France/Espagne - Lectures

Víctor del Árbol : " L'existence est un acte de rébellion"

Marie Torres - 20 septembre 2013
L’écrivain espagnol Víctor del Árbol est l' auteur de "La Tristesse du Samouraï", qui lui a valu le prix du Polar européen 2012 du Point. Il vient de publier "La maison des chagrins", qu'il qualifie de roman de "survivants". Rencontre.

Micmag.net : Votre parcours est riche. Vous avez été séminariste, vous avez fait des études d’histoire, vous avez été fonctionnaire de la Generalitat…

 Víctor del Árbol: J'ai eu la chance d’être le protagoniste de ma vie, ce qui m’a permis d’être et de faire beaucoup de choses. Je conçois l’existence comme un mouvement continuel et un acte de rébellion, c’est pourquoi que dès qu’une porte s’ouvre, je me lance dans l’aventure. Et la littérature, c'est la chose la plus fascinante qui me soit arrivée . 


"Je suis fasciné par nos contradictions" 

M. : Dans La maison des chagrins (Respirar por la herida), il n’y a pas qu’un seul héros mais de nombreux personnages et  chacun d’eux, à tour de rôle, le devient. Ce héros, le lecteur le connaît très bien, sait tout de lui.  C’est beaucoup de travail, beaucoup d’investigation pour vous.

V del A : La maison des chagrins est un roman de "survivants". C’est-à-dire, qu’il parle de n’importe lequel d’entre nous. Nous prenons des décisions et parfois nous commettons des erreurs et nous devons en affronter les conséquences. Certaines nous réussissent et changent notre destin. Mais dans le bon comme dans le mauvais, notre instinct de survie est là, nous voulons vivre même si la vie nous fait souvent souffrir. Je suis fasciné par nos contradictions, notre peur, notre bonheur. Pour cela, j’essaie de construire des personnages très réels et proches de nous. C’est une manière d’explorer l’âme humaine, ma véritable passion.

M. : Dans ce roman, la peinture a aussi un rôle. Eduardo doit peindre l’assassin du fils de Gloria. Peindre son âme. Peinture et psychologie. Un peu comme dans les portraits de Lucian Freud ou dans le roman d’Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray.

V del A : L'art, sous toutes ses formes, nous accompagne sur le chemin de la vie et magnifie notre petite existence. Une peinture, une pièce de musique ou un poème parlent de nous mieux que toute autre expression de sentiments. Eduardo doit faire ce tableau pour Gloria : parce qu’elle verra dans cette peinture ce que nul homme ne peut cacher : sa véritable nature. C’est ce que faisait Lucian Freud avec ses modèles, ou Dorian Gray devant son portrait en décomposition. J’irais même jusqu’au Faust de Goethe.
Ceci donne un triangle très intéressant dans le roman : l'œil de l'artiste, l'œil du spectateur, l'œil du modèle. Trois façons différentes de voir la même réalité.

"L’indépendance de l’Algérie m’intéresse comme historien pour ses connexions particulières"

M. : Dans votre roman, vous parlez de l’indépendance de l’Algérie. C’est un sujet peu abordé en littérature. Est-ce que c’est parce qu’il y a eu des ramifications en Espagne avec le terrorisme (OAS) ?

V del A : L'indépendance de l’Algérie m’intéresse en tant qu’historien pour ses connexions particulières, différentes de la décolonisation des autres pays du Maghreb. Mais elle m’intéresse surtout comme tragédie humaine pour ses relations imbriquées, entre la violence et l’État, le silence et la guerre sale, qui ont touché plus d’une fois le Levant espagnol. Chaque société a des blessures qui suppurent, et celle-là m’est très proche, surtout depuis que j’ai découvert la France à travers Camus.

M. : Vous aimez la culture française !

V del A :La culture française –sa littérature et sa musique– m’intéresse parce qu’elle a une capacité à échapper à son propre nombril pour devenir universelle. C’est ce qui me fascine chez Rimbaud, par exemple.

"L’écrivain ne peut pas fuir sa responsabilité face au lecteur"

M. : Que pensez-vous de la littérature espagnole contemporaine ?

V del A
: Je crois que nous évoluons en fonction de l’époque déconcertante que nous vivons. L’écrivain ne peut pas fuir sa responsabilité face au lecteur; à mon avis nous devons combattre sur deux fronts : le découragement face à la crise mondiale, le chômage, la corruption et par ailleurs, nous devons maintenir à tout prix la lutte contre ceux qui tentent de faire régresser notre société, la ramener au temps du gouvernement pré-constitutionnel. 

Et ce n’est pas parce que la littérature est engagée qu’elle ne peut  pas être amusante, dynamique et d’une grande qualité esthétique. Peut-être assistons-nous à l’éveil d’un nouveau mouvement comme celui de la Génération de 27. Les valeurs ne manquent pas. La bravoure, non plus.

M. : Votre prochain roman…

V del A : J’y travaille depuis plusieurs mois. Je suis un écrivain qui a besoin de beaucoup de temps pour bâtir l’intrigue, mais je sais de quel thème je traiterai : l’incompréhension entre pères et fils, et la destruction des mythes et des héros de l’ "Histoire". Je promets qu’il sera très intense, autant que "La maison des chagrins"…

Lire aussi "La maison des chagrins" (Titre original : Respirar por la herida)

Le poids des morts

Par-delà la pluie

La veille de presque tout

 






Marie Torres
La Tristesse du Samouraï
Víctor del Árbol
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La Maison des chagrin
Víctor del Árbol
Actes Sud

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