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Manuscrits, miniatures, livres d’heures, textiles, images pieuses, reliques, la galerie est une excellente adresse pour le néophyte. Sandra Hindman, maîtresse des lieux a tout l’art de la communication dans un charmant accent américain. Sa passion, qu’elle transmet aisément, pourrait rapidement devenir la vôtre. Tout d’abord, qu’est-ce qu’une enluminure ? "Les enluminures sont des pages d’un livre travaillées à l’or fin ou à l’argent" nous raconte une assistante de Sandra Hindman. Et ce sont aussi toutes les pages d’un livre au Moyen Âge qui ont des couleurs peintes. Ces œuvres viennent de manuscrits faits dans les monastères. Petit à petit, des ateliers et des grands maîtres se sont fait connaître. Parmi les grands noms, il y a le maestro italien Daddesco ou le Français Jean Fouquet. L’Italie, les Pays bas, la Belgique et la France sont dans ce domaine des foyers de création. Tandis qu’en Angleterre, le mouvement de la Réforme (le processus de mise en cause de certaines pratiques, des dogmes de l’église catholique au XVe et XVIe siècle qui aboutira à la formation d’églises séparées) qui est arrivé très tôt, a ralenti le travail des grands maîtres. Au XVIIIe et début XIXe, avec les guerres de Napoléon, les enluminures étaient découpées des manuscrits. Les monastères fermés, et il y avait un fort désir de posséder ces œuvres peintes. Les livres d’heures sont des livres manuscrits ou imprimés de prières pour des heures concrètes de la journée. Chaque livre d’heures est unique avec les heures de la vierge, de la croix, des événements de la vie de certains saints. Les prix de ces joyaux varient entre 19 000 euros et 300 000 euros pour des grands maîtres de la peinture. Un marché s’est donc créé à l’étranger. Et Londres était pour les Italiens la destination commerciale au XIXe. Comment exporter des livres vers l’Angleterre à cette époque ? Malheureusement, le pays avait conçu une taxe d’importation selon le poids des bagages. Donc les livres lourds étaient abandonnés. Et c’est ainsi que s’est propagée cette pratique de découper des choses importantes vers la fin du XIXe. "Il y a encore des gens qui font cela mais les bons marchands n’aiment pas ces pratiques, c’est très mal vu" clame Sandra. Aujourd’hui, ce marché est planétaire mais quelques pays se tiennent volontairement à l’écart : l’Inde, la Chine et le Japon.
Comment détermine-t-on un prix ? Ce n’est pas l’époque qui détermine le prix mais l’artiste. Une miniature coûte autour de 3 000 euros. Un travail du maître italien Daddesco cote aisément les 100 000 euros. Mais il peut y avoir une œuvre à 1 million d’euros comme ce fut le cas récemment en salle des ventes. Le profil des acheteurs d’enluminures n’est pas clairement dessiné. "J’ai un client de 19 ans, d’autres personnes de 80 ans, des hommes et des femmes. Ce ne sont pas des intellectuels mais de grands et authentiques amateurs d’art qui ont le désir d’apprendre encore" conclut Sandra.
"J’ai investi tous mes fonds de retraite dans les manuscrits"
Sandra Hindman est médiéviste américaine. Professeur d’université, expert, elle est devenue une brillante marchande d’enluminures, une niche où rayonnent trois ou quatre spécialistes dans le monde. Pourquoi a-t-elle choisi de s’installer à Paris ? "Il faut être là où les achats sont possibles et c’est ici en Europe que cela se passe. Le fonds est européen. Je vis en même temps à Chicago donc je vis aussi dans les avions. Cet été, j’ai pu voir aux Etats-Unis une reprise du marché de l’art. Si vous achetez du Moyen Âge, les prix sont stables et certains peuvent monter très vite. En l’an 2000, j’avais un Lorenzo Monaco (1370-1424), je l’ai revendu 200 000 dollars. Si je l’avais gardé, j’aurais à présent un million de dollars. La plus-value peut être très grande. Il faut payer beaucoup pour avoir une grande plus-value. De la même façon, une enluminure à 3 500 euros ne montera jamais jusqu’à 50 000 euros. Je travaille essentiellement avec les institutions. Je vends au Louvre, au musée de Cluny, au National Museum, au British Gallery, à toutes les bibliothèques dans le monde. Ce sont des acheteurs fiables. Moi, j’ai pris tout l’argent de mes fonds de retraite que j’ai investis dans les manuscrits. En Europe, vous n’avez pas le droit de le faire mais aux Etats-Unis, c’est possible. Je gère mon fonds et j’en suis très contente car cela va très bien".
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