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« Je considère qu'il n'y a pas d'artistes modestes, il n'y a que des collectionneurs » lance dès l’entrée d’un vaste loft parisien, Hervé Di Rosa, artiste bavard à l’accent sétois. Cet enfant terrible et électron libre de l’art contemporain, de la même veine caustique que Robert Combas, inspirateurs sudistes de la « Figuration libre » collectionne livres, catalogues, images, gadgets, figurine, jouets dont les Starlux. Di Rosa vient de s’installer dans un immeuble haussmannien du quartier Barbès après des années d’errance artistique et occupe une ancienne imprimerie sous verrière de 480m2. Impressionnant espace lumineux qui mixe tableaux de contemporains, des œuvres imposantes qu’il a créées en compagnie d’artistes affichistes mexicains, des pièces de design et des sculptures du maître des lieux, conçues en Afrique. Des fauteuils à bascule « RAR » (rocking armchair rod) de Charles et Ray Eames se marient à la perfection avec le graphisme des tableaux accrochés derrière eux. Une petit panneau cadeau de keith Haring ouvre la voie vers la chambre à coucher. Des bébés jumeaux en polyester d’un faciès inquiétant et surnaturel, une table ronde de jardin avec parasol et chaises pliantes, des sculptures entre africanisme et ère punk, des objets Kinder, le monde enivré de Di Rosa a quelque chose de léger, frais et exotique. Par un large escalier métallique du salon, nous accédons directement à l’atelier et la bibliothèque. C’est dans un espace de rêve que l’artiste à l’enfance vitaminée de BD, de rock et de publicité, « donne du pinceau » sur plusieurs toiles en même temps, assis sur un tabouret rouge. Et c’est là, au cœur même de son atelier qu’il conserve une grande partie de ses petits animaux, voitures ou figures bizarres, des collections encore sous blister, histoire de marquer son territoire ou de prouver son adhésion à la confrérie des chineurs. Maquettes, voitures miniatures, albums d’images, imagerie populaire, livres à thématiques inusitées, la Bat mobile de Batman véhicules militaires, de Tintin, de Spirou, La famille Simpson, les X-Men, , les tortues Ninja, les véhicules commerciaux avec une décoration particulière, de remarquables produits dérivés de films célèbres, tout y passe !
inter :voitures James bond défigurées !
Etrange personnage qui s’inquiète et demande à posséder toutes les séries et en même temps n’aime pas les conations « nostalgiques » du chineur vivant dans le passé. Ce méditerranéen en exil et apatride a goûté à l’art du voyage, à vivre dans des roulottes façon tzigane, à la mixité des cultures sur des chemins peu conventionnels. « Ce qui m’intéresse ce n’est pas le vieux mais le déclassé. Les marchés aux puces en général me passionnent comme celui de Mexico D.F ou de St Ouen. Je recherche la représentation des personnes dans un aspect parfois monstrueux, tout ce qui est figurine, jouets. Les habits de halloween, star wars, les robots, les voitures de James Bond défigurées.. Ce ne sont pas les enfants qui achètent ce genre d’objets ce sont les ados ou les mecs de mon âge, c’est autre chose que du jouet. C’est quoi ? C’est de la sculpture et je le mets en périphérie. C’est de l’art modeste. L’ethnologue va les rejeter comme décadents, ces objets sont orphelins, sans classification. Ne pas confondre l’art modeste avec les choses qui ne valent rien. Et dans ce domaine, Dinky toys ou figurines sont des choses qui valent très cher. » Tandis qu’Hervé se refuse à payer de belles sommes pour acquérir les trouvailles, il tient un discours rodé sur sa relation avec le monde de la collection. Et précisément dans le musée municipal sétois, il a installé des objets autour de trois thématiques : la technologie, la religion et la figurine. Il faut dire que l’artiste a roulé sa bosse sur tous les continents, a séjourné en Afrique, en Bulgarie, au Vietnam, aux Etats Unis et au Mexique, qu’il a farfouillé dans les cartons des marchés aux puces et qu’il en garde un profond désir de poursuivre, de faire grandir ces familles d’objets. Retour chez lui, objets et visages insolites riment avec création, inspiration, délires. D’une vieille publicité, d’une affiche murale, il en tire une idée de personnage fictif qui va être au centre de sa toile. Il y a dans son esprit, comme un profond désir de mettre en valeur la culture populaire environnante ou rencontrée dans ses voyages, « de valoriser les sources. Car mes sources ce n’est pas que Dubuffet, Matisse, Andy Warhol… » Mais le plus incongru ce sont ces petits personnages qui, ici ou là, côtoient des livres, des créations, des objets du quotidien de l’artiste et de sa famille. La bibliothèque du salon est une sorte de catalogue, de présentoir de toutes ces espèces figurées. Car derrière l’objet anodin, se cache la main d’un modeleur, d’un dessinateur, d’un concepteur, d’un diffuseur. « Non, ce n’est pas la nostalgie, la dérision, le kitch ou le troisième degré qui me motive mais l’invention, la forme, la couleur, l’unité, la technique. L’on peut aimer Matisse, Le Caravage, Fra Angelico et aussi les objets Kinder.
Hélios Molina
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