- Dossier lectures

Notre grande vitrine de la littérature latinoaméricaine- Analyse et entretiens

Marie Torres - 29 février 2016
L’Amérique Latine ? C’est 19 pays et presque 625 000 000 habitants… Rien d’étonnant alors à ce que sa littérature soit aussi diversifiée et aussi riche. Des témoignages, des rencontres pour en savoir un petit peu plus.
Feria internacional del libro de Buenos Aires 2015

Borges, García Marquès, Cortázar, Fuentes, Vargas Llosa... Autant d'auteurs de talent, issus de ce qu'on appelle le Boom latino-américain des années 60-70, qui par leurs œuvres nous ont fait découvrir leur continent et leur histoire. C'est la nouvelle génération, celle des auteurs nés à partir de 1970, qui nous intéresse aujourd'hui. En quoi se distingue-t-elle de la précédente ? Quels sont les auteurs les plus emblématiques ? C'est ce que nous allons essayer de comprendre et de distinguer.

Méfions-nous donc des clichés, des idées reçues

Contrairement à la génération du Boom, les auteurs actuels n’ont pas vécu directement les violences politiques mais sont surtout marqués par un certain désenchantement face à l’échec des politiques et  à la corruption.

« Les auteurs écrivent sur ce qu'ils connaissent et la corruption est endémique dans certains pays d'Amérique du Sud, je pense surtout au Venezuela et au Paraguay, au Brésil aussi avec l'affaire Petrobras. Mais il faut se méfier de la vision très européenne qu'on peut avoir de ces procédés. Quand on demande au Chilien Boris Quercia, après avoir lu Les Rues de Santiago et Tant de Chiens, si Santiago est une ville dangereuse et gangrénée, il répond : En vérité, c'est une ville très sûre, mais j'écris un polar ! Donc, forcément, je montre des criminels, des pourris, des scènes violentes... » explique Claire Duvivier des Editions Asphalte.

Méfions-nous donc des clichés, des idées reçues aussi comme celle, qui a la vie dure, et qui concerne le Brésil. Là-bas, dit-on, les auteurs ont tendance à cacher l’histoire de leur pays derrière le masque jovial du carnaval, du foot et de la musique. Ilca Oliveira, professeur de littérature brésilienne, nous rassure : la littérature de son pays ne se résume pas à la samba et au ballon rond. « Aujourd’hui, explique-t-elle, les écrivains entretiennent un bon rapport avec l’histoire. Je pense notamment à Rui Mourão et Benito Bisso. Ou encore Ana Miranda qui écrit des romans biographiques. Bien sûr, nous avons aussi, comme dans les autres pays, des romanciers comme Nelida Piñon,   Bernardo Carvalho ou Conceição Evaristo ou encore des poètes, Ferreira Gullar, Adélia Prado, le noveliste Milton Hatoum, auteur aussi du roman Órfãos do Eldorado… »  . On pense aussi à Adriana Lisboa et son magnifique ouvrage Bleu corbeau, une belle réflexion sur l'appartenance.

Mais revenons à la violence. Celle engendrée par des inégalités socio-économiques en constante augmentation.  Est-elle, cette violence, une particularité de l’écriture du continent ? « Tout dépend des auteurs, nous dit encore Claire Duvivier, les vécus sont différents, les écrits aussi. Les romans d'Edyr Augusto (Brésil) sont très violents, une violence qu'il revendique, qu'il dit très prégnante dans sa région, le Para, donc loin des centres urbains ultraviolents connus en Europe, type favelas de Rio ou São Paulo. En revanche, les romans de Lorenzo Lunar (Cuba) sont relativement dénués de cette violence, bien qu'ils décrivent une époque du pays très difficile matériellement. Donc, pas de quoi en déduire quelque chose à l'échelle du continent. »

« Les Latinos sont bien moins cloisonnés que nous »

Comment se présente cette littérature ? Le roman est-il, comme en Europe, le « roi » de la création ?« En Amérique Latine et particulièrement en Argentine, on trouve sur les tables des librairies autant de recueils de nouvelles et de poésie que de romans. » constate Mathias de Breyne, écrivain et journaliste.

Diversité des genres mais aussi diversité à l’intérieur même de la narration. « Si « le réalisme magique » reste présent, parfois, les Latinos sont bien moins cloisonnés que nous. » nous dit encore Lise Belperron des Editions Métailié.

C’est le cas de l’œuvre de l’Argentin, Leandro Ávalos Blacha dont l’écriture est en constante expérimentation et qui déclare « Je crois que dans tous mes textes cet amalgame de genres est présent. Ce n’est pas une recherche volontaire, cela vient naturellement. » Polar, humour, fantastique, horreur… grand nombre de romans sont ainsi un amalgame de genres et restent inclassables.

La bande dessinée latino-américaine ? Si elle se porte bien, et cela depuis bien des années, la plupart des auteurs travaillent à l’étranger. Aux Etats-Unis ou en Europe. La raison ? Le manque de maisons d’édition.

« Quelques éditeurs sont bien arrivés sur les marchés nationaux et offrent un espace de publication à des auteurs de BD, mais cela demeure très modeste par rapport à l'offre en littérature. En Argentine, on peut nommer les éditions La Pinta, Llanto de mudo, Editorial Comun, Szama, au Brésil, Lote 42, Desiderata, Barba negra. Il y a les traditionnelles Companhia das letras, Sudamericana qui réservent des collections à la BD et au dessin d'humour » explique Claire Latxague des Editions Insula qui, quelques jours plus tard, nous signalera que Llanto de mudo, une des maisons les plus marquantes dans l'émergence d'un secteur éditorial indépendant en BD, venait d’annoncer sa fermeture suite au décès, en août dernier, de son emblématique directeur, Diego Cortés.

Un marché peu développé avec une chaîne du livre incomplète

Et si les maisons d’édition de bande dessinée ne se bousculent pas, la distribution et la vente fonctionnent au ralenti.  « On peut remarquer que les librairies spécialisées en bande dessinée reposent surtout sur la vente de comics nord-américains et de mangas et les productions nationales sont difficiles à trouver dans les librairies traditionnelles. Les festivals deviennent les meilleurs moyens de promotion dans ce cas. » ajoute Claire Latxague.

Quand est-il du marché de l’édition, en général ? En tête de peloton, on trouve, bien entendu, les grands groupes - Planeta, Mondadori, Prisa - suivies par les ONG et les éditions universitaires.  Un marché peu développé avec une chaîne du livre incomplète : pas d’agents littéraires, peu d’éditeurs professionnels, pas assez de distributeurs et un petit réseau de librairies. Les conséquences ? Une nouvelle forme d’édition qui pointe son nez, l’auto-édition et les grosses aspirations d’Amazon dont le rêve est d’occuper toute la chaîne…

Et, bien sûr, on peut se demander quelle peut-être la production de livres d’un continent d’une population totale de près de 625 000 000 habitants (la population mondiale est de 7 349 472 000 habitants). Voilà ce que révèlent les chiffres 2014 du Cerlalc (Centro Regional para el Fomento del Libro en América Latina y el Caribe). En 2013, 532 titres quotidiens étaient publiés en Amérique Latine soit 194 009 par an (98 306 en France, la même année). C’est, bien sûr, le Brésil, le plus grand pays de la région, qui édite le plus avec 235 titres par jour, suivit du Mexique (81) et de l’Argentine avec 76. En queue de liste, la Colombie, le Venezuela et l’Equateur.

Par ailleurs, on constate une augmentation importante du livre numérique (21 % des titres enregistrés en 2013) ; les pays les plus concernés par ce nouveau mode d’édition sont le Brésil, la Colombie et le Mexique avec, en fin de liste, la Bolivie, le Panama et le Paraguay. Ce phénomène n’empêche pas le sous-directeur du Cerlalc, Bernardo Jaramillo de rester optimiste « Le livre papier n’est pas prêt d’être détrôné » même s’il ajoute « mais d’ici une dizaine d’années on verra arriver autre chose… »

Quelques entretiens que nous avons réalisés...

Lise Belperron : « Les écrivains d’Amérique du Sud voyagent beaucoup, s’expatrient souvent »
Chloé Brendlé : « En France, on fronce les sourcils quand un journaliste écrit un roman »
Leandro Ávalos Blacha : « La circulation des livres sur le continent n’est pas très fluide »
Mathias de Breyne : « En Argentine, pour parler de « nouvelle » on utilise le mot « cuento » »
Paulo Lins, la samba comme arme de guerre


Quelques ouvrages...

Dernières nouvelles de Buenos Aires de Roberto Arlt
Ici et maintenant de Pablo Casacuberta
Tant de chiens de Boris Quercia
Puerto Apache de Juan Martini
Dessins invisibles de Gervasio Troche
L’Ouzbek muet et autres histoires clandestines de Luis Sepùlveda
Hanoï d’Adriana Lisboa
Depuis que la samba est samba de Paulo Lins
Ingrédients pour une vie de passions formidables de Luis Sépúlveda
Après l’orage de Selva Almada
La chasseuse d’astres de Zoé Valdés
Scipion de Pablo Casacuberta



Ana Miranda qui écrit des romans biographiques

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