Argentine - Lire-Interview

Leandro Ávalos Blacha, l'enfant terrible de la littérature argentine

Marie Torres - 29 février 2016
Écrivain argentin né en 1980, Leandro Ávalos Blacha excelle dans l’art de fusionner les genres. Polar, fantastique, horreur se fondent et s’articulent avec habilité et talent dans chacun de ses écrits. Rencontre avec un romancier à la plume corrosive et complètement déjantée.

Né en 1980 à Quilmes en Argentine, Leandro Ávalos Blacha fait de chacun de ses romans un billet, un passeport pour un monde étrange. Complètement déjanté. Car Leandro ne lésine pas avec ses ingrédients. Il les prend un peu partout. Dans le polar, le fantastique, l’horreur et même le cinéma. Ainsi, au détour d’une page, vous pouvez vous retrouver dans un quartier de Buenos Aires avec une punk « terriblement obèse » qui s’avérera être une zombie, ou encore rencontrer un docteur dont le hobby est la réduction des têtes et qui rêve de constituer une réplique en miniature de son quartier. Le pire, c'est que ce monde, après tout, n’est pas si éloigné du nôtre. Mais attention, même si parfois vous tremblez, le rire prend toujours le dessus et vous ne vous ennuyez jamais.  D'’autant plus que si sa plume est mordante, elle ne manque jamais de poésie.


Invité au Salon du livre de Paris et au Festival Les Imaginales d’Épinal en 2014, Leandro Ávalos Blacha a reçu le Prix Indio Rico 2007 pour son roman Berazachussetts, publié en France en 2011 aux Éditions Asphalte, qui ont également édité Côté Cour, son deuxième livre en français, et publieront cette année son dernier roman, Malicia.


Micmag.net : Dans votre roman Berazachussetts vous mêlez tous les genres : polar, fantastique, horreur, humour noir… Ce mélange est-il une constante dans votre œuvre littéraire ?

Leandro Ávalos Blacha : Je crois que dans tous mes textes, cet amalgame de genres est présent. Ce n’est pas une recherche volontaire, cela vient naturellement. C’est un espace dans lequel j’aime évoluer et qui, j’imagine, vient de l’univers de mes lectures, des séries télévisées et des films qui m’ont formé. En littérature, j’aime particulièrement le fantastique et l’horreur. J’aime aussi le Giallo, ce genre du cinéma italien où se mêlent l’horreur, le polar, le surnaturel, l’érotisme… Mon dernier roman, Malicia, se rapproche de ces films. Du moins, en l’écrivant, j’avais en tête le climat et l’atmosphère des films de Dario Argento, un des réalisateurs phares du Giallo.

« La marque de l’époque, c’est l’ouverture grâce à de nouvelles petites maisons d'édition » L. Ávalos Blacha


M. : L’association des genres et la critique de la société argentine sont-ils la marque de la littérature argentine actuelle ?

L.A.B. : C’est difficile de parler d’une marque de la littérature argentine actuelle. Il y a plusieurs littératures, toutes différentes les unes des autres, et c’est là que réside sa richesse. Si à une époque la littérature de genre était considérée comme « mineure », aujourd’hui ce n’est plus vrai. Il y a beaucoup d’auteurs qui écrivent des romans d’horreur ou de science-fiction, d’autres qui se focalisent dans l’espace intime, il y a de bons chroniqueurs, d’autres encore qui écrivent sur les villes ou, à l’inverse, sur les zones rurales comme Juan José Saer

On pourrait dire que la marque de l’époque, c’est l’ouverture. Ceci n’aurait pas pu se produire sans la naissance de nouvelles petites maisons d’éditions, avec de bons dirigeants et critiques pour établir leurs catalogues; des éditeurs qui publient aussi bien de nouveaux auteurs que ceux dont les œuvres ont été refusées par les grands éditeurs.

M. : Une réponse au « Y a-t-il une littérature argentine après Borges ? »

L.A.B. : Je ne pense pas qu’aujourd’hui nous écrivions en nous posons la question « comment écrire après Borges ? » ou préoccupés par une identité culturelle propre à notre pays. Le principal est toujours le travail littéraire, l’écriture. Borges lui-même le disait dans son essai L’Écrivain argentin et la tradition : il faut laisser libre cours à son imagination pour être argentin et bon — ou passable — écrivain. Si certains thèmes « argentins » ou éléments de l’histoire réapparaissent, je suis convaincu que c’est simplement parce que la question a interpellé l’auteur.

M. : Il y-a-t-il des auteurs qui ont influencé votre écriture ?

L.A.B. : Il y a trois écrivains argentins, en particulier, qui sont importants pour moi : Alberto Laiseca — dont j’ai suivi l’atelier d’écriture pendant des années —  César Aira et Marcelo Cohen. De manière différente, leurs œuvres m’ont inspiré un modèle d’écriture où la liberté et l’ouverture d’esprit ont une grande place.

M. : Travaillez-vous à un nouveau roman ?

L.A.B. : Depuis quelques temps, je travaille à des nouvelles qui se passent à Quilmes, le quartier où j’ai grandi. Ce sont des histoires liées à des situations bien particulières comme une éclipse, des extraterrestres ou des loups garous. Je commence aussi, tout doucement, à prendre des notes pour ce qui sera, je pense, la suite de mon roman Malicia.

M. : Et, pour finir, que pensez-vous de la littérature contemporaine d’Amérique Latine ?

L.A.B. : Malheureusement, la circulation des livres sur le continent n’est pas très fluide. Pour les petits éditeurs c’est déjà assez difficile de distribuer leurs livres en Argentine, et encore plus de les exporter. De la même manière, il nous arrive peu d'œuvres du reste de l’Amérique Latine, à l’exception bien sûr des auteurs très connus, dont les livres se distribuent — parfois — s’ils sont publiés par une multinationale. Certains éditeurs, comme Mansalva, commencent à publier les auteurs qui ne circulent pas en Argentine, comme les Chiliens Roberto Merino ou Juan Emar ou le Péruvien Martín Adán. Parmi les auteurs contemporains, j’aime beaucoup ce que fait le Mexicain Bernardo Esquinca.

Sur le sujet, lire aussi :

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Marie Torres pour www.micmag.net
Berazachussetts
Leandro Avalos Blacha
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Hélène Serrano.
Editions Asphalte, 2011
16,25 euros

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