les problématiques touchant à la condition de l’artiste auteur  comme le RSA, les droits d’auteur,  les ateliers-logements, l’amélioration du régime de sécurité sociale actuel…

M. : Toucher à l’Art, surtout en ces temps de morosité, n’est-ce pas « dangereux » ? Car comme disait Malraux « l’art peut aider les hommes à vivre », c’est une valeur refuge.
R.A. : Un régime de sécurité sociale peut paraître déconnecté de l’Art au quotidien. Pourtant, à la fois professions libérales et assimilés salariés, les artistes auteurs des arts visuels n’ont comme reconnaissance professionnelle que leur régime de sécurité sociale. En effet, seuls les artistes vendant leurs œuvres en France peuvent se déclarer à La Maison des Artistes, les dotant ainsi du « statut » de professionnel sans a priori esthétique.

Envisager une réforme du régime des auteurs en ignorant cette dimension humaine et sociale, c’est nier le combat que les artistes ont mené 60 ans auparavant pour mettre en place un système unique en Europe, tenant compte de leurs spécificités et leur permettant de prendre part activement, par le biais de leur association représentative, à l’évolution même de leur condition et donc de leur place dans la société.

M. : Il faut donc laisser le système « en l’état » ?
R.A. : Des améliorations sont nécessaires pour suivre les évolutions des disciplines et des pratiques d’exercice de celles-ci, mais couper le lien entre « la solidarité » et « l’assurantiel » pour reprendre les termes de Dominique Reynié, Président de la Fondation pour l’Innovation Politique, c’est fragiliser encore plus une population déjà très exposée aux aléas des variations économiques des marchés sur lesquels ils évoluent (du marché de l’art de proximité au marché spéculatif).

M. : L’avenir ?
R.A. : Il y avait des artistes avant La Maison des Artistes, il y en aura après la réforme si tant est qu’elle ait lieu. Mais dans quelles conditions ? C’est ce sur quoi La Maison des Artistes veille, comme toujours depuis sa création…

Témoignages

« En 2012, lors de ma déclaration d'activité, j'ai contacté de nombreux organismes et seule la Maison des Artistes a su répondre à mes questions et  m'aider dans mes démarches. Pour moi les avantages sont que je n'ai eu aucune somme à engager au début de mon activité et  je n'ai aucun plafond de revenus. Dans mon cas, ces avantages correspondent exactement à ce que je cherche, je souhaite simplement vendre mes créations qui sont des œuvres uniques.  Je ne sais pas par avance si mon travail sera ou non récompensé demain, le métier d'artiste est tellement incertain qu'il est important d'avoir un organisme compétent qui sait de quoi il parle et qui peut vous aider en cas de besoin comme la Maison des Artistes. » 
Mariana Lopes de Castro, Artiste plasticienne.

« La Maison des Artistes est le lien de la communauté artistique. Un lieu de connaissance et de reconnaissance de son art et du monde de l’art, dont tous les artistes connus et moins connus font partie. Elle est née pour « protéger et défendre les intérêts et les droits des artistes. » Nous cotisions pour nos aînés artistes, pour une retraite paisible à l’abri des contraintes de ce monde… Avec les changements de lois, de vies et de contraintes financières, la vie d’artiste intéresse moins d’individus. Etre artiste en 2014 relève du défi de la désorganisation globale de monde du travail,  L’art ne se discute pas, il se regarde, s’apprécie et se fait beau pour tous.... Chacun y trouve son « âme » et un autre regard de la vie. »
Catherine Diers Di Val, Aquarelliste, Sculpteur, Graphiste, Peintre.

« Vivre de sa peinture est un challenge qui demande une bonne dose d'énergie. Il y a plus de 5 ans, j'ai été gravement malade pendant toute une année … avec 400 € d'indemnité journalière par mois (revenu imposable - 34% de déduction de frais puis diminué de 50%) … et l'association de la Maison Des Artistes a pris en charge mes cotisations sociales tout au long de cette année. Cela a été précieux.  » 
Isabelle Augé, Artiste peintre. www.carnetbleu.blogspot.com

Sur le
régime social et fiscal des artistes auteurs
C’est un régime déclaratif obligatoire au premier euro perçu. Toute personne résidant sur le territoire français faisant acte de vente de ses œuvres est, au risque que son activité soit qualifiée d'exercice dissimulé d'actes de commerce, dans l'obligation de s'identifier auprès des Services de Sécurité Sociale de La Maison des Artistes pour obtenir un numéro d'identification sociale et de se déclarer auprès du Centre de Formalités des Entreprises URSSAF de son domicile. 

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