Guerre en Syrie - 

« Daesh n’est pas un fils de la Syrie, il a été importé pour justifier une certaine politique »

Interview Hélios Molina - 20 juin 2016
Abdul Kader Yousfan est un pédiatre syrien vivant en Catalogne depuis quarante ans. Au sein d' une association humanitaire et qui œuvre à vulgariser le conflit, il se bat pour permettre aux citoyens du monde de comprendre la révolte d’un peuple contre son dictateur.

Abdul Kader Yousfan, pédiatre ancien cadre du parti Baas, fervent militant pour une Syrie démocratique. © Hélios Molina

Micmag : Comment vivait la Syrie avant l’arrivée de Hafez-el-Hassad, le père de l’actuel dictateur ?

Abdul Kader Yousfan : C’était une démocratie sur le modèle français. Il y avait plusieurs partis et une certaine liberté de la presse.

M : Et vous, que faisiez vous à cette époque ?

AKY : J’étais étudiant, je passais le baccalauréat, j’étais un cadre du parti Baas (1). Et c’est l’annihilation des autres partis qui m’a poussé à venir finir mes études en Espagne. Le niveau de vie y était comparable et l’université était semi- gratuite.

M. : Pourquoi avoir crée une association tournée vers la Syrie il y a cinq ans ?

AKY : Pour faire passer d’autres idées et dénoncer la complicité internationale envers la dictature. Et puis pour apporter une aide médicale. Nous avons envoyé deux ambulances qui ont été détournées de leur destination par les forces du dictateur.

« Mes deux neveux m’ont demandé des sous pour acheter des armes »

M. Pouvez-vous rappeler comment et pourquoi le conflit s’est étendu ?

AKY : Il y a cinq ans, dans toutes les grandes villes du pays, le vendredi, il y avait des manifestations contre la dictature et pour la démocratie. Cela a duré six mois. Six mois sans armes, avec des manifestations pacifiques; 135 000 personnes ont été tuées durant ce laps de temps. Ensuite les gens se sont organisés en comités locaux, il n’y avait pas de partis politiques.

Tout était clandestin. Les civils ont commencé à s’armer. Mes deux neveux m’ont demandé à ce moment-là de leur envoyer des sous pour acheter des armes au marché noir. Puis des militaires se sont joints au mouvement (2). Ils ont refusé de tirer sur le peuple. Ensuite des assauts ont été lancés,  pour se procurer des armes.  Un an après le début du conflit , l’Arabie Saoudite, le Hezbollah et l’Iran  se sont joints à la mêlée. Ce n’est qu’en 2013 qu’apparaît Daesh.

M. : Au début, d’où venaient les armes qu’avaient les civils ?

AKY : Du Qatar, d’Arabie Saoudite et de Turquie.

M : Mais Daesh est à présent l’ennemi international et l’on ne parle plus de population civile ?

AKY :Vingt-trois pays luttent contre Daesh : ces gens là n’ont pas d’aviation ni de missiles. Ces pays, s’il le voulaient,  pourraient en finir avec Daesh; il y a là un jeu international pour justifier certaines politiques chez les Occidentaux. Qui achetait le pétrole durant  deux ans, alimentant ainsi Daesh ? Des compagnies étrangères. À présent l’on parle uniquement de ce monstre. Daesh n’est pas un fils de la Syrie, il a été importé. Qu’ils nous laissent en finir avec la dictature et Daesh suivra.

« Trois millions et demi de réfugiés syriens en Turquie »

M. Quelle est votre vision  des années à venir ?

AKY : S’ils maintiennent ce régime,  ce sera plus grave encore. Les Russes et les Américains sont à présent d’accord pour laisser le dictateur en place. Ces pays seront les complices de la vengeance d’un dictateur cruel contre sa population. Cet homme n’a que faire de la destruction d’un pays entier, même si à présent, les deux tiers du pays sont détruits et que plus de  15 millions de personnes ont été déplacées.

M. Que pensez-vous de l’attitude  des Européens qui ont fermé les frontières aux réfugiés ?

AKY : Parmi les exilés il n’y a pas que des Syriens. Les Syriens ne seraient que 500 000 aux portes de l’Europe. Mais l’Europe a vendu ses réfugiés à la Turquie. Et l’on dira ce que l’on veut sur la Turquie mais ce pays a 3,5 millions de réfugiés syriens dans des camps. Et ils reçoivent tous les aides médicales ou la nourriture nécessaire. Le pays ne les laisse pas sans assistance.

 Propos recueillis par Hélios Molina pour www.micmag.net


(1)  Crée à Damas en 1947 ce parti (parfois orthographié Baath ou Ba'th) prône l'unification des pays arabes sous une forme de socialisme panarabe.

(2)  À partir de ce moment est crée l’Armée syrienne libre.



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