- Lire De l'art de la sieste au temps de la cruauté, quelques romans haîtiens à découvrirMarie Torres - 12 décembre 2017 Dany Laferrière, Marie-Célie Agnant, Lyonel Trouillot... Depuis les années 80, Haïti ne compte plus ses écrivains, nombreux et aussi très talentueux. Micmag.net vous en présente quelques-uns, à lire sans modération.
![]() L'art presque perdu de ne rien faire Résumé : Tout débute avec l'art de faire la sieste. La sieste propice au rêve et à la réflexion. Et nous voilà parti dans les pérégrinations de Dany Laferrière de Montréal à Port-au-Prince, de Salinger à Borges... Pour conclure : rien faire est, après tout, un art de vivre. Extrait : "On remarque qu’une société est en danger quand ses vieux accélèrent le rythme au lieu de le ralentir. On se demande où ils vont tous si vite ? Je vois les gens courir dans les allées de ce grand magasin, chacun piétinant l’autre pour trouver la bonne aubaine, ensuite pour passer à la caisse, alors que de longues heures les attendent encore avant que ne s’achève cette journée. {...] Ils imposent ce rythme un peu partout dans la vie. Même au café où la moindre hésitation de votre part à choisir un café court ou un café allongé fait fuir le serveur qui ne reviendra pas avant d’avoir servi tous les autres clients. Toujours la sensation d’avoir passé son tour. Ceux qui trouvent ce rythme trop rapide n’ont pas de solution pour le ralentir. À bout de souffle, ils finissent par se parquer comme une vieille voiture. On fait un pareil choix à quatre-vingts ans, pas à quarante – comme j’ai vu quelqu’un l" Quelques mots sur l'auteur : Dany Laferrière, né à Port-au-Prince en 1953, est un auteur connu et reconnu. Récompensé par de nombreux Prix et distincintions, il a été élu à l’Académie française en 2013 au fauteuil de Montesquieu. Kannjawou Résumé : C'est l'histoire de cinq amis d'enfance qui cherchent un sens à leur vie dans un pays ravagé par la pauvreté et marqué par des décennies d'occupation. Un récit où se mèlent la population locale et le petit monde d'expratriés. Extrait : " Sans pouvoir rien y changer, nous passons beaucoup de temps à deviser sur les itinéraires. Et le soir, nous nous posons des questions qui restent sans réponses. Quel chemin de misère et de nécessité a emprunté un garçon né dans un village du Sri Lanka ou dans un bidonville de Montevideo pour se retrouver ici,dans une île de la Caraïbe, à tirer sur des étudiants, détrousser les paysannes, obéir aux ordres d’un commandant qui ne parle pas forcément la même langue que lui ? Quel usage est fait de la part de sa solde qu’il envoie dans son pays à une mère ou une épouse ? Son premier viol, l’a-t-il commis dans son village natale, sur une amie d'enfance ou une petite cousine ? Ou est-ce une habiturde venue qavec l'éloignement, l'inconfort des baraques en pays inconnus ? A-t-il été entraîné par ses pairs ?Quand on se meurt d'ennui et qu'on possède des armes, la violence peut servir de passe-temps collectif." Quelques mots sur l'auteur : Romancier et poète, intellectuel engagé, Lionel Trouillot est né en 1956 à Port-au-Prince. Il est l'auteur de nombreux poèmes, textes critiques, chansons ; toute son oeuvre romanesque est publiée chez Actes Sud. Un alligator nommé Rosa Résumé : Dans un village du Sud de la France, la rencontre d’une victime au chevet de son bourreau, vingt ans après la dictature Duvalier en Haïti. Extrait : « Tu n’aurais jamais cru te retrouver un jour prisonnière de ton passé ? Malheur à toi, Rosa ! La preuve nous est donnée tous les jours que les victimes peuvent dépasser en cruauté et de milliers de coudées leurs bourreaux d’hier. La malveillance des uns finit-elle par s’imprimer, encre indélébile… parvient-elle à s’inscrire dans les cellules des autres ? » « Elle savait aussi beaucoup d’autres détails, d’autres meurtres qui encombraient la mémoire de Rosa. Mais, pouvait-on, en ce qui concerne Rosa Bosquet, parler de mémoire ? Elle doutait fort que ces crimes viennent jamais hanter Rosa. Et puis, en tant qu’êtres humains, n’avons-nous pas la possibilité de diriger à notre gré notre mémoire, de sélectionner ce qui doit l’encombrer ou on ? » Quelques mots sur l'auteur : Née à Port-au-Prince en 1953, auteur de poèmes, romans et nouvelles, les textes de Marie-Cécile Agnant se concentrent sur la réalité sociale contemporaine : l’exclusion, la solitude, le racisme... et le rapport au passé et à la mémoire. Elle connaît aujourd’hui une carrière internationale. Les temps de la cruauté Résumé : Dans un cimetière de Port-au-Prince, Valencia, son bébé dans les bras, mendie et se vend aux hommes au milieu des tombes. Lorsque le narrateur du roman, Carl Vausier, en pleine dépression, la rencontre, il ressent pour elle une forte attirance qui n'est ni sexuelle, ni amoureuse et il pense que cette jeune femme peut l'aider à reprendre goût à la vie. Mais l'aventure ne sera pas sans risques... Extrait : "Valencia est la larme de trop dans ce cimetière lourd de nos chagrins, de nos nuits raturées, et de nos jours fabriqués. Elle est assise, jambes ballantes, sur une tombe au marbre étoilé par la fureur de la terre. Un papillon - je ne remarque pas sur le coup l'incongruité de l'observation - bat des ailes au-dessus d'elle avant de derrière une couronne de fleurs fanées, passée autour d'une croix de bronze. Valencia porte une robe bleue en lambeaux qui ferait pleurer les nuages si l'enfant dans ses bras ne lui donnait un air de Vierge des sept douleurs, devant laquelle tant de gens, sans fausse honte et sans pudeur, font leurs dévotions." Quelques mots sur l'auteur : Né à Port-au-Prince en 1958, Gary Victor, journaliste, dramaturge, romancier, est l'écrivain le plus lu dans son pays. Il est l'auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles, publiés en France, au Canada et en Haïti. De nombreux prix littéraires, dont le Prix du livre insulaire à Ouessant (2003), le Prix RFO du livre (2004), lui ont été décernés. Je suis vivant Résumé : Après le tremblement de terre de 2010, Alexandre ne peut plus rester dans l'établissement où il est interné depuis plusieurs années. Sa famille s'organise pour l'accueillir. Débute une cohabitation qui va bouleverser la vie de chacun. Extrait : "Après le goûter de quatre heures, la terre s’est mise à gronder et secouer comme si elle allait s’ouvrir jusqu’au fond, tout au fond. J’ai enfoui bien vite dans ma bouche les deux biscuits que je garde toujours en réserve dans la poche droite de mon pantalon. Il y a plein d’oiseaux qui nichent dans de grands arbres de lumière, ils me volent mes biscuits et si je les laisse faire ils me crèveront aussi les yeux. Le mouvement du sol a cassé la clôture de maçonnerie qui s’est effondrée mais l’Institution est restée debout. Le cœur de Mme Fleury-Jacques a flanché. Robert a fait une nouvelle crise d’asthme, il se tordait sur les carreaux de mosaïque jaune et rouge du patio, les yeux exorbités, la bouche ouverte pour chercher de l’air." Quelques mots sur l'auteur : Kettly Pierre Mars est née en 1958 à Port-au-Prince (Haïti). C’est par la poésie qu'elle débute, elle passe ensuite à l’écriture de la nouvelle et reçoit en 1996 le premier prix du Concours Jacques-Stephen Alexis de la Nouvelle. Cette distinction l’encourage à s’engager dans la voie littéraire; elle a écrit depuis poèmes, nouvelles et romans. La marquise sort à cinq heures Résumé : Frankétienne nous raconte l'histoire d'une femme, d'une marquise, qui sort à cinq heures du matin ; l'histoire d'une femme qui s'émancipe du joug des hommes. Extrait : "Comblée, encombrée de bijoux, de parures, de falbalas, de bataclans et de clinquants, je ne manquais de rien à l’intérieur du château. Pourtant je ne me sentais pas bien au cœur de ce paradoxal cocon de confort et de malaise. Je me sentais fragmentée, écartelée, dépersonnalisée, infériorisée, dévalorisée. J’ai été souvent victime d’un étrange mal-être et d’une inconsistance profondément insurmontable. Mon image, orpheline, en veuvage de mon œil crevé de solitude aiguë, reflétait mon malaise profond. Mon visage, souvent triste et crispé, traduisait mes tourments et le drame de ma vie de châtelaine dans des miroirs truqués. J’ai été entretenue, dorlotée, gâtée, mais désubstantialisée, aliénée, anéantie dans une immense prison dorée, une luxueuse architecture conçue pour écraser mon être sensible et fragile. " Quelques mots sur l'auteur : Enseignant, chanteur, comédien, dramaturge, écrivain et peintre, Frankétienne , de son vrai nom Franck Étienne, est un artiste hors norme. Né en 1936, son oeuvre, commencée en 1964 et composée de poèsie, roman et pièces de théâtre, dépasse aujourd’hui les frontières haïtiennes et fait l’objet de nombreux travaux universitaires. Lire aussi "En Haïti, la poésie est un genre vivant" Haïti chéri -Périple-aventure au cœur de la première république rebelle noire Marie Torres pour www.micmag.net
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